Écrit par Scott Bower, Preet Gill, Russell Kruger and Emmett Larsen
La règle anti-privation de common law est bien vivante au Canada, a conclu la Cour suprême du Canada dans une décision 8-1 dans Chandos Construction Ltd. c Deloitte Restructuring Inc., 2020 CSC 25 [Chandos]. En vertu de cette règle, les parties ne peuvent pas appliquer les dispositions contractuelles, déclenchées par l’insolvabilité ou la faillite d’une partie, qui visent à supprimer une valeur qui serait autrement disponible pour les créanciers de cette partie.
D’après les faits de Chandos, la Cour suprême a refusé de confirmer une disposition contractuelle stipulant, entre autres, que le sous-traitant Capital Steel doit renoncer à 10 pour cent du prix du contrat si Capital Steel devenait insolvable ou en faillite. Capital Steel a fini par faire faillite, et ses actifs ont été dévolus à Restructuration Deloitte Inc. à titre de syndic pour distribution aux créanciers. Deloitte s’est tourné vers les tribunaux pour déterminer la validité de la clause.
La Cour suprême a conclu que la clause violait la règle anti-privation de la common law. La règle empêche toute valeur d’être retirée de l’actif d’un failli lors de son insolvabilité, protégeant ainsi les intérêts des créanciers du failli. La Cour a statué que la règle n’avait pas été écartée par le régime fédéral de la faillite en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c B-3 (LFI). La règle a une origine ancienne, antérieure à la loi, et en fait renforce le régime de la LFI. En particulier, l’article 71 de la LFI stipule que les biens d’un failli « passent au syndic et lui sont dévolus », et la règle fonctionne en harmonie avec cette disposition, annulant les dispositions contractuelles qui empêcheraient le syndic de transmettre des biens et entérinant le régime de la LFI.
Le critère de la règle est double :
- la clause pertinente est déclenchée par un cas d’insolvabilité ou de faillite, et
- la clause a pour effet de retirer de la valeur de la succession de l’insolvable.
Si ces deux branches sont satisfaites, la clause est nulle.
La Cour suprême a statué que le critère est fondé sur les effets et non sur l’objet. Bien que Chandos ait demandé à la Cour de suivre la common law anglaise, dont les tribunaux ont statué que la règle n’invaliderait pas les transactions commerciales de bonne foi qui n’ont pas pour objectif principal de priver l’actif du failli de ses biens, la Cour suprême a refusé de le faire. La Cour a plutôt statué que le critère repose sur la question de savoir si l’effet, et non l’objet ou l’intention, d’une clause contractuelle est de priver l’actif du failli d’actifs en cas d’insolvabilité. Les intentions des parties contractantes ne sont pas pertinentes, même si elles sont commercialement raisonnables. La portée de l’examen est exclusivement l’effet de la clause. L’objectif de la politique publique dans ce cas-ci a été établi dans la loi. En vertu de l’article 71 de la LFI, le législateur a clairement indiqué que tous les biens du failli doivent être dévolus au syndic. Il incombe alors à la common law de choisir les « moyens qui donnent le mieux effet au régime législatif » qui, en l’espèce, est l’approche fondée sur les effets. Une règle fondée sur l’objet irait également à l’encontre de la certitude commerciale, car les tribunaux seraient chargés d’évaluer l’intention des parties longtemps après le fait, et aucune partie ne pourrait savoir, au moment de la passation de marchés, si un tribunal conclurait que leur disposition est de bonne foi. Le fait de mettre l’accent sur l’intention des parties pourrait également amener les parties à prétendre de bonne foi avoir l’intention de bonne foi de se donner la préférence sur les créanciers du failli.
Malgré le fait que Chandos s’appuie sur les principes de la liberté contractuelle et de l’intérêt personnel, la Cour suprême a réitéré que « la faillite prive la partie insolvable de son [propre] intérêt ». La partie faillie peut ne pas se soucier du fait qu’une clause privera sa succession en faillite de la valeur puisque ce coût est assumé par ses créanciers chirographaires plutôt que par elle-même.
La Cour suprême a reconnu que la règle anti-privation comporte des nuances; par exemple, « les dispositions contractuelles qui éliminent les biens de la succession, mais n’éliminent pas la valeur, peuvent ne pas contrevenir à la règle anti-privation », et la règle n’est pas enfreinte lorsque les parties « se protègent contre l’insolvabilité d’une contrepartie contractante en prenant une sûreté, en acquérant une assurance ou en exigeant une garantie de tiers ».
Ayant conclu que la clause était nulle en vertu de la règle anti-privation, la Cour n’avait pas besoin – et n’a pas examiné – la règle de la clause pénale soulevée devant la Cour inférieure.
Dissidente, le juge Côté était d’accord avec une grande partie de la majorité, mais il n’était pas d’accord pour dire que la règle devrait s’appliquer aux opérations ou aux dispositions ayant un objet commercial véritable. Elle a conclu, premièrement, que les tribunaux appliquant la règle n’ont pas fondé leurs décisions uniquement sur l’effet de la disposition privant une succession de valeur, mais qu’ils ont plutôt examiné l’effet et se sont renseignés sur l’objet véritable. Deuxièmement, la règle de common law exige une évaluation objective des fins commerciales légitimes des parties. Troisièmement, en tant que question d’ordre public, les considérations citées par la majorité à l’appui d’un critère fondé sur les effets ne peuvent pas « l’emporter sur l’intérêt public par ailleurs fort dans l’exécution des contrats ».
La décision de la Cour suprême dans l’affaire Chandos réitère que la protection des créanciers est une préoccupation primordiale pour le régime fédéral de la faillite et que les règles de common law, comme la règle anti-privation, peuvent toujours être appliquées en harmonie avec ce régime dans des circonstances appropriées. La décision fournit également des indications sur ce à quoi les parties devraient s’attendre lorsqu’elles rédigent des clauses conditionnelles à la faillite d’une partie, tout en reconnaissant les nuances et les moyens potentiels par lesquels les parties peuvent se protéger sans offenser la règle anti-privation.
Traduction alimentée par l’IA.
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