David Dodge a comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 25 septembre 2023, en tant que témoin lors des consultations prébudgétaires en prévision du budget fédéral de 2024. Ses remarques préliminaires sont ci-dessous.
« Nous sommes dans une période de changements structurels rapides et importants auxquels nous devons tous nous adapter.
- Démographie : L’espérance de vie à 65 ans augmente rapidement. Cela nécessite un investissement majeur dans les établissements de soins et une épargne accrue de la part des travailleurs pour se préparer à une retraite prolongée.
- Changement climatique : Pour faire face au changement climatique, il faut investir davantage dans l’adaptation à des températures plus élevées et à des conditions plus fréquentes, ainsi que d’énormes investissements dans toutes les formes de production et de consommation d’énergie à faibles émissions de GES.
- Changement dans l’ordre commercial mondial: S’adapter à une économie mondiale plus fragmentée implique des investissements nationaux supplémentaires pour améliorer la sécurité de l’approvisionnement.
- Changement technologique: L’IA et la numérisation offrent un grand espoir d’augmentation future de la productivité, mais à court terme nécessitent une augmentation très significative des investissements dans la propriété intellectuelle, les systèmes numériques (y compris notre système de paiements désuet) et la recherche et le développement.
L’adaptation à ces quatre changements n’est pas gratuite. Il exige que les entreprises, les ménages et les gouvernements consacrent une plus grande part de leurs revenus à l’investissement qu’ils ne le faisaient dans les années précédant le choc du Covid. Bien qu’en principe, une partie de cet investissement puisse être financée par des emprunts, ici au Canada et dans presque tous les économistes avancés, les niveaux d’endettement sont élevés et l’épargne faible, de sorte que tenter de financer tous ces investissements par des emprunts entraîne une augmentation des prix et des taux d’intérêt et continuera de le faire au moins au cours de la prochaine décennie. Donc, face à cette réalité, cela signifie que pour augmenter les investissements, les entreprises auront une plus petite part de leurs bénéfices non répartis à distribuer aux actionnaires, les ménages auront une plus petite part de leurs revenus à consacrer à la consommation courante et les gouvernements auront une plus petite part de leurs revenus à consacrer à la fourniture de services courants aux citoyens.
Il n’est jamais facile de consacrer une plus grande part des revenus à l’investissement, mais cela peut être géré plus facilement si les revenus augmentent rapidement et si les coûts d’emprunt sont faibles. Malheureusement, les revenus réels n’augmentent pas rapidement en effet sur une base par habitant ont diminué. Et le coût du service de la dette a augmenté et bien qu’il puisse baisser un peu après 2024, il restera bien au-dessus des niveaux d’avant covid. Les ménages canadiens qui réduisent devront donc continuer à réduire leur consommation actuelle afin de s’adapter à ces changements structurels
Et les gens se tourneront vers les gouvernements pour obtenir de l’aide. Mais les gouvernements sont confrontés exactement au même problème que les ménages. L’investissement nécessite une plus grande part des revenus pour faciliter l’adaptation aux quatre changements structurels en même temps que les frais de dette publique engagés dans le passé grugent une part de plus en plus longue des revenus à mesure que les taux d’intérêt augmentent. Et de nouveaux emprunts pour financer des services supplémentaires pour les ménages ou des soutiens à l’investissement des entreprises ne feront qu’augmenter davantage la fraction des revenus qui doivent être consacrées aux frais d’intérêt et réduire davantage la capacité du gouvernement à fournir des services à l’avenir.
Les gouvernements ne peuvent pas emprunter leur chemin hors des choix difficiles impliqués dans la réaffectation des ressources nécessaires pour faire face aux quatre changements structurels.
Aussi difficile que cela puisse être sur le plan politique, au cours des prochaines années, les budgets devront être à peu près équilibrés. Pour permettre des investissements publics supplémentaires et un soutien à l’investissement privé, la croissance des services ou des transferts courants fournis par le gouvernement doit être quelque peu réduite ou, alternativement, les impôts sur la consommation privée augmentés. Aussi désagréable qu’une telle réduction puisse être, ne pas investir dans l’adaptation condamnerait les Canadiens à un avenir beaucoup plus désagréable.