Les tribunaux administratifs ont compétence pour évaluer le caractère adéquat des consultations de la Couronne
Écrit par Shawn M. Munro and E. Bruce Mellett
La Cour suprême du Canada a rendu sa décision unanime dans l’affaire Rio Tinto Alcan Inc. c. Carrier Sekani Tribal Council, 2010 CSC 43, qui fournit des directives dans trois domaines liés à la question de la consultation des Premières Nations et au rôle des tribunaux de réglementation dans l’évaluation du caractère adéquat d’une telle consultation.
Premièrement, la Cour fournit des précisions sur les circonstances dans les cas où l’obligation de consulter sera déclenchée. Deuxièmement, la décision porte sur le rôle des tribunaux prévus par la loi dans l’évaluation de la consultation. Enfin, la Cour conclut que, dans ce cas précis, les circonstances étaient telles que la British Columbia Utilities Commission (BCUC) n’a pas été déraisonnable en déterminant que l’approbation du contrat d’achat n’a pas donné lieu à une incidence négative potentielle sur les intérêts de la Première Nation, de nature à déclencher l’obligation de consulter.
Historique
En 2006, Alcan a annoncé son intention de moderniser et d’agrandir sa fonderie de Kitimat, en Colombie-Britannique, qui était alimentée par un important projet de dérivation de l’eau. Le projet de modernisation dépendait de la conclusion d’une entente de vente d’électricité avec la British Columbia Hydro and Power Authority. En 2007, B.C. Hydro a conclu une entente d’achat d’énergie (APE) en vertu de laquelle elle achèterait le surplus d’électricité d’Alcan. En vertu de l’article 71 de la Utilities Commission Act, R.S.B.C. 1996, ch. 473, l’EPA exigeait l’approbation de la BCUC, un tribunal quasi judiciaire ayant le pouvoir de trancher des questions de droit. Le Conseil tribal Carrier Sekani est intervenu sur la question de la consultation. Le Conseil tribal avait fait valoir son intérêt pour l’eau en question et les ressources connexes dans le cas d’une action en faveur du titre ancestral et dans le processus des traités. Après réexamen, la BCUC a conclu que l’EPA n’affecterait pas le volume, le moment ou la source des débits d’eau, ni les volumes rejetés. Elle a rejeté la requête en réexamen et a par la suite approuvé l’EPA. Ayant accordé l’autorisation d’interjeter appel, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a accueilli l’appel du Conseil tribal.
La Cour d’appel a statué que la BCUC avait l’obligation, découlant de l’honneur de la Couronne, de déterminer si l’obligation de consulter avait été remplie dans le contexte de l’acceptation de l’EPA. Elle a conclu que la BCUC avait cette obligation fondée sur sa compétence de trancher des questions de droit, qu’elle présumait étendue aux questions de droit constitutionnel. La Cour d’appel a également fait référence à l’élément d’intérêt public de la compétence de la BCUC, se demandant comment un contrat allégué comme violant une obligation constitutionnelle pourrait être dans l’intérêt public. Par conséquent, il s’agissait d’un fondement supplémentaire permettant de conclure que l’existence et l’étendue d’une obligation de consulter de la Couronne devraient faire partie de l’enquête sur l’intérêt public.
Peaufiner l’obligation de consulter
La décision de la Cour suprême réitère les trois critères qui donnent lieu à une obligation de consulter. Premièrement, la Couronne doit être informée, de façon réelle ou constructive, d’une revendication ou d’un droit ancestral potentiel. Deuxièmement, il faut envisager la conduite de la Couronne. Troisièmement, cette conduite doit donner lieu à la possibilité qu’elle puisse porter atteinte à une revendication ou à un droit ancestral. Sur ce dernier point, la Cour a expliqué qu’un demandeur doit démontrer un lien de causalité entre la conduite ou la décision proposée par le gouvernement et la possibilité d’effets préjudiciables sur les revendications ou les droits ancestraux en instance. Elle a fait remarquer que les torts passés, y compris les manquements antérieurs ou continus à l’obligation de consulter, ne suffisent pas à créer ce lien, pas plus que ce que la Cour a décrit comme de « simples répercussions spéculatives ».
La Cour a ensuite fait remarquer que les effets préjudiciables s’étendent à tout effet qui pourrait porter préjudice à une revendication ou à un droit ancestral en instance. Il peut s’agir de « décisions de gestion de haut niveau ou de changements structurels à la gestion de la ressource [qui] peuvent également avoir une incidence négative sur les revendications ou les droits ancestraux, même si ces décisions n’ont pas d’incidence immédiate sur les terres et les ressources ». Par exemple, un contrat qui transfère le pouvoir sur une ressource de la Couronne à une partie privée « peut retirer ou réduire le pouvoir de la Couronne de veiller à ce que la ressource soit mise en valeur d’une manière qui respecte les intérêts ancestraux conformément à l’honneur de la Couronne ».
La décision donne donc à penser que la conduite ou la décision proposée par le gouvernement, qui a une incidence sur la capacité de la Couronne de veiller à ce qu’une ressource soit mise en valeur d’une manière respectueuse des intérêts des Autochtones et conformément à l’honneur de la Couronne, donnera lieu à une éventuelle obligation de consultation.
Pour en arriver à cette explication, toutefois, la Cour a rejeté une approche plus large suggérée par les intimés dans l’affaire, selon laquelle une décision du gouvernement, même sans conséquence, suffit à créer une obligation de consulter parce qu’elle fait partie d’un projet plus vaste. Se référant à sa décision antérieure dans l’affaire Nation haïda, la Cour a conclu qu'« elle limite l’obligation de consulter aux effets préjudiciables découlant de la proposition de la Couronne en cause – et non aux effets préjudiciables plus importants du projet dont elle fait partie. L’objet de la consultation est l’incidence sur les droits revendiqués de la présente décision à l’étude.
Par conséquent, une ordonnance obligeant la consultation ne sera appropriée que lorsque la conduite proposée par la Couronne, immédiatement ou prospectivement, peut avoir une incidence négative sur les droits établis ou revendiqués. Les répercussions spéculatives, ou une décision qui ne réduit pas ou n’enlève pas le pouvoir de la Couronne de veiller à ce qu’une ressource soit mise en valeur conformément à l’honneur de la Couronne, ne suffiront probablement pas à déclencher l’obligation de consulter.
Rôle des tribunaux
Sur la question de la place des tribunaux gouvernementaux en consultation, la Cour suprême a souligné qu’en l’espèce, la BCUC n’était pas engagée dans des consultations, mais examinait plutôt si la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter. La Cour a conclu que le législateur peut choisir de déléguer l’obligation de la Couronne de consulter à un tribunal. On a fait valoir devant la Cour que tout tribunal ayant compétence pour examiner des questions de droit a l’obligation constitutionnelle d’examiner si des consultations adéquates ont eu lieu et, dans la mesure du cas, de s’acquitter lui-même de cette obligation. La Cour suprême a rejeté cet argument, affirmant qu’un tribunal n’a que les pouvoirs qui lui sont expressément ou implicitement conférés par une loi, et que pour qu’un tribunal entame des consultations avec une Première Nation, un tel pouvoir législatif explicite ou implicite doit exister. La question des options qui s’offrent à un tribunal dans l’éventualité où il concluait qu’une consultation inadéquate pour un projet autrement dans l’intérêt public n’était pas entièrement en cause, et la Cour n’a pas fourni de directives précises sur ce point. La décision laisse entendre que si les pouvoirs conférés par la loi au tribunal ne donnent pas lieu à des pouvoirs de réparation efficaces, les parties devront poursuivre les questions de consultation devant les tribunaux.
En ce qui concerne la décision tant attendue concernant le rôle des tribunaux dans l’évaluation de l’obligation de consulter, la Cour suprême a conclu que le pouvoir de la BCUC de trancher des questions de droit impliquait le pouvoir de trancher les questions constitutionnelles dont elle était saisie comme il se doit. La Cour suprême a conclu que la BCUC avait le pouvoir d’évaluer le caractère adéquat de la consultation, même si la législation de la Colombie-Britannique prévoyait expressément que la BCUC n’avait pas compétence sur les « questions constitutionnelles », définies comme des questions contestant la validité ou l’applicabilité d’une loi ou étant une demande de réparation constitutionnelle en vertu de l’article 24 de la Charte ou de l’article 52 de la Loi constitutionnelle, 1982. Dans le cas particulier, le pouvoir d’examiner le caractère adéquat de la consultation semble découler au moins en partie de l’élément d’intérêt public de la décision prise.
La décision de la Cour suprême soulève des questions intéressantes en ce qui concerne les tribunaux de réglementation en Alberta. En vertu du Designation of Constitutional Decision Makers Regulation, l’Alberta Utilities Commission et l’Energy Resources Conservation Board, entre autres, sont autorisés à examiner « toutes les questions de droit constitutionnel ». La décision de la Cour suprême confirme que ces tribunaux sont habilités à se prononcer sur le caractère adéquat de la consultation des Autochtones par la Couronne, lorsque de telles questions se posent à bon droit dans les requêtes présentées à ces tribunaux.
Conclusion
Bien qu’il faudra du temps pour évaluer pleinement l’incidence de l’arrêt Rio Tinto, on peut soutenir que trois points clairs ressortent de la décision.
Premièrement, ce ne sont pas toutes les décisions ou tous les comportements du gouvernement qui touchent un projet d’exploitation des ressources qui déclenchent nécessairement l’obligation de consulter. Les répercussions spéculatives, ou les décisions qui ne nuisent pas à la capacité de la Couronne d’assurer le développement conformément à l’honneur de la Couronne, peuvent ne pas attirer l’obligation.
Deuxièmement, les tribunaux autorisés à trancher des questions de droit ont le pouvoir d’évaluer la consultation lorsque la question est à juste titre devant lui, en l’absence d’une disposition législative à l’effet contraire. Un élément d’intérêt public de la décision en question peut être suffisant pour habiliter le tribunal à examiner de telles questions.
Troisièmement, si le tribunal n’a pas les pouvoirs effectifs de remédier à un manquement à la consultation, ou si la question est effectivement divisée entre un certain nombre d’organismes, un demandeur peut avoir besoin de recourir aux tribunaux pour régler les questions de consultation.
Traduction alimentée par l’IA.
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