Le principe du duc de Westminster vit toujours pour la planification fiscale
Écrit par Ed Kroft, QC
Le 26 novembre 2021, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision et ses motifs dans Her Majesty the Queen and Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49. Cette affaire portait sur l’application de la Règle générale anti-évitement (RGAE) à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu et sur le « chalandage fiscal ». Le contribuable a réussi avec les juges divisant 6-3 dans leurs vues. Les raisons de la majorité et de la minorité sont toutes deux intéressantes à lire pour de nombreuses raisons. Ce qui m’a interpelle, ce sont les commentaires généraux sur la RGAE et sur le principe du « duc de Westminster » (le duc) concernant la planification fiscale. Leprincipe bien accepté du duc de Westminster stipule que « les contribuables ont le droit d’organiser leurs affaires de manière à minimiser le montant de l’impôt à payer ».
Le duc vit toujours!
Les paragraphes 29 et 30 des motifs de la majorité rédigés par le juge Côté stipulent ce qui suit :
"[29] Comme toutes les lois, les lois fiscales doivent être interprétées en effectuant une « analyse textuelle, contextuelle et téléuative pour trouver un sens qui est en harmonie avec la Act dans son ensemble » (Canada Trustco, par. 10). Toutefois, lorsque les dispositions fiscales sont rédigées avec « précision et détail », une interprétation en grande partie textuelle est appropriée à la lumière du principe bien accepté du duc de Westminster selon lequel « les contribuables ont le droit d’organiser leurs affaires de manière à réduire au minimum le montant de l’impôt à payer » (Fiducie Canada Ltée, par. 11, citant l’arrêt Commissioners of Inland Revenue c. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (H.L.)). Ce principe, qui découle de la primauté du droit, a été considéré comme la « pierre angulaire du droit canadien en matière d’évitement fiscal » (B. J. Arnold, « Reflections on the Relationship Between Statutory Interpretation and Tax Avoidance » (2001), 49 Can. Tax J. 1, à la p. 3).
[30] Ce principe établi a été affecté par la promulgation de s. 245 de la Act, aussi connue sous le nom de RGAE, qui « superposait une interdiction de l’évitement fiscal abusif, avec l’effet que l’application littérale des dispositions de la Act peut être considérée comme abusive compte tenu de leur contexte et de leur objet » (Fiducie Canada Ltée, par. 1). Ainsi, si le ministre peut établir l’évitement fiscal abusif en vertu de la RGAE, l’article 245 de la
Le paragraphe 96 des motifs de la majorité ajoute ce qui suit :
"[96] Une dernière note sur l’implication du ministre selon laquelle les accords de chalandage fiscal sont intrinsèquement abusifs. Une affirmation générale de « chalandage fiscal » n’est pas conforme à une analyse appropriée de la RGAE. Conformément à la séparation des pouvoirs, l’élaboration de la politique fiscale incombe aux pouvoirs exécutif et législatif. Les tribunaux n’ont pas la légitimité constitutionnelle et les ressources nécessaires pour être des décideurs fiscaux (Fiducie Canada Ltée, par. 41). C’est aux pouvoirs exécutif et législatif de décider ce qui est bien et ce qui est mal, puis de traduire ces décisions en lois que les tribunaux peuvent appliquer. Il convient de répéter que l’application de la RGAE ne doit pas être fondée sur « un jugement de valeur de ce qui est bien ou mal [ou] des théories sur ce que le droit fiscal devrait être ou devrait faire » (Copthorne, par. 70). Les contribuables ont « le droit de choisir des plans d’action ou de conclure des opérations qui minimiseront leur obligation fiscale » (Copthorne, par. 65). Le rôle des tribunaux se limite à déterminer si une opération va à l’encontre de l’objet, de l’esprit et de l’objet des dispositions particulières sur lesquelles le contribuable s’est fondé. Il ne s’agit pas de réécrire les lois fiscales et les conventions fiscales pour empêcher le chalandage fiscal lorsque ces instruments ne le font pas clairement.
Même les motifs de la minorité, rédigés par les juges Rowe et Martin, admettent que le duc n’est pas mort :
"[99] Bien que ce soit un principe de longue date en droit canadien que les contribuables peuvent organiser leurs affaires de manière à minimiser le montant de l’impôt à payer (Commissioners of Inland Revenue v. Duke of Westminster, [1936] A.C. 1 (H.L.); Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, par. 11), la liberté de le faire n’est pas sans limites. Le Canada a pris des mesures pour freiner l’évitement fiscal international abusif en adoptant la règle générale anti-évitement (« RGAE »), qui refuse les avantages fiscaux lorsque les contribuables se livrent à des opérations qui sont conformes au texte des règles fiscales invoquées, mais qui ne sont pas conformes à leur raison d’être. En introduisant la RGAE dans notre législation fiscale il y a environ 30 ans, et en a clairement indiqué qu’elle s’appliquait aux abus des conventions fiscales, le Parlement a fait un choix de politique par lequel il avait l’intention de lutter contre les stratagèmes d’évitement fiscal dommageables qui franchissent la ligne de la planification fiscale légitime et s’aventurent dans le domaine de l’évitement fiscal abusif.
Abus fiscal, évasion fiscale et moralité
Je m’attends à ce que les paragraphes 47 à 49 des motifs soient cités en tout ou en partie par les tribunaux. Ces commentaires sont les bienvenus et sont d’importantes expressions de clarté. Les contribuables verront parfois des lettres de l’Agence du revenu du Canada qui confondent les concepts d’abus et d’évasion et qui fondent les cotisations sur l’application de normes morales, malgré les commentaires du juge Rothstein dans l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63. Ces paragraphes parlent d’eux-mêmes :
"[47] D’abord et avant tout, l’évitement fiscal n’est pas de l’évasion fiscale, et aucune des parties n’a laissé entendre que l’opération en l’espèce était évasive. En outre, l’évitement fiscal ne devrait pas être confondu avec l’abus. Même si une opération a été conçue à des fins d’évitement fiscal et non à des fins non fiscales justifiées, comme une fin économique ou commerciale, cela ne signifie pas qu’elle est nécessairement abusive au sens de la RGAE (Fiducie Canada Ltée, par. 36 et 57; voir aussi Lipson, par. 38). L’objet d’une opération est pertinent principalement pour la qualifier d’opération d’évitement ou d’opération de bonne foi et, plus précisément, pour évaluer le caractère abusif de l’opération. Dans leur analyse factuelle, les tribunaux peuvent se demander si une opération d’évitement a été « motivée par une fin économique, commerciale, familiale ou autre non fiscale » (Fiducie Canada Ltée, par. 58). Toutefois, une conclusion selon laquelle il n’y a pas d’objectif non fiscal de bonne foi, prise isolément, ne devrait pas être considérée comme une preuve concluante d’évitement fiscal abusif. Les juges Rowe et Martin adoptent exactement cette approche, et elle colore toute leur analyse. De plus, une telle conclusion ne devrait pas porter atteinte à l’interprétation correcte des dispositions pertinentes d’une manière qui fait des liens économiques substantiels ou de la présence d’un objet non fiscal de bonne foi une condition préalable à tout avantage fiscal; l’objectif est de s’assurer que les dispositions pertinentes sont correctement interprétées à la lumière de leur contexte et de leur objet (Canada Trustco, par. 62).
[48] Deuxièmement, il est également important de distinguer ce qui est immoral de ce qui est abusif. Il est vrai, comme il a été répété dans l’arrêt Copthorne, que la RGAE est une mesure législative par laquelle « le législateur a conféré au tribunal l’obligation inhabituelle d’aller derrière les termes de la loi pour déterminer l’objet, l’esprit ou l’objet de la ou des dispositions invoquées par le contribuable » (par. 66). Mais, dans l’arrêt Copthorne, le juge Rothstein s’est empressé de souligner les limites de ce mandat législatif. Contrairement à ce que mes collègues proposent, le juge Rothstein a fait remarquer que les tribunaux ne devraient pas infuser l’analyse de l’abus avec « un jugement de valeur de ce qui est bien ou mal, ni avec des théories sur ce que le droit fiscal devrait être ou devrait faire » (par. 70). Les contribuables sont autorisés à réduire au minimum leur obligation fiscale dans toute la mesure permise par la loi et à s’engager dans une planification « créative » de l’évitement fiscal, dans la mesure où elle n’est pas abusive au sens de la RGAE (par. 65). Par conséquent, même si l’on peut considérer que le chalandage fiscal dans les paradis fiscaux est immoral, cela n’est pas déterminant d’une conclusion d’abus.
[49] Enfin, l’analyse de l’abus n’est pas censée être une « recherche d’une politique dominante de la Act qui n’est pas fondée sur une interprétation unifiée, textuelle, contextuelle et téléuelle des dispositions particulières en cause » (Fiducie Canada Ltée, au par. 41). L’interprétation est axée sur l’objet, l’esprit et l’objet des dispositions particulières et non sur l’objectif de politique plus large de l'Act ou d’une convention fiscale particulière. Par conséquent, des objectifs de politique tels que « éviter la double imposition » et « encourager le commerce et l’investissement » qui se trouvent dans les conventions fiscales bilatérales ne peuvent pas être invoqués pour l’emporter sur le libellé des dispositions en cause.
Si vous avez des questions, veuillez contacter un membre du groupe Bennett Jones Tax group. Veuillez lire Supreme Court of Canada Upholds Treaty-Based Canadian Holding Structure regarding the implications of this decision for future tax planning.
Pour en savoir plus sur la planification fiscale et les conventions fiscales, vous pouvez également lire Les nouvelles ratifications de l’instrument multilatéral de l’OCDE mettent en péril les structures de détention des ressources canadiennes.
Traduction alimentée par l’IA.
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