Le 7 octobre 2011, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire Smith c. Inco, annulant l’indemnité de 36 millions de dollars rendue par le juge de première instance et donnant un aperçu des délits de nuisance et de responsabilité stricte. Cette affaire a été intentée par un groupe représentant environ 7 000 propriétaires fonciers entourant l’ancienne raffinerie de nickel Inco à Port Colborne. Bien que les activités de l’usine aient cessé en 1984, le groupe alléguait que les émissions historiques de l’usine et la divulgation subséquente des répercussions potentielles de ces émissions avaient eu une incidence négative sur la valeur des propriétés après septembre 2000. Au procès en litige commun, le groupe a allégué qu’Inco était responsable en raison de l’intrusion, de la nuisance privée, de la nuisance publique et de la responsabilité stricte (Rylands c. Fletcher). Le juge Henderson a rejeté les demandes d’intrusion et de nuisance publique, mais il a conclu qu’Inco était responsable en raison de la nuisance privée et de l’arrêt Rylands c. Fletcher.
Toutefois, la Cour d’appel a accueilli l’appel d’Inco et rejeté le reste de l’action. La Cour a conclu à l’unanimité que le groupe n’avait pas établi la responsabilité d’Inco en matière de nuisance privée ou de responsabilité stricte et, de toute façon, n’avait pas établi de dommages. Bien qu’il n’ait pas été nécessaire de le faire, compte tenu de sa décision sur la responsabilité et les dommages-intérêts, la Cour d’appel a examiné les conclusions du juge de première instance sur le délai de prescription, car elles s’étaient potentiellement applicables à d’autres recours collectifs dans lesquels des moyens de défense en matière de délai de prescription sont en cause.
Délais de prescription
Pour les experts en recours collectifs et les observateurs, l’élément le plus notable de la décision de la Cour d’appel est la partie relative aux délais de prescription.
Le juge de première instance a conclu que « la plupart des propriétaires fonciers » ne savaient pas que le nickel dans le sol pouvait avoir une incidence sur la valeur de leur propriété avant 1990 et que cette information n’était pas connue de « la plupart des membres du public » jusqu’à une réunion des membres du conseil immobilier le 15 février 2000, lorsque les agents immobiliers de Port Colborne ont été informés d’une étude du ministère de l’Environnement (rendue publique le 26 janvier, 2000) qui traitait de l’effet potentiel de la contamination par le nickel sur la valeur des propriétés.
L’analyse du délai de prescription par le juge de première instance a porté sur la question suivante : Quand les membres du groupe savaient-ils ou auraient-ils dû savoir que le nickel dans le sol pouvait avoir une incidence sur la valeur de leurs propriétés? Plus précisément, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si le délai de prescription commence à courir lorsqu’un membre du groupe, une majorité de membres du groupe ou tous les membres du groupe connaissaient ou auraient dû connaître les faits importants. Le juge de première instance a souligné l’absence de jurisprudence traitant de cette question précise et a conclu que la cause d’action a pris naissance à la date à laquelle la « grande majorité des membres du groupe » a découvert les faits importants. Par conséquent, le juge de première instance a conclu que le délai de prescription avait commencé le 15 février 2000.
La Cour d’appel n’était pas du tout d’accord avec la conclusion du juge de première instance. La Cour a expliqué que c’était une erreur de traiter le délai de prescription pour le groupe comme allant de la date à laquelle une majorité, voire une majorité écrasante, des membres du groupe connaissaient ou auraient dû connaître les faits importants en cause. Le fait de fixer la date de début du délai de prescription comme étant le jour où la plupart des membres du groupe ont pris connaissance de la cause d’action a relancé les causes d’action de certains membres du groupe dont les délais de prescription avaient expiré depuis longtemps. Cette question a été soulevée par le juge du procès, mais elle a finalement été ignorée, car il a conclu que les membres du groupe qui étaient au courant des faits importants avant 2000 constituaient une « minorité insignifiante ». Par conséquent, la Cour d’appel a statué que le délai de prescription applicable n’était pas une question courante et qu’il n’aurait pas dû être traité comme tel par le juge de première instance. Il aurait été plus approprié que le tribunal se soit penché sur les moyens de défense individuels en matière de limitation après le procès en litige commun.
Nuisance
La Cour d’appel a également infirmé les conclusions du juge de première instance concernant la réclamation pour nuisance au motif que le juge de première instance avait commis une erreur en concluant que le nickel dans le sol avait causé un « préjudice matériel à la propriété ». La Cour a statué que pour prouver la nuisance, le groupe devait démontrer que les actions d’Inco équivalaient à une « atteinte » à leurs propriétés. Cette « ingérence » pourrait prendre la forme (i) d’une atteinte à l’utilisation ou à la jouissance du bien (que le groupe n’a pas allégué) ou (ii) d’une blessure physique au terrain. La Cour a poursuivi en expliquant que les dommages corporels au sol exigent plus qu’un préjudice négligeable et, au contraire, exigent des dommages physiques réels, substantiels. Par exemple, la preuve que le nickel dans le sol présentait un risque pour la santé ou le bien-être des résidents satisferait à cette exigence, mais de simples préoccupations au sujet des risques pour la santé étaient insuffisantes pour établir des dommages physiques réels et substantiels. En l’inseignant de toute preuve sur les effets sur la santé, le groupe n’a pas réussi à convaincre la Cour qu’il y avait eu un préjudice physique.
Toutefois, la Cour a laissé la porte ouverte aux réclamations pour préjudice corporel sans effets sur la santé. La Cour a statué qu'« il faut démontrer qu’un changement dans la composition chimique a un effet préjudiciable sur la terre elle-même ou sur les droits associés à l’utilisation de la terre ». Par conséquent, si le groupe avait démontré que les émissions d’Inco avaient rendu ses propriétés impropres aux fins pour lesquelles elle les avait achetées, il aurait été possible qu’elle ait pu établir son claim. Étant donné que les propriétés en question étaient toujours utilisées comme résidences, la catégorie n’aurait pas été en mesure de satisfaire à ce critère.
Responsabilité stricte
La doctrine de la responsabilité stricte, qui a été énoncée pour la première fois dans l’affaire Rylands v. Fletcher au Royaume-Uni, prévoit que quiconque fait un usage non naturel de ses terres et apporte quelque chose sur ses terres qui est susceptible de faire du mal si elle s’échappe doit indemniser toute autre personne lésée par l’évasion de cette chose, qu’elle ait ou non fait preuve de diligence. Au procès, le juge Henderson a conclu que l’utilisation par Inco de sa propriété comme raffinerie était une utilisation « non naturelle » parce que le nickel avait été introduit sur le terrain par Inco et n’avait pas été trouvé naturellement sur la propriété. La Cour n’était pas d’accord avec l’analyse du juge de première instance. Au lieu de cela, la Cour a statué que l’analyse de l’utilisation non naturelle n’est pas strictement liée à la question de savoir si quelque chose est amené sur la propriété qui ne se trouve pas naturellement sur la propriété. La question qu’il faut plutôt se poser est de savoir si l’exploitation de la raffinerie au moment, à l’endroit et de la manière dont elle a été exploitée était une utilisation non naturelle de la propriété d’Inco. Cette nouvelle analyse impose, à notre avis, une analyse très subjective qui incorpore une partie de l’analyse de la négligence (c.-à-d. si les actions sont inférieures à une norme), ce qui limite l’application stricte de la doctrine.
Le juge de première instance avait également tenté d’élargir le principe de la responsabilité objective pour les « activités anormalement dangereuses » pour couvrir toutes les pertes générées, même lorsque l’activité est menée avec diligence raisonnable. La Cour d’appel a rejeté la qualification que le juge de première instance a fait de la responsabilité délictuelle dans la mesure où elle s’appliquait aux activités « extra-dangereuses ». La Cour a précisé que la responsabilité objective ne s’applique pas nécessairement à tous les risques associés à la réalisation d’une activité; elle ne s’applique plutôt qu’aux « évasions ». La Cour d’appel a indiqué que si le droit ontarien doit imposer une responsabilité stricte fondée uniquement sur la nature de l’activité, comme le juge de première instance l’avait laissé entendre, il vaut mieux laisser une telle décision à l’Assemblée législative.
La Cour s’est également penchée sur l’exigence qu’il y ait une évasion et a noté qu’une évasion est une conséquence accidentelle et involontaire de la participation à une activité. Les émissions de la raffinerie étaient la conséquence prévue de l’activité industrielle. Par conséquent, il ne s’agissait pas d'«évasions » et n’étaient donc pas passibles d’une responsabilité objective.
Compte tenu du commentaire de la Cour sur l'« utilisateur non naturel », il semblerait que de nombreuses situations qui auraient historiquement donné lieu à une réclamation en responsabilité stricte ne puissent plus fonder cette cause d’action en Ontario. Par exemple, une fuite involontaire d’un réservoir de carburant souterrain dans une station-service résidentielle était le cas typique dans lequel la doctrine de la responsabilité stricte s’appliquerait quelle que soit la façon dont la station-service était exploitée. Toutefois, la décision de la Cour dans l’affaire Smith c. Inco ouvre la possibilité que le propriétaire de la station-service ne soit plus strictement responsable de l’évasion si la station-service était exploitée d’une manière conforme aux normes de la collectivité.
Conclusion
Lorsque le juge Henderson a rendu sa décision de première instance, de nombreux observateurs ont pensé que cela ouvrirait la porte plus largement aux recours collectifs en environnement en Ontario. Mais, à la lumière de la décision de la Cour d’appel, cette porte s’est considérablement refermée. Compte tenu des rapports selon lesquels le groupe demande l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, ce n’est peut-être pas le dernier mot dans l’arrêt Smith c. Inco.
Traduction alimentée par l’IA.
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