Écrit par Alan Gardner, Amanda McLachlan, Douglas Fenton and Maya Bretgoltz
Dans l’affaire Commission des valeurs mobilières de l’Ontario c. Tiffin, 2020 ONCA 217, la Cour d’appel de l’Ontario a adopté une approche large de ce qui constitue un « titre » au sens de la Securities Loi, L.R.O. 1990, ch. S. 5. En rejetant l’application du critère de la « ressemblance familiale », qui a été utilisé aux États-Unis et dans d’autres pays pour restreindre la définition de « titre » en vertu des lois sur les valeurs mobilières applicables, la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé que l’intention de la Loi sur les valeurs mobilières est de saisir un large éventail d’instruments financiers; y compris des « billets à ordre » relativement informels émis à la famille, aux amis et aux associés d’affaires. La décision de la Cour d’appel rappelle également les pénalités potentiellement importantes qui peuvent être imposées pour les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières.
Historique
Daniel Tiffin était conseiller financier. Il vendait des produits d’investissement en assurance par l’entremise de sa société, Tiffin Financial Corporation (TFC). En 2009, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a rendu une ordonnance d’exclusion des opérations (l’ordonnance) contre M. Tiffin et TFC en raison de leur participation à un stratagème d’investissement dans le commerce des changes. L’ordonnance de la Commission interdisait à M. Tiffin et à TFC de négocier des valeurs mobilières et de se prévaloir de toute dispense en vertu des lois sur les valeurs mobilières de l’Ontario pendant une période de cinq ans.
Pendant que l’ordonnance était toujours en vigueur, M. Tiffin a emprunté 700 000 $ à des amis et à d’anciens clients, et a émis des billets à ordre de TLC pour prouver les prêts. Avant d’émettre les billets à ordre, M. Tiffin a informé les porteurs de billets des procédures antérieures de la Commission contre lui et qu’il lui était interdit de négocier des valeurs mobilières pendant que l’ordonnance demeurait en vigueur.
Lorsque la Commission a découvert les opérations, elle a accusé M. Tiffin et TLC de trois infractions à l’article 122 de la Loi sur les valeurs mobilières, à savoir :(1) la négociation de valeurs mobilières alors qu’elle était interdite en vertu d’une ordonnance d’interdiction d’opérations; 2° le commerce de valeurs mobilières sans inscription; et (3) distribuer des titres sans déposer de prospectus. Le fondement commun des trois infractions était que les billets à ordre étaient des « valeurs mobilières » au sens de la Loi sur les valeurs mobilières.
Décisions
Décision de première instance : Commission des valeurs mobilières de l’Ontario c. Tiffin, 2016 ONCJ 543
La seule question en litige devant la Cour de justice de l’Ontario était de savoir si les billets à ordre étaient des « titres » au sens de la Loi sur les valeurs mobilières.
Le juge de première instance a reconnu que l’intention de la Loi sur les valeurs mobilières était de prévoir un régime de « capture et d’exclusion », conçu intentionnellement pour englober un large éventail d’opérations, puis d’accorder des dispenses législatives à l’obligation de s’inscrire auprès de la Commission avant d’opérationner des valeurs mobilières dans des circonstances particulières.
Toutefois, le juge de première instance a conclu que conclure que les billets à ordre étaient des « titres » au sens de la Loi sur les valeurs mobilières jetterait un filet trop large. Pour en arriver à cette conclusion, le juge de première instance a adopté et appliqué le critère de la « ressemblance familiale » formulé par la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Reeves v. Ernst &Young (1990), 494 U.S. 56 pour déterminer ce qui constitue un « titre » en vertu de la Securities Exchange Act of 1934 des États-Unis. Plus particulièrement, le juge de première instance a conclu que les billets à ordre n’étaient pas des « titres » parce qu’ils étaient semblables aux billets garantis par un privilège sur une petite entreprise ou ses actifs, qui avaient été identifiés dans l’affaire Reeves comme une « famille » de billets non-valeurs mobilières reconnus.
Par conséquent, le juge du procès a acquitté M. Tiffin et TLC des trois chefs d’accusation.
L’appel à la Cour supérieure de justice : Commission des valeurs mobilières de l’Ontario c. Tiffin, 2018 ONSC 3047 & href="https://www.canlii.org/en/on/onsc/doc/2018/2018onsc5419/2018onsc5419.html?autocompleteStr=Ontario%20Securities%20Commission%20v.%20Tiffin%2C%202018%20ONSC%205419&autocompletePos=1 » target="_blank">2018 ONSC 5419La Commission a interjeté appel devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. En appel, le juge Charney de la Cour supérieure a conclu que le juge de première instance avait commis une erreur en appliquant le critère de la « ressemblance familiale » pour exclure les billets à ordre du champ d’application de la Loi.
La Cour a conclu que le terme « titre » avait été défini dans la Loi sur les valeurs mobilières pour englober un large éventail d’instruments financiers. Cela reflétait un choix de politique délibéré de la part du législateur qui ne devrait pas être entravé en l’absence d’une contestation constitutionnelle. La Cour a également jugé qu’il n’était pas approprié d’importer le critère de la « ressemblance familiale » dans le droit des valeurs mobilières de l’Ontario, en raison des différences importantes entre les régimes de réglementation des valeurs mobilières de l’Ontario et des États-Unis.
La Cour a finalement conclu que les billets à ordre étaient des « titres » au titre de la Loi sur les valeurs mobilières. Fait remarquable, elle a ensuite condamné M. Tiffin à six mois d’emprisonnement et lui a ordonné de rembourser intégralement la valeur totale des billets à ordre.
Décision de la Cour d’appel de l’Ontario
Les billets à ordre sont des titres en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières
En appel, la Cour d’appel a confirmé (2020 ONCA 217) que les billets à ordre étaient des « titres » au sens de la Loi sur les valeurs mobilières.
S’exprimant au nom de la Cour, le juge Harvison Young a conclu que les billets à ordre correspondaient à la clause e) de la définition d’un titre en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières — « une obligation, une débenture, un billet ou toute autre preuve de dette ». La Cour a refusé de limiter la définition de « titre » en utilisant le critère de la « ressemblance familiale » énoncé dans l’arrêt Reeves parce qu’à son avis, il y avait des différences structurelles importantes entre le régime des valeurs mobilières en Ontario et aux États-Unis.
À cet égard, la Cour a affirmé que la Loi sur les valeurs mobilières utilise un régime de « capture et d’exclusion » : la Loi sur les valeurs mobilières définit délibérément certains termes clés de façon générale pour englober un large éventail d’instruments et d’activités, avant de prévoir des dispenses soigneusement conçues pour exclure des activations plus spécifiques de la portée de la Loi sur les valeurs mobilières. En revanche, la Loi sur les bourses de valeurs est rédigée en utilisant un langage exclusif, destiné à définir un « titre » en termes étroits et spécifiques.
De plus, la Cour était d’avis que la Securities Exchange Act vise à réglementer les placements et non les instruments commerciaux. Par exemple, les titres de créance à court terme sont explicitement exclus de la définition de « titre » en vertu de la Securities Exchange Act. Par conséquent, le critère de l’affaire Reeves n’aide qu’à établir une distinction entre les investissements (qui sont assujettis au régime) et les instruments commerciaux (qui ne le sont pas).
Selon la Cour d’appel, rien n’indique que le législateur de l’Ontario avait l’intention d’établir une distinction semblable. Les titres de créance à court terme sont visés par la définition de « titre » en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières. Le régime des valeurs mobilières de l’Ontario prévoit des dispenses de l’interdiction d’émettre des titres sans prospectus, dans certaines circonstances. Cette approche est généralement révélatrice du régime de « capture et d’exclusion » de la Loi sur les valeurs mobilières – des règles étroites sont adoptées pour exempter certains instruments des exigences de prospectus.
La Cour a reconnu que sans l’ordonnance, la conduite de M. Tiffin et de TFC aurait pu être exemptée des exigences de prospectus de la Loi sur les valeurs mobilières. Toutefois, le fait qu’il n’y avait pas de dispense dans ces circonstances ne justifiait pas de restreindre la définition de « sûreté » en inscrirant un critère étranger incompatible avec l’économie de la Loi sur les valeurs mobilières.
Principes de détermination de la peine
La Cour d’appel, bien qu’elle ait adopté l’analyse de la Cour supérieure, a annulé la peine d’emprisonnement de six mois de M. Tiffin et a plutôt ordonné qu’il purge une longue période de probation.
La Cour a précisé que, bien qu’il puisse être approprié d’imposer une peine d’emprisonnement pour des infractions réglementaires dans certaines circonstances (principalement pour servir l’objectif de dissuasion générale), la peine imposée doit toujours être proportionnelle au degré de responsabilité du délinquant et à la gravité de l’infraction. Toutefois, la Cour. n’est pas allé jusqu’à adopter l’argument de M. Tiffin selon lequel seules les infractions « évasives et frauduleuses » en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières justifient une peine d’emprisonnement. L’intention du contrevenant de commettre la violation de la Loi sur les valeurs mobilières n’était qu’une des nombreuses considérations pertinentes pour déterminer si une peine d’emprisonnement était appropriée dans les circonstances.
Dans ces circonstances, la Cour a conclu qu’une peine d’emprisonnement de six mois était manifestement inapte parce que M. Tiffin n’avait pas tenté de tromper les porteurs de billets. L’absence de conduite mensaisie était un facteur atténuant unique qui distinguait l’affaire des décisions antérieures en matière de détermination de la peine dans lesquelles une peine d’emprisonnement était imposée. M. Tiffin avait également reconnu s’être livré à la conduite reprochée, avait effectué une restitution aux porteurs de billets et avait exprimé des remords pour sa conduite. Cela a milité en faveur d’une peine réduite.
Points à retenir
La décision de la Cour d’appel présente un certain nombre de points importants à retenir pour les participants aux marchés financiers :
- La définition de « titre » en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières est délibérément large et englobe un large éventail d’instruments et d’opérations. Compte tenu de l’étendue de la définition, même les parties averties doivent porter une attention particulière à la question de savoir si une opération particulière relèverait de la Loi sur les valeurs mobilières.
- Conformément au régime de « capture et exclusion » de la Loi, une opération peut être exemptée des exigences réglementaires de la Loi sur les valeurs mobilières (c.-à-d. émettre un prospectus avant de procéder à un placement de valeurs mobilières ou s’inscrire auprès de la Commission avant de négocier des valeurs mobilières) même si elle est prise en compte par la définition d’un « titre ». Une opération peut être exonérée si elle ne constitue pas une « opération », un « placement » ou si elle est autrement visée par l’une des dispenses de prospectus prévues par les règlements applicables.
- Les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières peuvent entraîner des sanctions sévères, y compris jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que ce ne sont pas seulement les infractions évasives et frauduleuses en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières qui peuvent justifier l’emprisonnement, bien que les participants au marché soient avertis de faire remarquer que M. Tiffin a évité l’emprisonnement parce qu’il n’a pas trompé les investisseurs, reconnu sa conduite et effectué un dédommagement.
Compte tenu de l’étendue de la définition d’un « titre », il est important d’obtenir un avis juridique avant de s’engager dans une opération qui pourrait être assujettie à une réglementation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières. Si vous ou votre entreprise avez des questions concernant une transaction particulière ou les exigences en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, veuillez contacter un membre du groupe Bennett Jones Securities Litigation group.
Traduction alimentée par l’IA.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
Pour obtenir l’autorisation de republier la présente publication ou toute autre publication, veuillez communiquer avec Amrita Kochhar à kochhara@bennettjones.com.