Écrit par Matthew Hunt, Marshall Eidinger, Lisa Kakoske et Geoffrey Stenger
Malgré l’incertitude induite par les tarifs douaniers des États-Unis et une guerre commerciale qui se profile, l’activité du secteur capital-investissement au Canada a été positive au premier trimestre de 2025. Bien sûr, à la suite de l’annonce du président Trump, le 2 avril, de ses grandes ambitions pour l’imposition de tarifs douaniers à l’échelle mondiale, et compte tenu de la volatilité des marchés qui a suivi, tout peut arriver.
Dans ce numéro des Brèves du capital-investissement de Bennett Jones, nous tenterons de répondre aux questions suivantes :
- Comment le marché canadien du capital-investissement s’en sort-il au premier trimestre de 2025, et qu’est-il susceptible de se produire par la suite?
- Où dénicher des opportunités et comment cibler les secteurs recherchés dans un contexte d’évolution constante?
- Pourquoi les infrastructures restent-elles un actif intéressant pour le capital-investissement?
- Comment les investisseurs institutionnels canadiens pallient-ils l’impact des tarifs douaniers?
Le paysage du capital-investissement au Canada au premier trimestre de 2025
Les attentes ont changé en matière de capital-investissement depuis l’annonce, le 1er février, de l’application de tarifs douaniers sur les produits canadiens par les États-Unis. Le début de l’année 2025 s’annonçait positif, mais les perspectives ont changé compte tenu des nouvelles incertitudes qui pèsent sur le commerce. Bien que le Canada ait été épargné des tarifs douaniers réciproques des États-Unis lors de leur annonce le 2 avril, cette dernière annonce du président Trump a bouleversé le système commercial international et a soulevé des inquiétudes quant à l’avenir de l’économie mondiale.
D’un côté plus positif, le secteur du capital-investissement voit encore des opérations et de l’investissement se réaliser. Ce qui importe surtout à l’heure actuelle, c’est de savoir si les entreprises sont visées, partiellement visées ou non visées par le nouveau régime tarifaire. Les entreprises qui ne sont pas visées par le régime tarifaire représentent toujours un attrait pour les acheteurs. La demande reste élevée et les vendeurs sont nombreux. Toutefois, les entreprises qui sont partiellement visées par le régime tarifaire sont confrontées à des difficultés.
En ce qui concerne le capital-investissement, la demande pour des entreprises et des actifs de grande qualité est très forte. Il y a toujours beaucoup de capitaux non investis ou non déployés disponibles, et le sentiment d’urgence quant à leur utilisation s’accroît.
Nous pourrions assister à davantage de consolidations et de ventes en catastrophe en réponse à l’évolution du contexte économique. Nous pourrions également voir des entreprises de petite et de moyenne taille unir leurs forces dans le cadre d’une fusion d’égal à égal, dans le but de dynamiser les flux de trésorerie et de freiner la baisse des coûts unitaires. Si le seuil critique est atteint dans ces domaines, nous pourrions rapidement assister à une hausse des opérations de capital-investissement, tant à l’échelle nationale qu’au-delà de frontières.
Opportunités de capital-investissement dans les infrastructures canadiennes
L’investissement dans les infrastructures a été l’un des principaux facteurs de croissance du capital-investissement l’année dernière, et cette tendance se poursuit en 2025. Le volume des opérations reste élevé et les forces motrices à la base de la demande d’infrastructures touchent de nombreuses industries clés.
Preqin a indiqué que 87 % des investisseurs interrogés indiquent que les investissements dans les infrastructures avaient répondu à leurs attentes ou les avaient dépassées. Selon Bain & Company, les infrastructures sont l’une des deux seules catégories d’actifs privés pour lesquelles le financement n’a pas ralenti en 2024. En 2025, la valeur des opérations dans les secteurs des services publics et industriels a augmenté par rapport à l’année précédente, selon Bloomberg.
Nous nous attendons à voir davantage d’investissements canadiens et étrangers dans les infrastructures canadiennes traditionnelles et dans les actifs connexes à l’infrastructure, étant donné que les investisseurs de capitaux privés visent à investir dans des actifs cloisonnés qui génèrent des revenus. Il y a beaucoup de capitaux disponibles en ce moment qui attendent d’être investis et de nombreuses entreprises considèrent les infrastructures comme une possibilité d’investissement ou de développement reposant sur des actifs, avec des options multiples et créatives pour l’investissement à travers la structure du capital.
Les tarifs douaniers pourraient également entrer en ligne de compte. Si les tensions commerciales se traduisent par un développement accru des infrastructures au Canada, le secteur du capital-investissement pourrait se tourner plutôt vers les occasions cloisonnées. Les actifs cloisonnés peuvent également offrir davantage de certitude aux investisseurs. La demande est forte pour les centres de données, les infrastructures fournissant l’électricité nécessaire à leur fonctionnement, les énergies renouvelables et les projets de minéraux critiques. On observe également un regain d’intérêt pour le secteur des ressources en pétrole et en gaz conventionnels.
Les tarifs douaniers américains de 25 % applicables sur l’acier et l’aluminium canadiens sont cependant demeurés en vigueur après l’annonce du président Trump du 2 avril, ce qui pourrait provoquer une hausse des coûts de construction et de réalisation des projets.
Faire face aux tensions commerciales : l’impact des tarifs douaniers sur les investisseurs institutionnels canadiens
Les tensions commerciales actuellement ressenties avec les États-Unis ont créé un climat imprévisible pour les investisseurs institutionnels canadiens, en particulier pour ceux qui investissent dans des fonds de capital-investissement et des fonds de capital-risque, co-investissent ou investissent directement dans des sociétés de portefeuille américaines. Ces incertitudes ont conduit à la mise en œuvre de stratégies différentes en fonction du type d’investisseur institutionnel.
Les investisseurs en capital-risque soutenus par le gouvernement au Canada et dont l’objectif principal est d’investir dans des fonds de capital-risque et des entreprises en démarrage au pays pourraient être plus fortement touchés par le climat commercial actuel. Historiquement, ces investisseurs ont autorisé des investissements limités dans des fonds de capital-risque et des entreprises en démarrage américaines, mais avec l’escalade des tensions commerciales et l’imposition des tarifs douaniers, les risques associés aux investissements en sol américain ont sensiblement augmenté, notamment sur les plans économique, politique et de la perception du public. Ainsi, nous pensons que ces investisseurs pourraient être plus enclins à suspendre ou à réduire leurs investissements aux États-Unis et à diriger davantage de capitaux vers le marché canadien.
D’autre part, les investisseurs institutionnels les plus importants, comme les fonds de pension, ont généralement des mandats plus étendus qui leur permettent d’entretenir une plus grande diversification à l’échelle mondiale. Par conséquent, nous constatons actuellement que ces investisseurs continuent en grand nombre d’investir dans des fonds de capital-investissement parrainés par les États-Unis, et même directement dans des sociétés de portefeuille américaines. Nous croyons que ces investisseurs adopteront une approche plus nuancée, une fois qu’aura été mesuré l’impact des tarifs douaniers sur chaque société de portefeuille, plutôt que de laisser l’impact des tarifs douaniers et d’autres préoccupations géopolitiques dicter leur stratégie d’investissement globale.
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a toutefois adopté une approche différente. En réponse à l’incertitude soulevée par les politiques commerciales américaines, la CDPQ a mis en place un programme visant à orienter les capitaux d’investissement vers les entreprises québécoises. Cette initiative encourage les investissements dans des projets qui augmentent la productivité ou ouvrent de nouveaux marchés, dans le but ultime de renforcer l’économie locale et d’atténuer les risques de perturbations induites par le commerce extérieur.
Activité de capital-investissement au Canada au premier trimestre de 2025
La valeur totale des opérations de fusions et acquisitions annoncées dans le secteur du capital-investissement pour le premier trimestre de 2025 a fait un bon de près de 20 G$ par rapport au trimestre précédent, grâce à de nombreuses transactions d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Le secteur des services publics est en tête, avec une valeur totale de 25,78 G$. Le secteur des logiciels et des services technologiques a enregistré le plus grand nombre d’opérations (18).
Le nombre total d’opérations réalisées au cours des trois premiers mois de 2025 est demeuré stable par rapport au quatrième trimestre de 2024, et a généralement suivi le rythme acquis au cours de tous les trimestres précédents de 2024.
Capital-investissement au Canada
Le nombre d’activités de capital-investissement au Canada – où l’acquéreur achète moins de 50 % de la société cible – est resté stable au cours du premier trimestre de cette année, mais a diminué sur une base mensuelle.
Opérations de privatisation : Canada et États-Unis
Le nombre d’opérations de privatisation au Canada et aux États-Unis a presque doublé entre 2020 et 2024. Au premier trimestre de cette année, 35 privatisations ont été proposées, étaient en cours ou ont été achevées, soit le même nombre qu’au premier trimestre de 2024. De janvier à mars, les transactions effectuées en 2025 ont montré une tendance mensuelle à la hausse.
Ce que l’avenir nous réserve
Le premier trimestre de 2025 a été marqué par une évolution positive de l’activité de capital-investissement au Canada. Nous verrons au deuxième trimestre dans quelle mesure le rythme des opérations de fusion et acquisition et des activités de capital-investissement est affecté par les politiques tarifaires imposées par le président Trump. Nous pourrons également voir comment les investisseurs y réagissent. D’importants leviers sont toujours en place pour certaines entreprises canadiennes et nos relations commerciales avec les États-Unis demeurent difficiles. Le 2 avril dernier, les prévisions pour 2025 ont à nouveau changé de manière rapide et inattendue.
Ce dont nous avons maintenant besoin, c’est une plus grande part de certitude quant à ce qui nous attend en matière de tarifs douaniers et de commerce. Évidemment, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire, après les bouleversements que nous avons tous connus depuis le début du mois de février. Il s’agit toutefois du facteur déterminant qui permettra de ramener nos prévisions pour 2025 vers ce qu’elles étaient au tout début de l’année.
Nos autres publications
Le groupe de capital-investissement et fonds de placement de Bennett Jones s’est également penché sur l’évolution de la situation et les occasions qu’offre le marché du capital-investissement au Canada :
Transformer les pertes en gains : stratégies fiscales de capital-investissement avec les entreprises en difficulté
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31 mars 2025
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Les investisseurs fortunés stimuleront la croissance du capital-investissement : opportunités, risques et autres considérations importantes
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20 février 2025
Groupe capital-investissement et fonds de placement de Bennett Jones
Le groupe Capital-investissement et fonds de placement de Bennett Jones est un chef de file au Canada. Nous comptons parmi nos clients des promoteurs financiers avertis qui cherchent à équilibrer le risque et le rendement prévu et qui ont besoin de conseils sur mesure du début de la phase d’investissement jusqu’à la sortie. Bennett Jones représente toutes les parties dans le cadre d’opérations de capital-investissement, plus particulièrement des promoteurs financiers américains et canadiens. Pour discuter des développements et des opportunités de croissance du patrimoine privé en matière de capital-investissement, veuillez communiquer avec l’un des auteurs.
Tous les chiffres sont tirés des données compilées par Bloomberg et sont exprimés en dollars américains, sauf indication contraire (opérations, transactions et investissements annoncés, terminés ou en cours – à l’exception de ceux qui ont été résiliés ou retirés – dans lesquels une entreprise canadienne est l’acquéreuse, la cible ou la vendeuse), en date du 31 mars 2025.
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