Écrit par Simon Crawford, Richard Burgos, Mark Lewis, Adam Kalbfleisch, Zee Derwa et Christina Skinner
Le processus de consultation publique du Bureau de la concurrence relativement aux nouvelles règles relatives au contrôle des biens immobiliers sur certaines dispositions d’exclusivité et d’utilisation restrictive se termine le 7 octobre 2024, et les locateurs et les locataires ont jusqu’à cette date limite pour fournir des commentaires au Bureau sur leur approche d’application de la loi en ce qui concerne les règles proposées. Si vous avez un intérêt direct dans les clauses restrictives en tant que propriétaire foncier ou locataire, vous voudrez vous mettre au courant et rapidement. Ce qui suit est un aperçu de l’état des choses.
Vue d’ensemble
Le 7 août 2024, le Bureau de la concurrence (le Bureau) a publié une ébauche de lignes directrices décrivant son approche préliminaire à l’égard de l’application des contrôles des biens des concurrents en vertu de la Loi sur la concurrence (Loi). La publication de ces lignes directrices fait suite aux modifications récentes apportées par le Parlement à la Loi dans les projets de loi C-59 et C-56, qui ont élargi la portée des dispositions relatives à l’abus de position dominante et à la collaboration civile, ce qui a eu une incidence sur l’utilisation des contrôles immobiliers dans l’immobilier commercial. Bennett Jones a couvert ces modifications en détail dans deux blogues précédents ( Gouvernement libéral pour remanier considérablement la Loi sur la concurrence et Revamped Competition Act Radically Modifie le droit canadien de la concurrence).
Historique
À l’heure actuelle, la disposition de la Loi relative aux ententes civiles (article 90.1) ne s’applique qu’aux ententes entre concurrents réels ou potentiels (c.-à-d. les ententes horizontales). Parmi ses autres changements importants, le projet de loi C-56 a introduit le paragraphe 90.1(1.1), une nouvelle disposition sur la collaboration entre concurrents civils, qui entrera en vigueur le 15 décembre 2024. Le paragraphe 90.1(1.1) permet au Tribunal de la concurrence (le Tribunal) de rendre une ordonnance contre les parties qui concluent des ententes ou des ententes dans le but important de nuire à la concurrence, même si ce n’est entre concurrents ou concurrents potentiels (la nouvelle disposition sur les ententes civiles).
Bien que la disposition relative aux nouvelles ententes civiles ne fasse pas explicitement référence ou ne restreigne pas carrément les « contrôles de propriété », c’est ce qui a été le moteur de cette modification. Le gouvernement fédéral a déclaré à plusieurs reprises qu’il avait l’intention de cibler les clauses restrictives, en particulier celles du secteur de l’épicerie au Canada. 1 De plus, bien que la disposition ne soit pas encore entrée en vigueur, le Bureau a déjà enquêté sur l’utilisation de clauses immobilières restrictives dans le secteur canadien de l’épicerie. 2 D’autres juridictions, telles que la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, ont également étudié et mis en œuvre des limites sur les contrôles immobiliers.
Bien que le gouvernement ait indiqué que l’accent était mis sur le secteur de l’épicerie, les entreprises de tous les secteurs devraient être conscientes de l’incidence que ces nouvelles règles peuvent avoir sur leurs pratiques commerciales, car les récentes modifications ont considérablement augmenté les pénalités potentielles en vertu de la Loi et les parties peuvent faire l’objet de litiges privés devant le Tribunal de la concurrence.3 À compter du 15 décembre 2024, ces nouvelles règles relatives au contrôle des biens s’appliqueront aux engagements nouveaux et existants, de sorte que les entreprises devraient examiner les clauses restrictives dans les accords existants et examiner si elles peuvent tomber sous le régime des nouvelles règles.
L’ébauche des lignes directrices fait suite à ces récentes modifications et vise à clarifier l’approche du Bureau à l’égard de l’application des contrôles des biens des concurrents en vertu de la Loi.
Le projet de lignes directrices
Comme il est indiqué dans l’ébauche des lignes directrices, les contrôles de la propriété des concurrents sont des restrictions à l’utilisation de biens immobiliers commerciaux. Les lignes directrices traitent de deux types de contrôles immobiliers, notant que ces contrôles isolent les entreprises de la concurrence et peuvent donc soulever des préoccupations en matière de concurrence :
- Clauses d’exclusivité : Clause d’un bail commercial qui limite la façon dont le terrain peut être utilisé par des concurrents à un locataire. Cela pourrait interdire au locateur de louer une unité ou un terrain à une entreprise qui fait concurrence à un locataire existant, ou limiter les produits ou la façon dont ils peuvent être vendus. Il pourrait également s’agir d’une clause qui incite à ne pas louer à des concurrents d’un locataire.
- Clauses restrictives : Restriction sur un terrain qui empêche l’acheteur ou le propriétaire d’une propriété commerciale d’utiliser l’emplacement pour exploiter ou louer à des exploitants de certains types d’entreprises qui font concurrence à un ancien propriétaire.
L’ébauche des lignes directrices confirme que le Bureau tiendra compte du contrôle des biens à la fois en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante et des nouvelles dispositions relatives aux ententes civiles.
- Abus de position dominante : Le Bureau est d’avis que le contrôle des biens peut, dans certains cas, créer une domination à lui seul. De plus, il considère le recours à des clauses restrictives par les entreprises dominantes comme une pratique commerciale anticoncurrentielle dans presque tous les cas.
- Nouvelle disposition relative aux ententes civiles : L’opinion préliminaire du Bureau est que les contrôles immobiliers constitueront généralement des pratiques commerciales anticoncurrentielles en vertu de l’article 90.1, ce qui signifie qu’un contrôle immobilier soulève un risque lorsqu’il y a des preuves que l’accord nuit à la concurrence.
Dans un cas comme dans l’autre, l’ébauche des lignes directrices énonce les principales questions d’orientation que les entreprises qui utilisent le contrôle des biens des concurrents devraient prendre en considération pour assurer la conformité à la Loi :
- Le contrôle de la propriété est-il nécessaire pour permettre à une nouvelle entreprise d’entrer sur le marché ou pour encourager un nouvel investissement ?
- Ce contrôle de la propriété pourrait-il durer plus court ?
- Ce contrôle immobilier pourrait-il couvrir moins de produits ou de services ?
- Ce contrôle de propriété pourrait-il couvrir moins de zone géographique ?
Les lignes directrices reconnaissent que, dans certains cas, ces contrôles peuvent être justifiés de l’avis du Bureau s’ils sont « nécessaires pour qu’une entreprise fasse des investissements qui accroissent la concurrence, par exemple pour pénétrer un marché ». Par exemple, cela pourrait être le cas lorsque, sans la clause d’exclusivité limitée, aucun détaillant ne ferait les investissements nécessaires pour devenir un locataire clé dans une nouvelle esplanade commerciale. De plus, le Bureau indique que, compte tenu des préoccupations accrues à l’égard des clauses restrictives, il a indiqué qu’il demandera probablement des sanctions administratives pécuniaires pour de telles clauses restrictives dans la mesure du possible.
Prochaines étapes
Les entreprises de tous les secteurs devraient tenir compte de l’incidence potentielle de ces nouvelles règles sur leurs activités, y compris en ce qui concerne les clauses restrictives des ententes existantes et de toute nouvelle entente conclue. Cela dit, les ressources limitées du Bureau pourraient limiter sa capacité d’enquêter, ce qui signifie que les enquêtes se concentreront probablement sur des industries de premier plan, comme le secteur de l’épicerie.
Compte tenu de l’incidence potentiellement importante de ces récentes modifications et des pénalités plus sévères qui sont maintenant ou seront offertes en vertu de la Loi, les propriétaires commerciaux et les locataires de commerces de détail devront examiner attentivement le nouveau positionnement du Bureau sur les clauses d’exclusivité et les clauses restrictives lorsqu’ils concluront des ententes contenant de telles dispositions.
Le Bureau mène une consultation publique sur l’ébauche des lignes directrices jusqu’au 7 octobre 2024 afin d’obtenir les commentaires des Canadiens qui ont de l’expérience avec les contrôles immobiliers des concurrents, comme les locataires, les locateurs et les propriétaires fonciers. Nous espérons qu’à la suite de la consultation, les lignes directrices finales apporteront des précisions supplémentaires sur l’approche du Bureau en matière d’application de la loi en matière de contrôle des biens et sur les récents changements apportés à la Loi.
Pour plus d’informations, veuillez contacter un membre de notre groupe Commercial Real Estate group ou Competition/Antitrust group.
1 Voir, par exemple : le communiqué de presse du gouvernement canadien annonçant le projet de loi C-56 en septembre 2023, qui souligne spécifiquement « les situations où les grands épiciers empêchent les petits concurrents d’établir des opérations à proximité. » :
2 Voir la couverture médiatique : https://www.cbc.ca/news/business/competition-bureau-investigating-grocery-sector-1.7109362.
3 Les sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») potentielles pour abus de position dominante sont passée à 25 millions de dollars canadiens pour une première infraction et à 35 millions de dollars canadiens pour les infractions subséquentes. En vertu de l’article 90.1, l’éventail des SAP potentielles est maintenant le plus élevé des deux suivants : (1) 10 millions de dollars canadiens pour une première commande (15 millions de dollars pour les ordonnances subséquentes) et (2) trois fois la valeur de l’avantage tiré ou, si ce montant ne peut être raisonnablement déterminé, 3 % des revenus bruts annuels mondiaux de la personne. En juin 2025, le projet de loi C-59 élargira le droit d’accès privé à l’article 90.1 et permettra au Tribunal de rendre des ordonnances de « dégorgement » dans le cadre d’actions privées.