Écrit par Darrel Pearson, Jonathan Fried, Jessica Horwitz and Valerie Hughes
Le rapport Panel report in Canada—Dairy TRQ Allocation Measures, publié le 4 janvier 2022, a résolu le premier différend d’État à État en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique ou « ACEUM » (aussi connu sous le nom d’AEUMC). Le rapport est important à plusieurs égards.
- Le Groupe spécial a déterminé qu’il est interdit au Canada, en vertu de l’ACEUM, de réserver des allocations de produits laitiers uniquement aux transformateurs laitiers, mais il a affirmé que, tant que Canada ne bloque pas l’accès aux contingents tarifaires par les non-transformateurs, il est libre d’attribuer des quotas à l’entité de son choix. L’incidence économique pratique de cette décision sur les industries laitières des États-Unis et du Canada est inconnue pour le moment, car le Canada n’a pas encore rendu publiques les mesures qu’il a l’intention de prendre pour rendre ses pratiques conformes à la décision.
- Selon la façon dont le Canada met en œuvre la décision, le résultat pourrait avoir des répercussions importantes pour les exportateurs américains et les détaillants, distributeurs et consommateurs canadiens.
- Le Comité a accordé la permission à une entité non gouvernementale – le Conseil international du fromage du Canada – de présenter des points de vue écrits au Comité. Cela n’a jamais été permis dans les différends d’État à État en vertu de l’ancien ALENA et peut indiquer que ce type de participation pourrait se produire régulièrement en vertu de l’ACEUM. Cela présente d’importantes possibilités pour les participants de l’industrie dans les futurs processus de règlement des différends.
- Contrairement au mécanisme chroniquement bloqué dans l’ancien ALENA, cette décision prouve que le mécanisme de règlement des différends d’État à État de l’ACEUM fonctionne bien et constitue un moyen efficace de résoudre les questions commerciales. Cela est important parce que les moyens habituels de règlement de ces différends ces dernières années – le recours au système de règlement des différends de l’OMC – ne peuvent plus garantir un règlement des différends contraignant à la suite des mesures prises par les États-Unis pour forcer l’Organe d’appel de l’OMC à fermer ses portes.
De quoi s’agissait-il?
Le différend portait sur les importations de produits laitiers au Canada et sur la question de savoir si le Canada avait agi de façon incompatible avec ses obligations découlant des traités en vertu de l’ACEUM dans la façon dont il administre les contingents tarifaires (CT) sur les produits laitiers. Un contingent tarifaire est un mécanisme par lequel un pays impose un droit de douane nul ou faible sur les importations de certains produits jusqu’à une quantité spécifiée, et une fois que la quantité a été importée, le droit de douane sur les importations supplémentaires devient beaucoup plus élevé. Dans le cas des produits laitiers, ces taux plus élevés peuvent être plus de trois fois supérieurs à la valeur du produit, ce qui rend effectivement les importations supérieures au montant contingentaire initial non rentables. Le Canada a accordé aux États-Unis un nouvel accès au CT dans 14 catégories de produits laitiers dans le cadre de ses concessions pendant les négociations de l’ACEUM.
Les États-Unis ont contesté la pratique du Canada consistant à réserver entre 85 p. 100 et 100 p. 100 de leurs CT de produits laitiers aux " transformateurs " canadiens (c.-à-d. aux fabricants de produits laitiers) et aux " transformateurs secondaires " (c.-à-d. les fabricants d’autres produits alimentaires qui incorporent des produits laitiers). Les États Unis ont allégué que cette pratique était incompatible avec les obligations du Canada au titre de l’ACEUM , en particulier l’article 3.A.2.11 b) du chapitre sur l’agriculture, qui stipule que dans l’administration d’un contingent tarifaire attribué, le Canada (et les États-Unis) « fera en sorte que ... il ne limite pas l’accès à une attribution aux transformateurs ». Les États Unis ont fait valoir que cette disposition interdisait la pratique du Canada consistant à annuler les « pools » réservés de contingents tarifaires pour les produits laitiers pour les processeurs, auxquels les non-processeurs n’ont pas accès. Le Canada a répliqué que ses « pools » réservés ne sont pas eux-mêmes des « allocations » et que, de toute façon, les non-transformateurs ont accès à un quota, ce qui signifie que le Canada se conforme aux exigences de l’ACEUM.
Quelles sont les implications pratiques de la pratique du Canada consistant à réserver des contingents d’importation aux transformateurs?
La pratique du Canada de restreindre sensiblement la totalité du contingent pour les transformateurs canadiens signifie que les marchandises importées en vertu des contingents tarifaires sont presque toutes des intrants de faible valeur, comme des blocs de fromage de taille industrielle, plutôt que des produits de consommation finis. Cela favorise l’activité économique à valeur ajoutée au Canada, plutôt qu’aux États-Unis, dans le traitement de ces intrants en produits finis. L’industrie laitière américaine veut accroître ses exportations de produits laitiers à valeur ajoutée plus coûteux, mais les transformateurs canadiens n’ont généralement pas intérêt à importer de tels produits parce qu’ils font concurrence à leurs propres offres de produits. Si une plus grande partie du CT canadien était utilisée pour des produits de plus grande valeur, la valeur des revenus supplémentaires potentiels pour les fabricants de produits laitiers américains est
Le Canada a soutenu qu’il était nécessaire de réserver des allocations aux transformateurs canadiens pour assurer la prévisibilité et la stabilité des importations. Il permet de prévoir et de faire correspondre avec précision l’offre et la demande dans le cadre du système de gestion de l’offre de produits laitiers du Canada. En outre, le Canada a affirmé qu’il n’avait jamais eu l’intention, au cours des négociations, de concéder son droit de limiter une proportion substantielle du contingent aux transformateurs, et que cela avait été clairement indiqué aux négociateurs des États Unis.
Quelle a été l’issue du différend?
Le Groupe spécial s’est rangé du côté des États Unis, déterminant que la prohibition prévue à l’article 3.A.2.11 b) de l’ACEUM visait à assurer l’accès des non-transformateurs au contingent en général, et non pas simplement à une sous-allocation restreinte. Toutefois, le Groupe spécial a reconnu que le Canada dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’élaboration de méthodes d’attribution pour administrer ses CT.
Le rapport du Groupe spécial a également laissé intact le système de gestion de l’offre du Canada pour les produits laitiers. En fait, les États Unis ont dit explicitement dans leurs communications au Groupe spécial qu’ils ne contestaient pas le système de gestion de l’offre du Canada dans le présent différend.
Que se passe-t-il maintenant?
Le rapport du Comité est définitif et il n’y a pas d’appel. Le Canada et les États-Unis ont 45 jours à compter de la publication du rapport (c.-à-d. jusqu’au 3 février 2022) pour convenir d’un règlement du différend.
La résolution pourrait signifier que le Canada éliminera la pratique de réserver des pools pour les transformateurs laitiers et fournira un accès plus large à ces CT. Cela profiterait aux exportateurs américains et aux détaillants, distributeurs et consommateurs canadiens, car cela augmenterait la concurrence au niveau des distributeurs et des détaillants pour les produits laitiers au Canada. Un tel résultat pourrait avoir une incidence négative sur le cours de l’action des transformateurs laitiers canadiens, bien qu’il soit possible que les marchés l’aient déjà évalué comme étant prévisible après la conclusion des négociations de l’ACEUM.
Par ailleurs, le Canada et les États-Unis pourraient convenir que le Canada peut continuer de réserver des contingents aux transformateurs seulement et, en retour, le Canada verserait aux États-Unis une compensation pour la perte d’accès à ces contingents tarifaires. Toutefois, il est peu probable que les États-Unis acceptent cette approche parce que les agriculteurs et les exportateurs américains sont désireux d’accéder à des allocations supplémentaires obtenues pendant les négociations de l’ACEUM. Par conséquent, un tel résultat serait politiquement désagréable aux États-Unis.
Une troisième possibilité est que le Canada cesse de réserver des pools pour les transformateurs laitiers, mais modifie sa méthode d’attribution d’une manière qui a pour effet de s’assurer que des quantités similaires de quotas continuent d’être accordées aux transformateurs. Ce faisant, le Canada devrait naviguer prudemment dans un certain nombre d’autres engagements en vertu du traité, comme s’assurer que les procédures d’administration des CT sont « justes et équitables », que chaque allocation est faite en « quantités commercialement viables » et « dans toute la mesure du possible, dans les quantités que le demandeur de CT demande ». De plus, le Canada ne serait pas en mesure d'« introduire une condition, une limite ou une exigence d’admissibilité nouvelle ou additionnelle » sur l’utilisation d’un CT à moins que des conditions particulières ne soient remplies. Bien que la modification de la méthode d’attribution puisse être la plus souhaitable sur le plan politique pour le Canada, on peut s’attendre à ce que les États-Unis examinent attentivement toute nouvelle approche et n’hésiteront pas à remettre en question tout élément qui, selon elles, va à l’encontre des obligations de l’ACEUM.
Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un règlement du différend d’ici le 3 février, l’ACEUM permet aux États-Unis de prendre des mesures de rétorsion contre le Canada, par exemple en imposant des droits de douane sur les importations de produits canadiens aux États-Unis jusqu’à ce que le différend soit réglé. Les exportateurs canadiens devraient prendre note du fait que ces mesures de rétorsion ne se limitent pas nécessairement aux produits laitiers et pourraient avoir une incidence sur d’autres secteurs de l’économie canadienne. Il s’agit donc d’une question que tous les exportateurs canadiens devraient surveiller de près.
Quel rôle les participants de l’industrie ont-ils joué dans le processus de règlement des différends?
Contrairement à l’ALENA, l’ACEUM permet aux participants de l’industrie de présenter des observations dans le cadre de différends d’État à État. Le Conseil international du fromage du Canada (CCIC), une association sans but lucratif de petits et moyens importateurs de fromage et de leurs fournisseurs, a demandé l’autorisation, en vertu des Règles de procédure de l’ACEUM, de présenter des points de vue écrits au Groupe spécial dans le différend sur les produits laitiers. Le Comité a accordé l’autorisation après avoir demandé l’avis des parties au différend.
Dans son mémoire, l’ICCC a souligné les effets négatifs sur ses membres et l’économie canadienne de l’octroi de la majorité du quota aux transformateurs nationaux et de la limitation du quota pour les distributeurs. Il a expliqué qu’en raison d’un manque de quota suffisant, les importateurs n’ont pas été en mesure de remplir les commandes, d’accroître leur part de marché et de créer des emplois au Canada. La CCIC a également affirmé que les mesures prises par le Canada en réservant une grande partie du CT aux transformateurs violaient ses obligations en vertu de l’ACEUM.
Le Canada a réfuté les affirmations de l’ICCC dans des contre-exposés écrits, faisant valoir que la communication de l’ICCC contenait des inexactitudes factuelles et des allégations trompeuses et que ses arguments juridiques étaient erronés. Il a demandé au Comité de s’abstenir d’aborder la soumission de l’ICCC dans son rapport ou de rejeter les arguments de l’ICCC. Les États Unis, en revanche, se sont explicitement appuyés sur les déclarations figurant dans la communication de l’ICCC à l’appui de certains de leurs arguments.
Le Comité n’a pas fait explicitement référence aux observations de la CCIC dans le rapport du Comité, de sorte qu’il est impossible de savoir si elles ont influencé le résultat. Néanmoins, le fait que l’autorisation ait été accordée donne à penser que la participation d’entités non gouvernementales pourrait devenir une caractéristique commune dans les futurs différends d’État à État de l’ACEUM. Cela pourrait être utile aux futurs groupes spéciaux en raison de la perspective unique que les acteurs non gouvernementaux et les parties prenantes de l’industrie peuvent avoir en ce qui concerne les questions souvent fondées sur des faits et complexes qui se posent dans ces différends. Il présente également d’importantes possibilités pour les participants de l’industrie aux futurs processus de règlement des différends.
Qu’est-ce que ce différend démontre au sujet du mécanisme de règlement des différends de l’ACEUM?
Le présent différend démontre que le mécanisme de règlement des différends d’État à État de l’ACEUM est un moyen fiable et efficace de résoudre les irritants commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Contrairement au mécanisme de l’ALENA, qui comprenait des échappatoires permettant aux parties répondantes d’éviter les différends en refusant de nommer des membres du groupe spécial, le système de l’ACEUM a corrigé ces lacunes de sorte que si une partie ne nomme pas les membres du groupe spécial, une autre partie le fera. En outre, ce différend a prouvé que le système fonctionne efficacement; le différend a pris environ six mois entre la composition du groupe spécial et la publication du rapport final.
Il s’agit d’une bonne nouvelle étant donné que le mécanisme de règlement des différends de l’OMC – sur lequel le Canada s’est appuyé sur plusieurs questions commerciales au fil des ans, dont beaucoup contre les États-Unis – ne peut plus garantir un règlement exécutoire des différends. Bien que le système fonctionne toujours au niveau du groupe spécial (première instance), l’Organe d’appel n’est plus en mesure d’entendre les affaires parce que les États Unis ont bloqué la nomination des membres de l’Organe d’appel (juges) en raison de leur insatisfaction à l’égard, entre autres choses, de l’approche interprétative de l’Organe d’appel. Ainsi, si une partie obtient gain de cause au stade du groupe spécial de l’OMC, la partie perdante peut faire appel de l’affaire, mais il n’y a personne pour entendre l’appel. Jusqu’à présent, 21 rapports de groupes spéciaux de l’OMC ont fait l’objet d’un « appel dans le vide ».
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