Écrit par Christiaan A. Jordaan
En décembre 2016, une décision de la Cour fédérale a causé des frissons aux avocats d’entreprise de partout au Canada lorsqu’elle a statué que le privilège de l’intérêt commun ne s’applique pas dans le contexte transactionnel où des documents par ailleurs privilégiés sont partagés entre les parties à l’opération. Cette décision a maintenant été infirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Iggillis Holdings Inc c Canada (Revenu national), 2018 CAF 51.
Le raisonnement dans la décision maintenant infirmée du tribunal inférieur était que l’existence d’un privilège d’intérêt commun transactionnel était toujours une question de droit ouvert. Le juge du tribunal inférieur a conclu que son acceptation dans le contexte transactionnel était une extension des principes reconnus dans d’autres circonstances – soit la défense conjointe d’un litige, soit lorsque deux clients retiennent les services du même avocat pour les représenter (plutôt que deux clients avec leurs propres avocats collaborant) – mais fait sans aucune analyse significative. Par conséquent, le tribunal s’est senti libre d’examiner à nouveau la question. Après une longue analyse des questions de politique, elle a conclu que le privilège d’intérêt commun ne devrait pas s’appliquer dans le contexte transactionnel où les parties ont une représentation distincte.
En revanche, la décision de la Cour d’appel fédérale a écarté l’enlise des questions de politique en s’appuyant sur le libellé de la disposition législative en cause. L’affaire portait sur la production de documents imposés par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le pouvoir légal d’exiger la production excluait les documents à l’égard desquels le secret professionnel de l’avocat pouvait être invoqué « devant une cour supérieure de la province où l’affaire se pose ». Et bien que la décision du tribunal inférieur ait tenu compte de la jurisprudence antérieure de la Cour fédérale, elle n’avait pas examiné si la question du privilège avait déjà été tranchée dans les provinces liées à l’opération.
La Cour d’appel fédérale a statué que la question avait été tranchée, de sorte que le tribunal inférieur n’avait pas les mains libres. Il a conclu ce qui suit :
D’après les décisions des tribunaux de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, le secret professionnel de l’avocat n’est pas renoncé lorsqu’une opinion fournie par un avocat à une partie est divulguée, sur une base confidentielle, à d’autres parties ayant un intérêt commun suffisant dans les mêmes transactions. (Par. 41)
Bien que la décision de la Cour d’appel fédérale n’ait pas abordé de façon frontale les questions de principe soulevées ci-dessous, qui pourraient donc encore être débattues devant les cours supérieures provinciales, elle semble susceptible d’apaiser l’anxiété à cet égard. La Cour a convenu que le privilège de l’intérêt commun « est fortement implanté dans le droit canadien et, en fait, dans le monde de la common law », et elle a même avancé une raison de principe qui peut être avancée en sa faveur : « lorsqu’il s’agit de lois complexes comme la Loi de l’impôt sur le revenu, l’échange d’opinions pourrait bien mener à des gains d’efficience dans la réalisation des opérations et les clients pourraient bien être mieux servis dans l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu intéressera toutes les parties à la série d’opérations » (par. 40 et 42). Pour l’instant, il est donc de retour au statu quo.
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