Écrit par Darcy D. Moch, Thomas A. Bauer and Jared A. Mackey
Dans le budget fédéral canadien publié le 11 février 2014, le ministère des Finances a signalé son intention d’adopter une règle nationale sur le chalandage fiscal, permettant généralement à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de refuser les avantages de la convention lorsque le « but principal » d’une opération donnée est d’obtenir des avantages de la convention. Cette nouvelle règle pourrait entrer en vigueur au cours de la première année d’imposition suivant l’année au cours de laquelle la loi définitive est adoptée. La possibilité d’un allègement transitoire demeure une question ouverte. Alors que le gouvernement travaille à l’élaboration d’un avant-projet de loi, il a donné aux intervenants 60 jours pour formuler des commentaires sur l’approche qu’il propose.
Cette mise à jour fournit un bref résumé de l’annonce du budget de 2014 et met en évidence d’autres mesures que les intervenants, y compris les entreprises multinationales et les sociétés de capital-investissement ayant des structures canadiennes d’investissement et de financement entrants, devraient prendre en compte lors de l’élaboration de cette proposition anti-chalandage fiscal.
En route vers le budget de 2014
Le gouvernement a d’abord soulevé des préoccupations sur la question du chalandage fiscal dans le budget de 2013, le décrivant comme un arrangement en vertu duquel une personne qui n’a pas droit aux avantages d’une convention fiscale particulière avec le Canada utilise une entité qui est résidente d’un État avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale pour obtenir des avantages fiscaux canadiens. Le gouvernement s’est dit préoccupé par le fait que les dispositions anti-abus existantes du Canada n’étaient pas suffisantes pour contrer ces pratiques, en particulier compte tenu des décisions récentes des tribunaux de l’impôt.
En août 2013, le gouvernement a publié un document de consultation dans lequel il invitait les intervenants à formuler des commentaires sur les mérites relatifs de diverses approches en matière de chalandage fiscal d’ici le 13 décembre 2013 (Voir notre examen du document de consultation dans Le ministère des Finances publie un document de consultation sur les mesures anti-chalandage fiscal de septembre 2013). En particulier, on a demandé aux intervenants d’examiner les avantages d’une approche générale par rapport à une approche plus spécifique, ainsi que les avantages et les inconvénients d’une approche fondée sur le droit interne, d’une approche fondée sur des traités ou d’une combinaison des deux. La règle proposée et la discussion fournies par le gouvernement dans le budget de 2014 soulignent les progrès réalisés depuis cette consultation.
Règle proposée
Bien qu’aucun avant-projet de loi n’ait été publié, le budget de 2014 fournit un examen détaillé de la règle proposée par le gouvernement contre le chalandage fiscal, y compris son application potentielle dans cinq scénarios courants. La règle proposée mettra l’accent sur les opérations d’évitement en examinant si l’un des principaux objectifs d’une opération est d’obtenir les avantages de la convention. Le gouvernement offre également une certaine certitude et une certaine prévisibilité aux contribuables en instituant plusieurs présomptions positives et négatives pour éclairer l’analyse de l’objectif principal. Les principaux éléments de la proposition sont les suivants :
- Disposition relative à l’objet principal : Sous réserve de la disposition d’afaisement décrite ci-dessous, les avantages de la convention seront refusés lorsqu’il est raisonnable de conclure que l’un des principaux objectifs de la réalisation d’une opération était d’obtenir un avantage de la convention. Il convient de noter que d’autres critères de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) utilisant un langage similaire (c.-à-d. « l’un des principaux objectifs ») n’ont généralement pas de seuil élevé.
- Présomption d’intermédiaire : Il y aura présomption que l’un des principaux objectifs d’une opération était d’obtenir un avantage en vertu d’une convention lorsque le revenu pertinent de la convention est principalement (c.-à-d. au moins 50 pour cent) utilisé pour payer, distribuer ou transférer un montant à une autre personne qui, autrement, n’aurait pas droit aux mêmes avantages de la convention si la personne avait reçu le revenu de la convention directement. La présomption peut être surmontée par la preuve du contraire.
- Présomption de sphère de sécurité : Sous réserve de la présomption d’intermédiaire, il y aura présomption que l’objet principal d’une opération n’était pas d’obtenir les avantages d’une convention lorsque :
- la personne (ou une personne liée) exploite activement une entreprise (autre que la gestion d’investissements) dans un État avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale et, lorsque le revenu visé par la convention provient d’une personne liée au Canada, l’entreprise exploitée activement est importante comparativement à l’activité exercée au Canada qui donne lieu au revenu issu de la convention. Il convient de noter que cet allègement semble être semblable au critère du commerce actif ou des entreprises actuellement prévu dans la disposition sur la limitation des avantages du Canada et des États-Unis. Convention fiscale (article XXIX-A(3));
- la personne n’est pas contrôlée par une autre personne qui n’aurait pas eu droit à des avantages équivalents en vertu de la convention si elle avait reçu directement le revenu issu de la convention; ou
- la personne est une société ou une fiducie dont les actions ou les unités sont régulièrement négociées en bourse.
- Disposition d’allaisement : Lorsque l’objet principal d’une opération est d’obtenir les avantages d’une convention, l’avantage sera accordé dans la mesure où il est raisonnable compte tenu de toutes les circonstances.
En élaborant sa proposition, le gouvernement a reconnu l’objectif important des conventions fiscales d’encourager le commerce et l’investissement et, par conséquent, continue de reconnaître que les avantages de la convention sont une considération pertinente pour un non-résident qui décide d’investir ou non au Canada. Sur ce point, le gouvernement a ajouté que la règle proposée « ... ne s’appliquerait pas à l’égard d’une opération commerciale ordinaire uniquement parce que l’obtention d’un avantage en vertu d’une convention fiscale était l’un des facteurs à prendre en considération pour effectuer un investissement. Il reste à voir si le gouvernement adoptera un allègement autonome pour les transactions commerciales ordinaires et à quoi pourrait ressembler cet allégement.
Fondement des propositions
Contrairement à la préférence de nombreux intervenants pour une approche fondée sur les traités, exprimée lors du processus de consultation d’août 2013, le gouvernement a adopté une règle nationale. Il stipule qu’une règle interne pourrait être compatible avec les traités existants au motif qu’il n’y a pas d’obligations conventionnelles implicites de fournir des avantages en ce qui concerne les arrangements abusifs. Le gouvernement a noté que ce point de vue était partagé à la fois par l’Organisation de coopération et de développement économiques (DC) et les Nations Unies, et a mis en évidence des lois nationales similaires promulguées dans d’autres pays.
Le gouvernement a conclu qu’une approche fondée sur le droit interne serait généralement plus efficace et a suggéré que la règle qu’il propose serait ajoutée à la Loi sur l’interprétation des conventions de l’impôt sur le revenu, de sorte qu’elle s’appliquerait à l’égard de toutes les conventions fiscales du Canada.
Un certain nombre d’intervenants ont également exprimé leur préférence pour l’adoption d’une règle particulière, comme la disposition de limitation des avantages incluse dans les conventions fiscales américaines. Bien que le gouvernement ait reconnu que les règles de cette nature offrent un niveau élevé de certitude, il a souligné qu’elles ne s’insèrent pas dans toutes les formes de chalandage fiscal. Par conséquent, le gouvernement s’est prononcé en faveur d’une approche générale visant à prévenir un plus large éventail d’accords de chalandage fiscal. Le gouvernement a ajouté qu’une règle générale, fondée sur une disposition d’objet principal, a déjà été incluse dans plusieurs des conventions fiscales du Canada et est relativement bien connue des contribuables canadiens, des fiscalistes et des partenaires des conventions fiscales du Canada.
Prochaines étapes
Passant à la deuxième phase de son processus de consultation, le gouvernement a demandé aux parties intéressées de formuler d’autres commentaires sur l’approche qu’il propose pour prévenir le chalandage fiscal. En particulier, le gouvernement a sollicité des commentaires sur l’application possible de sa proposition à cinq scénarios transactionnels énoncés dans le budget. Les trois premiers scénarios correspondent aux faits de plusieurs cas de chalandage fiscal que l’ARC a contestés sans succès dans le passé : MIL (Investments) SA c. La Reine; Prévost Car Inc c. La Reine, et Velcro Canada Inc. c. La Reine, qui peuvent maintenant tous être visés par la règle proposée. De plus, tout en indiquant que la règle qu’il propose s’appliquerait probablement aux années d’imposition commençant après l’adoption, le gouvernement a sollicité des commentaires précis sur la question de savoir si un allègement transitoire (c.-à-d. des dispositions relatives aux droits acquis) serait approprié. La période de consultation se termine seulement 60 jours après l’annonce du budget (le 12 avril 2014), ce qui donne à penser que les commentaires reçus pourraient ne pas entraîner de modifications importantes aux propositions.
Le gouvernement n’a pas précisé d’échéancier pour la publication de l’avant-projet de loi, mais le budget laisse entendre que cela pourrait ne pas se produire avant la fin de 2014 ou le début de 2015. En 2013, la DC a publié un plan d’action pour aborder la planification fiscale internationale par les entreprises multinationales qui, en partie, appelle à l’élaboration de « dispositions et de recommandations de convention type concernant la conception de règles nationales pour empêcher l’octroi de prestations de la convention dans des circonstances inappropriées ». Le budget indique que les dispositions types et les recommandations de la DC, qui ne devraient pas être publiées avant septembre 2014, seront pertinentes pour formuler l’approche du Canada.
La progression continue vers la législation canadienne anti-chalandage fiscal sera une question importante à surveiller en 2014. Si elles sont adoptées de la façon décrite dans le budget, les propositions du gouvernement auront une incidence considérable sur les entreprises multinationales et les sociétés de capital-investissement ayant des structures canadiennes d’investissement et de financement entrants. La règle proposée peut s’appliquer chaque fois qu’une entreprise ou un investisseur qui n’a pas directement droit aux avantages d’une convention fiscale avec le Canada fait appel à une entité intermédiaire résidant dans un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale (comme le Luxembourg ou les Pays-Bas) pour détenir ou financer son investissement au Canada, gagnant ainsi un revenu ou réalisant des gains sans impôt canadien ou à un taux réduit de la convention qui pourrait ne pas s’appliquer autrement si l' entité intermédiaire n’a pas été utilisée.
Bien qu’elles en sont encore aux premières étapes de l’élaboration, les propositions du budget de 2014 offrent suffisamment d’orientation aux personnes susceptibles d’être touchées pour évaluer la viabilité de leurs structures existantes et prévues. Étant donné que les règles peuvent être en vigueur immédiatement ou peu de temps après l’adoption (en fonction du début de l’année d’imposition suivante d’un contribuable), les contribuables touchés peuvent avoir besoin d’une restructuration immédiate. Ces contribuables devraient envisager de prendre des mesures proactives pour atténuer l’incidence des règles, y compris de présenter des observations au gouvernement pour un délai de transition raisonnable et une certaine forme d’allègement le jour de l’évaluation à l’égard des gains existants qui seraient exonérés d’impôt en vertu d’une convention existante.
Si vous souhaitez obtenir de l’aide pour répondre à l’annonce du budget ou si vous avez des questions ou des préoccupations au sujet de l’incidence potentielle de la règle proposée sur votre structure d’entreprise ou sur la planification fiscale internationale, veuillez communiquer avec un membre de notre service fiscal.
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