Écrit par Darrel H. Pearson, Jessica B. Horwitz, Sabrina A. Bandali
Le 31 mai, à minuit, l’administration Trump a révoqué les exemptions aux droits de douane ad valorem américains sur les importations d’acier et d’aluminium précédemment accordées au Canada, à l’UE et au Mexique. Dans une réponse rapide à la suite de l’annonce des États-Unis, le Canada (ainsi que l’UE et le Mexique) a déclaré son intention d’imposer des tarifs de rétorsion contre les exportations américaines.
Le président Trump a imposé les droits de douane par le biais de proclamations présidentielles en vertu d’une disposition obscure de la loi nationale américaine, l’article 232 de la Loi sur l’expansion du commerce des États-Unis de 1962. Le mécanisme juridique choisi est irrégulier et les experts du commerce remettent en question son application étant donné l’exigence qu’il existe de véritables risques pour la sécurité nationale. Les Accords de l’OMC permettent l’application de droits de douane protecteurs dans d’autres conditions, y compris le dumping, le subventionnement et les poussées des importations, mais le gouvernement des États-Unis a choisi d’emprunter la voie de l’article 232, qui n’est pas accablé par la rigueur d’autant d’étapes procédurales et la satisfaction des conditions juridiques (autres que le risque pour la sécurité). La « sécurité nationale » dans l’usage américain comprend « la sécurité et le bien-être généraux de certaines industries, au-delà de celles nécessaires pour satisfaire aux exigences de défense nationale, qui sont essentielles aux opérations minimales de l’économie et du gouvernement ».
Cette décision a naturellement été perçue par le gouvernement canadien comme une tactique agressive de la part des États-Unis pour faire pression sur leurs partenaires commerciaux afin qu’ils fassent des concessions commerciales, notamment en ce qui concerne le Canada et le Mexique dans les renégociations de l’ALENA. La ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, décrit les tarifs américains comme une « utilisation spécieuse et sans précédent » de l’exemption relative à la sécurité nationale prévue à l’article 232.
La liste des produits américains qu’il est proposé de soumettre à des mesures de rétorsion canadiennes est disponible sur le site Web du ministère des Finances. Il s’agit "dollar pour dollar » contre-mesures sur des catégories similaires de produits américains de l’acier et de l’aluminium que les produits canadiens ciblés par les États-Unis, ainsi que 71 catégories d’autres biens industriels et de consommation. La valeur collective des importations des produits ciblés est de 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 milliards de dollars américains) par année, ce qui représente à peu près la même valeur que les exportations canadiennes d’acier et d’aluminium vers les États-Unis touchés par les tarifs américains. La ministre Freeland l’a décrit comme la plus forte mesure commerciale que le Canada ait prise dans l’après-guerre.
Le gouvernement canadien est actuellement
Le Canada a également annoncé qu’il avait déposé des demandes de consultations à l’OMC sur la légalité des tarifs américains sur l’acier et l’aluminium, et qu’il avait demandé des consultations avec les États-Unis en vertu du chapitre 20 de l’ALENA.
La Chine et l’Inde ont déjà déposé des demandes de consultations par l’intermédiaire de l’OMC (DS544 et DS547), et d’autres États membres ont demandé à participer à ces consultations. The EU, Japan, Russia, Turkey, India et China ont également notifié à l’OMC leur intention d’imposer des contre-mesures aux États-Unis en réponse aux tarifs sur l’acier et l’aluminium.
Cette réponse sans équivoque démontre que les principaux partenaires commerciaux des États-Unis ne capituleront pas facilement devant les pressions de l’administration américaine. Toutefois, cela signifie également qu’il y aura d’importantes perturbations économiques et des coûts supplémentaires à court et à moyen terme pour les entreprises canadiennes qui font le commerce des produits ciblés.
De plus, le 23 mai, le département du Commerce des États-Unis a ouvert une autre enquête de sécurité nationale sur les automobiles et les pièces automobiles. Compte tenu de l’intégration de l’industrie automobile nord-américaine, les tarifs de l’automobile causeraient des perturbations économiques importantes aux chaînes d’approvisionnement du secteur de la fabrication. La menace de droits de douane en vertu de l’article 232 sur les pièces d’automobile pourrait accroître considérablement l’avantage de négociation des États-Unis contre le Canada et le Mexique dans les négociations de l’ALENA. Le taux de droit par défaut « Nation la plus favorisée » des États-Unis applicable aux pièces automobiles originaires du Canada et du Mexique en l’absence de l’ALENA n’est que de 2,5 pour cent, ce qui n’est rien par rapport à une surtaxe de 25 pour cent en vertu de l’article 232.
Et, si l’effet de levier de l’ALENA est la motivation des États-Unis pour ces tarifs de l’article 232, il n’y a aucune raison de croire qu’il s’arrêtera à l’acier, à l’aluminium et aux automobiles; les États-Unis pourraient ouvrir des enquêtes sur d’autres catégories de marchandises. Pour ce qui est de l’avenir, ces mesures pourraient être des précurseurs de nouvelles mesures commerciales protectionnistes prises par les deux parties.
Cadre juridique— Contre-mesures de l’OMC
Les contestations de l’OMC présentées à ce jour contre les actions des États-Unis sont fondées sur l’article XIX du GATT de 1994 et l’Accord sur les sauvegardes. Les sauvegardes sont des mesures exceptionnelles et urgentes que les États membres sont autorisés à prendre pendant une période limitée lorsque les importations de marchandises particulières causent ou menacent de causer un dommage grave à la branche de production nationale du Membre importateur (Accord sur les sauvegardes, article 2). D’une manière générale, un Membre qui applique une mesure de sauvegarde doit contrebalancer l’effet de la sauvegarde en indemnisant les partenaires commerciaux au moyen de concessions ou d’autres obligations. Si les partenaires commerciaux ne parviendront pas à s’entendre sur la compensation appropriée dans un délai de 30 jours, le partenaire exportateur peut prendre des mesures de rétorsion en suspendant des concessions ou d’autres obligations « substantiellement équivalentes », c’est-à-dire en imposant des contre-mesures.
Contre-mesures du Canada
Les contre-mesures du Canada prendront très probablement la forme d’une surtaxe en vertu de la Loi sur le Tarif des douanes sur les produits inscrits, mais pourraient également comporter des restrictions quantitatives (c.-à-d. des contingents d’importation ou des contingents tarifaires en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation), ou une combinaison de mesures tarifaires et non tarifaires.
La liste des produits de contre-mesures peut sembler aléatoire, mais elle est tout sauf. Il n’est pas nécessaire d’imposer des contre-mesures à l’OMC à l’encontre des mêmes produits visés par les mesures de l’État fautif. En règle générale, un État en représailles choisira des articles qui exerceront la plus grande pression politique sur l’État membre fautif et éviteront ceux qui sont nécessaires pour être utilisés comme intrants par les fabricants nationaux. La liste du Canada semble soigneusement élaborée pour cibler les États d’origine des membres éminents du Congrès et/ou pour faire basculer les circonscriptions électorales lors des prochaines élections au Congrès américain cet automne. Voici quelques exemples, avec des États ciblés, mais non exclusifs, entre parenthèses :
- les appareils électroménagers, les fûts de bière et le ketchup (p. ex., Pennsylvania—American Keg Company et Heinz);
- café torréfié (p. ex., État de Washington — Starbucks);
- whiskies (par exemple, Kentucky - État d’origine du chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell);
- bougies et savons (p. ex., Ohio);
- les bateaux (p. ex., la Caroline du Sud);
- sirop d’érable (p. ex., Maine);
- jus d’orange (p. ex., Floride); et
- confitures de fruits, sauce soja, mouchoirs en papier et stylos à bout feutre (p. ex., Wisconsin , État d’origine du président républicain de la Chambre, Paul Ryan).
Le gouvernement canadien aurait également envisagé une autre disponibilité des produits auprès de fournisseurs nationaux ou non américains afin de minimiser l’impact perturbateur des tarifs sur les importateurs canadiens.
La surtaxe sera imposée sur une base ad valorem, c’est-à-dire calculée en pourcentage de la valeur en douane déclarée des marchandises importées. Cela renforce l’importance d’une comptabilité exacte de l’évaluation en douane et de la conception des transactions commerciales à l’importation d’une manière qui minimise la valeur en douane.
En ce qui concerne l’application des contre mesures, seules les marchandises d’origine américaine seront assujetties aux contre mesures. Les marchandises simplement en transit par les États-Unis, ou les marchandises qui font l’objet d’une transformation mineure aux États-Unis qui n’a pas d’incidence sur l’origine (comme le marquage, l’étiquetage ou l’emballage) et qui sont ensuite expédiées au Canada ne seront pas assujetties.
Un défi important consistera à déterminer si les marchandises sont assujetties à des contre-mesures en raison de leur origine, en particulier en ce qui concerne les produits fongibles ou difficiles à marquer comme les aliments. L’origine aux fins des contre-mesures sera déterminée conformément aux règles énoncées dans le Règlement sur la détermination du pays d’origine aux fins du marquage des marchandises (pays de l’ALENA) du Canada.
Le ministre des Finances, Bill Morneau, a publié une déclaration le 30 mars 2018 selon laquelle le Canada élargira également la portée de son régime de marquage du pays d’origine pour les produits en acier et en aluminium. La période de consultation publique pour
Il est à noter que les contre-mesures canadiennes actuellement proposées doivent être proportionnelles à la valeur du commerce touché par les tarifs américains sur l’acier et l’aluminium. Si l’administration américaine devait imposer des droits de douane sur d’autres catégories de marchandises, les contre-mesures du Canada s’étendront pour refléter une valeur équivalente du commerce de la nouvelle catégorie.
Que peuvent faire les entreprises pour se protéger?
Il est essentiel que les importateurs et les exportateurs canadiens revoient leurs politiques commerciales et examinent leurs chaînes d’approvisionnement à la lumière du nouveau paradigme du droit commercial. Il est conseillé aux importateurs et aux exportateurs canadiens exposés aux risques de la politique commerciale des États-Unis de consulter immédiatement des conseillers en commerce international expérimentés pour les aider à se préparer à la lutte et d’explorer des stratégies pour se défendre et minimiser les risques pour les résultats commerciaux causés par ces mesures ou de futures mesures de « guerre commerciale ».
Voici quelques réflexions à garder à l’esprit lors de la planification de la stratégie de réponse aux risques :
- Les importateurs devraient immédiatement examiner les classifications du SH et la description de leurs marchandises importées pour voir s’ils importent des marchandises visées par la liste de contre mesures proposée, puis un examen plus approfondi pour déterminer si des importations visées sont d’origine « des États Unis ».
- Le gouvernement du Canada a invité les membres du public à formuler des commentaires en réponse à la consultation proposée sur les contre-mesures. La date limite pour soumettre des commentaires est le 15 juin 2018. Les parties intéressées, y compris les exportateurs des États-Unis, devraient envisager sérieusement de présenter des exposés.
- Les contre-mesures s’appliqueront aux marchandises qui entrent au Canada à compter de la date d’entrée en vigueur du 1er juillet, que les marchandises aient déjà été achetées ou précommandées avant cette date, bien que l’avis du ministère des Finances indique que les marchandises en transit à la date d’entrée en vigueur seront exemptées. Par conséquent, les importateurs devraient également examiner les commandes existantes et les dates d’expédition prévues, évaluer le risque que les expéditions soient assujetties à la surtaxe et envisager des options pour accélérer l’expédition, retarder l’acquisition ou passer à un pays autre que les États-Unis. fournisseur de biens pour éviter des coûts supplémentaires. À cet égard, il faudrait examiner la diversification des sources d’intrants et des marchés d’exportation.
- Les entreprises doivent se rappeler que les contre-mesures, ainsi que les droits typiques actuels ou futurs sur les recours commerciaux en vertu de la LMSI, seront mis en œuvre sur une base ad valorem (pourcentage de valeur). Les importateurs doivent tenir compte du tarif supplémentaire lorsqu’ils établissent un budget. La nature ad valorem des droits souligne également l’importance de prendre des mesures pour réduire légitimement la valeur en douane grâce à une planification réfléchie de la structure commerciale de la vente à l’exportation, afin de réduire au minimum les droits de douane.
Traduction alimentée par l’IA.
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