Écrit par Artem Barsukov, Vasilis Pappas and David Wahl
L’arbitrage commercial est largement perçu comme une voie vers l’obtention d’une décision finale et exécutoire (qualifiée de « sentence ») qui n’est pas susceptible d’appel. Cependant, ce n’est pas toujours le cas au Canada. Le degré de caractère définitif de la sentence peut varier considérablement selon que le différend est de nature internationale ou nationale et selon la province où se trouve le siège de l’arbitrage.
Les sentences commerciales internationales rendues au Canada sont régies par les Lois sur l’arbitrage commercial international de diverses provinces, qui sont généralement identiques et qui suivent la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international. En vertu de ces lois, une sentence commerciale internationale ne peut pas faire l’objet d’un appel sur le fond, mais ne peut être « annulée » que pour un nombre très limité de motifs étroits, qui vont tous à la question de savoir s’il existe des circonstances où il y avait un défaut fondamental dans la manière dont l’arbitrage a été entrepris. Ces motifs sont les suivants :
- l’invalidité de la convention d’arbitrage ou le manque de capacité de conclure la convention d’arbitrage;
- l’absence d’avis approprié ou d’autres incapacités à présenter son cas;
- le tribunal qui outrepasse sa compétence;
- défaut de mener l’arbitrage conformément à la convention d’arbitrage;
- l’absence d’arbitrabilité; et
- en conflit avec l’ordre public.
En revanche, les sentences nationales rendues au Canada sont non seulement sujettes à l’annulation pour des motifs similaires, mais peuvent également faire l’objet d’un appel sur le fond dans certains cas. Pour compliquer davantage les choses, les règles par défaut et la portée des droits d’appel varient quelque peu d’une province à l’autre de la Loi sur l’arbitrage et ne sont pas toujours intuitives. Dans le cas de l’Ontario, l’article 45 de la Loi de 1991 sur l’arbitrage , LR 1991, ch. 17 [Loi sur l’arbitrage] prévoit ce qui suit :
Appeal
Appel sur une question de droit
45 (1) Si la convention d’arbitrage ne traite pas des appels sur des questions de droit, une partie peut interjeter appel d’une sentence au tribunal sur une question de droit avec autorisation, que le tribunal n’accorde que s’il est convaincu que :
(a) l’importance pour les parties des questions en jeu dans l’arbitrage justifie un appel; et
(b) la détermination de la question de droit en cause affectera considérablement les droits des parties.
Idem
(2) Si la convention d’arbitrage le prévoit, une partie peut faire appel d’une sentence au tribunal sur une question de droit.
Appeal sur une question de fait ou mixte de fait et de droit
(3) Si la convention d’arbitrage le prévoit, une partie peut faire appel d’une sentence au tribunal sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit.
L’article 49 de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario prévoit en outre qu’une décision de la Cour supérieure de justice sur une demande d’appel ou d’annulation peut être portée en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario avec l’autorisation de cette cour.
Dans la récente décision rendue dans l’affaire Baffinland Iron Mines LP v Tower-EBC GP/SENC, 2023 ONCA 245 [Baffinland Iron Mines], la Cour d’appel de l’Ontario a introduit des éclaircissements indispensables concernant la disponibilité et la portée des droits d’appel dans les arbitrages nationaux, ainsi que les circonstances dans lesquelles la décision de la Cour supérieure sur une autorisation d’appel peut faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel en vertu de l’article 49. Cette décision, et les principaux points à retenir qui en découlent, sont examinés ci-dessous.
Les faits
En 2017, Baffinland Iron Mines (BIM) et Tower-EBC (TEBC) ont conclu deux contrats de terrassement pour appuyer la construction par BIM d’un chemin de fer pour transporter le minerai de sa mine sur l’île de Baffin, au Nunavut, vers un port voisin. Les deux contrats prévoyaient que tous les différends qui n’avaient pas été réglés par d’autres mécanismes disponibles en vertu des contrats devaient être « définitivement réglés » par arbitrage conformément au Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (le Règlement de la CCI). Ni l’un ni l’autre des contrats ne traitait expressément des appels d’une éventuelle sentence arbitrale.
En 2018, BIM a résilié les contrats en raison de retards. TEBC a entamé une procédure d’arbitrage contestant le droit de BIM de résilier les contrats et réclamant des dommages-intérêts découlant de la résiliation. Le tribunal arbitral a rendu une décision partagée en faveur de TEBC, un membre du tribunal ayant émis une dissidence partielle en désaccord avec la majorité sur leur interprétation de la loi ontarienne et réduisant les dommages-intérêts accordés à TEBC de plus de 50 pour cent.
Par la suite, BIM a demandé l’autorisation d’interjeter appel en vertu de l’article 45 de la Loi sur l’arbitrage sur des questions de droit, y compris celles qui, selon elle, ont conduit aux résultats divergents obtenus par la majorité et la dissidence. La Cour supérieure de justice a refusé d’accorder l’autorisation d’appel, jugeant que la convention d’arbitrage excluait tout appel en (1) déclarant que les différends seraient « définitivement réglés » par arbitrage, et (2) en incorporant le Règlement de la CCI, qui comprenait une renonciation à toute forme de recours contre la sentence. Pour ce motif, le juge saisi de la demande a refusé d’accorder à BIM l’autorisation d’interjeter appel.
BIM a par la suite interjeté appel de la décision du juge saisi de la demande devant la Cour d’appel de l’Ontario en vertu de l’article 49 de la Loi sur l’arbitrage. En réponse, la TBEC a demandé l’annulation de l’appel de BIM au motif que l’article 49 ne prévoit pas d’appel d’une décision sur une demande de permission d’en appeler. La Cour d’appel a rejeté la requête de la TBEC visant à faire annuler l’appel, mais a finalement conclu que le juge de première instance n’avait commis aucune erreur donnant lieu à révision en concluant que la convention d’arbitrage empêchait les appels devant la cour sur toute question.
Principaux points à retenir
La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Baffinland Iron Mines contient quatre points clés à retenir pour les arbitrages nationaux qui se trouvent en Ontario.
1. Cadre clair pour la disponibilité des appels des sentences nationales en Ontario
Tel qu’il est rédigé, l’article 45 de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario, qui régit la disponibilité des appels des sentences nationales, n’est pas intrinsèquement intuitif. La Cour d’appel a apporté des éclaircissements indispensables en concluant expressément qu’elle envisage trois scénarios différents :
- Lorsqu’une convention d’arbitrage prévoit expressément des appels: il y a un appel de droit.
- Lorsqu’une convention d’arbitrage est muette sur les appels: il y a une possibilité d’appel, mais seulement avec l’autorisation de la Cour supérieure de justice.
- Lorsqu’une convention d’arbitrage empêche les appels: il n’y a pas d’appel ou de droit de demander l’autorisation d’appel.
2. Cadre clair pour la disponibilité des appels d’une décision relative à une demande d’autorisation
Comme il a été mentionné, l’article 49 de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario prévoit un autre appel devant la Cour d’appel d’une décision de la Cour supérieure de justice sur un appel ou une demande d’annulation, avec l’autorisation de la Cour d’appel. Toutefois, l’article 49 est muet sur les appels interjetés à l’suite d’un refus d’autorisation d’appel en vertu du paragraphe 45(1).
Dans l’arrêt Baffinland Iron Mines, la Cour d’appel a de nouveau apporté des éclaircissements indispensables sur cette question tout en expliquant et en réconciliant deux de ses propres décisions apparemment concurrentes citées par les parties à l’appui de leurs positions respectives. La Cour a établi les règles suivantes pour les cas où un appel se trouve devant la Cour d’appel en vertu de l’article 49 de la Loi sur l’arbitrage d’une décision sur une demande d’autorisation:
- Lorsque la Cour supérieure de justice refuse d’examiner le bien-fondé d’une demande d’autorisation d’appel : un appel à la Cour d’appel peut être interjeté avec autorisation.
- Lorsque la Cour supérieure de justice examine dûment le bien-fondé d’une demande d’autorisation d’appel et rejette l’autorisation : il n’est pas possible d’interjeter appel devant la Cour d’appel.
Comme il a été mentionné, en l’espèce, le juge saisi de la demande a refusé d’examiner le bien-fondé de la demande d’autorisation de BIM au motif que la convention d’arbitrage excluait tout appel. Appliquant les principes ci-dessus, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté la requête de TEBC visant à annuler l’appel de BIM devant la Cour d’appel.
3. Les mots « définitivement réglés » excluent les appels interjetés en vertu de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario
Après avoir examiné et rejeté la requête de TBEC visant à faire annuler l’appel de BIM, la Cour d’appel a ensuite examiné le bien-fondé de la demande d’autorisation de BIM, confirmant la décision de la Cour supérieure de justice de refuser l’autorisation d’appel. Ce faisant, la Cour d’appel :
a. a affirmé que les mots « définitivement réglé » dans une convention d’arbitrage excluent les appels d’une sentence arbitrale en Ontario; et
b. a conclu qu’il n’y a pas de distinction entre le sens des expressions « final and binding » et « final settled », même si ces expressions sont utilisées dans le même accord.
Pour en arriver à ces conclusions, la Cour d’appel a insisté sur le mot « final », statuant qu’un membre de phrase différent contenant le mot « final » donnera le même sens, tant que les mots additionnels qui l’accompagnent ne le modifient pas matériellement. La Cour a également cité avec approbation sa décision antérieure de 1988 dans l’affaire Yorkville North Development Ltd v North York (City) (1988), 64 OR (2d) 225 (CA), dans laquelle elle a conclu que le mot « final » devait être interprété comme n’admettant aucune autre contestation, excluant ainsi tout droit d’appel.
4. Des règles d’arbitrage bien rédigées peuvent empêcher les appels en vertu de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario
Comme il a été mentionné ci-dessus, la décision de la Cour supérieure de justice de la Cour supérieure de refuser d’examiner le bien-fondé de la demande d’autorisation de BMI était fondée en partie sur le Règlement de la CCI, qui ont été incorporés par renvoi dans la convention d’arbitrage. En l’espèce, la règle pertinente était la règle 35.6), qui prévoit ce qui suit :
Toute sentence sera contraignante pour les parties. En soumettant le différend à l’arbitrage en vertu du Règlement, les parties s’engagent à exécuter toute sentence sans délai et sont réputées avoir renoncé à leur droit à toute forme de recours dans la mesure où cette renonciation peut valablement être faite.
En examinant si la règle 35(6) était incompatible avec l’expression « définitivement réglé », la Cour d’appel a fait l’observation suivante en obiter :
Le juge de première instance, cependant, a conclu que les conditions n’étaient pas incompatibles et qu’il n’y avait aucune erreur dans cette conclusion. Comme on l’a noté plus haut, [la convention d’arbitrage] a été correctement interprétée de manière à empêcher les appels, tout comme le fait le libellé de la règle 35-6 de la CCI. À la question de savoir si les appels sont permis, les deux dispositions donnent la même réponse: non, elles sont exclues.
[non souligné dans l’original]
Ainsi, bien qu’elle n’établisse pas de précédent contraignant, la Cour d’appel a clairement indiqué que les parties peuvent conclure avec succès des contrats de sous-traitance de droits d’appel simplement en adoptant des règles d’arbitrage bien formulées, telles que le Règlement de la CCI.
Conclusion
La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Baffinland Iron Mines fournit des éclaircissements indispensables quant à la disponibilité des appels des sentences arbitrales nationales rendues en Ontario. Elle a également des répercussions importantes pour les conseillers juridiques en matière d’opérations. En particulier, il renforce l’importance de discuter de l’opportunité des droits d’appel avec ses clients et d’aborder expressément la question dans la convention d’arbitrage. Bien que la décision indique que le mot « définitivement réglé » ou « définitif et exécutoire » peut être suffisant pour évincer les droits d’appel, l’avocat de l’opération serait bien avisé d’inclure un libellé explicite selon lequel les parties conviennent de renoncer à tous les droits d’appel dans la mesure permise par la loi si les parties le souhaitent.
Il est également important de comprendre que l’analyse et l’autorité ci-dessus ne s’appliquent qu’à l’Ontario et que les règles régissant les appels de sentences arbitrales sont différentes dans les autres provinces du Canada. Ceci, à son tour, souligne l’importance de choisir soigneusement le siège juridique de l’arbitrage.
Tout ce qui précède souligne l’importance d’obtenir des conseils d’experts lors de la rédaction de clauses de règlement des différends pour les accords commerciaux. Pour discuter de vos besoins spécifiques et pour recevoir des conseils sur mesure, veuillez contacter le Bennett Jones International Arbitration group.
Traduction alimentée par l’IA.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
Pour obtenir l’autorisation de republier la présente publication ou toute autre publication, veuillez communiquer avec Amrita Kochhar à kochhara@bennettjones.com.