Écrit par Jessica Horwitz, Sabrina A. Bandali, Alison FitzGerald, George Reid et Rajat Beniwal
Le présent article de blogue a été publié le 22 mai 2025 et il était exact à cette date. La situation des tarifs douaniers évolue rapidement. Veuillez communiquer avec l’un des auteurs ou un membre de l’équipe Commerce et investissement international de Bennett Jones pour obtenir des conseils sur les plus récents droits de douane des États-Unis et les surtaxes canadiennes.
Le printemps a été tumultueux pour les entreprises faisant du commerce entre le Canada et les États-Unis. Cet article de blogue réunit les plus récentes questions fréquemment posées sur les tarifs douaniers entre le Canada et les États-Unis, notamment les directives révisées publiées le 20 mai 2025 par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui clarifient son interprétation des exemptions de surtaxes sur les importations de marchandises des États-Unis.
Existe-t-il des exemptions aux surtaxes canadiennes?
Oui. Le ministre canadien des Finances a enregistré le 15 avril 2025 deux décrets de remise des surtaxes introduites le 4 mars 2025, le 13 mars 2025 et le 8 avril 2025 :
- Le Décret de remise de la surtaxe des États-Unis (2025) : DORS/2025-122 (Décret de remise de six mois) prévoit un allégement de six mois pour les importations en provenance des États-Unis utilisées pour soutenir les activités de santé publique, des soins de santé, de sécurité publique et de sécurité nationale, ou utilisées dans la fabrication, la transformation ou l’emballage des aliments et des boissons au Canada, ainsi que pour certains produits en particulier nécessaires à la santé publique et aux soins de santé. Selon les estimations informelles du ministère des Finances, ce programme de remise accorde un allégement à environ 60 % des demandes de remise reçues avant la mi-avril.
- Le Décret de remise de la surtaxe des États-Unis (véhicules automobiles, 2025) : TR/2025-60 prévoit la remise des surtaxes sur un nombre déterminé de véhicules automobiles importés des États-Unis par certains constructeurs automobiles en particulier (nommés dans une annexe confidentielle), les quantités étant liées au niveau de production au Canada.
En outre, les entreprises qui ne sont pas admissibles à ces remises peuvent continuer à demander des remises au cas par cas (exonération des surtaxes à venir et remboursement des droits déjà payés) pour faire face à des situations de pénurie de biens utilisés comme intrants ou dans des circonstances exceptionnelles où la surtaxe aurait des effets défavorables graves sur l’économie canadienne. Voir ci-dessous pour la façon de présenter une demande.
Comment demander la remise? Une demande distincte est-elle requise?
Le décret de remise de six mois s’applique aux surtaxes payées ou payables en vertu du Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (2025-1) : DORS/2025-66, du Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (acier et aluminium, 2025) : DORS/2025-95 et du Décret imposant une surtaxe aux États-Unis (véhicules automobiles, 2025) : DORS/2025-118, à condition que les marchandises soient importées depuis la date d’entrée en vigueur de la surtaxe respective et avant le 16 octobre 2025 et qu’aucune autre exonération de la surtaxe n’ait été accordée. Tout importateur admissible peut demander une remise lorsqu’il déclare des marchandises importées au Canada. Comme la demande est faite sur une Déclaration en détail commerciale, seul l’importateur officiel, qu’il soit résident ou non du Canada, peut demander la remise.
Aucune autre demande n’est requise pour demander la remise des surtaxes. Les importateurs doivent évaluer eux-mêmes si leur transaction répond aux critères d’admissibilité. Si l’importateur conclut qu’il est admissible, il doit demander à son courtier en douane d’insérer le code d’« autorisation spéciale » correspondant (spécifié dans l’Avis des douanes 25-19) dans le champ « Autorisation spéciale de décret » de la déclaration en détail commerciale. La saisie du code d’autorisation spéciale applicable permet la remise immédiate des surtaxes au moment de la déclaration des douanes.
Les demandes de remboursement qui s’appuient sur le décret de remise des surtaxes déjà payées peuvent être présentées pendant une période maximale de deux ans à compter de la date d’importation.
Les demandes de remise peuvent faire l’objet d’une vérification postérieure à l’importation (audit) pendant quatre ans. Si l’importateur ne peut pas produire sur demande les documents appropriés pour prouver son admissibilité ou si l’ASFC conclut autrement qu’une demande n’est pas valide, les surtaxes de 25 % seront réévaluées avec des intérêts et l’importateur pourrait être soumis à des pénalités et à des taux d’intérêt punitifs pour l’erreur commise.
Le Décret de remise de six mois s’applique-t-il à mes marchandises?
La formulation du Décret de remise de six mois a suscité une grande incertitude chez les importateurs quant à son champ d’application.
Le 20 mai 2025, l’ASFC a mis à jour l’Avis des douanes 25-19 afin de clarifier l’interprétation de l’agence quant au champ d’application du Décret de remise de six mois. Voici quelques-unes des principales précisions apportées par la mise à jour :
- Les remises accordées en vertu de l’article 1 et de l’alinéa 2b) du Décret de remise de six mois dépendent de l’identité de l’utilisateur final, à savoir s’il s’agit d’une organisation admissible selon sa fonction (objectifs énumérés de soins de santé et de santé publique, de sécurité publique et de sécurité nationale). Cependant, les importations effectuées par ces organisations ne sont pas toutes admissibles à l’allégement : les marchandises doivent être liées à ces objectifs. Par exemple, une pharmacie qui stocke des produits pharmaceutiques ou des dispositifs médicaux serait un utilisateur final déterminé en vertu de l’alinéa 1b) du Décret de remise de six mois, mais son admissibilité à demander une remise en vertu de l’alinéa 1b) ne s’étend pas aux marchandises destinées à être utilisées dans le cadre de ses activités non admissibles (par exemple, l’importation de collations préemballées pour la vente au détail).
- Les remises prévues à l’alinéa 2a) et à l’article 3 du Décret de remise de six mois ne peuvent être demandées que si les marchandises sont importées pour une utilisation finale déterminée (c’est-à-dire la prestation de services de soins de santé médicalement nécessaires, la fabrication ou la transformation de toute marchandise ou l’emballage de produits alimentaires ou de boissons).
- Pour bénéficier de la remise selon l’utilisateur final ou l’utilisation finale, les marchandises doivent être :
- importées directement par l’utilisateur final qui les utilisera pour ses utilisations finales admissibles (en tant qu’importateur officiel);
- expédiées directement, au moment de l’importation, à l’utilisateur final (désigné comme destinataire sur les documents d’expédition) qui utilisera les marchandises dans le cadre de ses activités admissibles;
- importées pour une « vente immédiate » à une entité admissible ou à une entité exerçant des activités admissibles, comme l’atteste un bon de commande ou un contrat de vente.
En d’autres termes, les marchandises doivent être manifestement réservées à une utilisation finale admissible au moment de l’importation. L’ASFC ne considère pas que les marchandises importées par un distributeur ou un revendeur qui sont ensuite vendues pour une utilisation finale admissible peuvent faire l’objet d’une remise.
Quelles sont les activités de fabrication, de transformation ou d’emballage admissibles à l’allégement prévu par le Décret de remise de six mois?
L’Avis des douanes 25-19 mis à jour énonce les politiques suivantes concernant le champ d’application de l’article 3 du Décret de remise de six mois :
- L’ASFC a adopté le système de classification des activités industrielles « SCIAN » de Statistique Canada pour déterminer les types d’activité « de fabrication ou de transformation » admissibles à la remise prévue à l’article 3 du Décret de remise de six mois. L’Avis des douanes précise que seules les entreprises exerçant des activités décrites dans les chapitres 31 à 33 du SCIAN (fabrication) peuvent profiter de cette remise. Les importateurs doivent examiner attentivement ces chapitres, car de nombreuses activités de transformation sont classées ailleurs que dans les chapitres 31 à 33. Selon cette politique non contraignante, tout « traitement » effectué dans le cadre d’activités commerciales qui n’est pas classé dans les chapitres 31 à 33 ne serait pas admissible à la remise.
- La remise prévue à l’article 3 du Décret de remise de six mois pour le motif « emballage d’aliments ou de boissons » n’est, en revanche, pas limitée par le code du SCIAN. La politique stipule simplement que le matériel d’emballage doit être « importé par une entreprise qui utilise elle-même cet emballage pour préparer des aliments et des boissons destinés à la vente ». Il convient de noter que les observations formulées plus haut dans l’Avis des douanes selon lesquelles les marchandises peuvent soit être « importées par » l’utilisateur final admissible, soit lui être expédiées directement ou être destinées à une « vente immédiate » à ce dernier s’appliquent également au motif de l’« emballage de produits alimentaires ou de boissons ».
- Dans le cadre du motif de remise « fabrication ou transformation », seuls les matériaux directs peuvent profiter de la remise, c’est-à-dire les matériaux qui feront partie intégrante du produit fini. Les matériaux indirects, les combustibles et les équipements destinés à être utilisés dans des activités de fabrication ou de transformation au Canada ne sont pas admissibles à la remise.
- L’Avis des douanes note que le Décret de remise de six mois englobe une définition plus étroite du terme « transformation » que la définition de l’article II 80 du tarif douanier, qui comprend « l’ajustement, la modification, l’assemblage, la fabrication, la production ou la réparation de marchandises ». L’Avis des douanes précise que « la réparation n’est pas incluse dans la remise », bien qu’il note que les articles importés pour réparation et exportés par la suite peuvent profiter d’un allégement des surtaxes dans le cadre d’autres programmes d’exonération des droits de douane.
- La remise n’est accordée que pour les produits importés et utilisés pour l’emballage de produits alimentaires et de boissons destinés à la consommation humaine; les marchandises importées pour l’emballage d’aliments pour animaux n’entrent pas dans le champ d’application « emballage » de la remise.
Je n’ai pas droit à la remise de six mois. Puis-je tout de même demander une exemption?
Oui, le ministère des Finances du Canada accepte toujours les demandes individuelles de remises discrétionnaires (exemptions) des surtaxes.
Les entreprises doivent démontrer des circonstances exceptionnelles et impérieuses à l’appui de leur demande.
- Lorsque les produits utilisés comme intrants de production ne peuvent être obtenus à l’échelle nationale ou régionale ou ne sont pas raisonnablement disponibles sur des marchés étrangers autres que les États-Unis.
- Lorsque d’autres circonstances exceptionnelles surviennent qui pourraient avoir des effets négatifs graves sur l’économie canadienne.
- Le gouvernement n’envisagera le remboursement ou la renonciation aux droits de douane que dans des cas particuliers et exceptionnels où un intérêt public ou économique fort pèse plus lourd que la raison première de l’imposition des droits de douane.
Les lettres de demandes doivent être adressées au ministère des Finances du Canada et envoyées par courriel à remissions-remises@fin.gc.ca et la demande doit être accompagnée de tous les renseignements pertinents disponibles concernant les points énumérés dans le modèle de demande de remise. Si certains renseignements dans la demande sont confidentiels, il est conseillé aux demandeurs de les identifier précisément comme tels et de demander un traitement confidentiel, afin de réduire le risque que ces renseignements soient divulgués à des tiers ou fassent l’objet d’une demande dans le cadre du programme d’accès à l’information.
Le ministère des Finances examinera les demandes de remise en consultation avec les autres ministères concernés et les parties intéressées, comme les producteurs nationaux au Canada. Après examen, le ministère adressera une recommandation au ministre des Finances. Le ou les décrets de remise seront enregistrés publiquement par un décret pris par le gouverneur en conseil, cependant pour les remises accordées à des entreprises en particulier, celles-ci ne seront généralement identifiées que par leur numéro d’entreprise de l’Agence du revenu du Canada et non par leur nom, pour des raisons de confidentialité.
Le gouvernement n’a pas fourni de délai de traitement précis pour les demandes de remise liées aux droits de douane des États-Unis, mais en se fondant sur les délais de traitement des remises accordées en 2018 dans le cadre de la première série de droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium et plus tôt cette année pour les surtaxes de la Chine en 2024, les entreprises doivent s’attendre à ce que le processus prenne plusieurs mois.
Quel est le statut de l’avis d’intention d’imposer des contre-mesures sur 200 milliards de dollars canadiens de marchandises importées des États-Unis (articles de la liste dite de phase 2)?
À l’exception d’une poignée de codes tarifaires dérivés de l’acier et de l’aluminium de la liste des propositions qui ont été ajoutés à la liste de rétorsion du 13 mars 2025 et des véhicules figurant sur la liste du 8 avril 2025, le Canada n’a pas imposé de droits de douane sur les produits de la phase 2. Nous croyons savoir qu’il n’est pas prévu d’imposer de nouveaux droits de douane de rétorsion par produit à l’heure actuelle.
Si les États-Unis introduisent de nouveaux droits de douane sectoriels (par exemple, sur les semi-conducteurs ou le bois d’œuvre, ou d’autres produits faisant actuellement l’objet d’une enquête par les autorités commerciales américaines) ou d’autres mesures de restriction des échanges, le Canada pourrait réagir en puisant dans la liste existante ou en envisageant d’autres contre-mesures (comme des quotas ou d’autres mesures de rétorsion).
Les États-Unis ont introduit une exemption à leurs droits de douane pour les produits « admissibles à l’ACEUM ». La même exemption existe-t-elle au Canada?
Non, le Canada n’a pas établi d’exemption réciproque pour les marchandises admissibles à l’ACEUM ou « conformes à l’ACEUM ». Les droits de douane de rétorsion du Canada s’appliquent par produit plutôt qu’à toutes les marchandises provenant des États-Unis, il n’y a donc pas d’exemption générale pour les marchandises qui sont admises comme étant couvertes par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (appelé « USMCA » aux États-Unis, « CUSMA » au Canada anglais, « ACEUM » au Canada français et « T-MEC » au Mexique).
Les droits de douane de 25 % et de 10 % imposés aux produits canadiens en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act des États-Unis (IEEPA) s’appliquent aux marchandises pouvant être marquées comme étant « fabriquées au Canada » conformément à certaines règles d’origine de marquage des produits aux États-Unis, ce qui tend à être un seuil inférieur au critère de préférence tarifaire (traitement en franchise de droits) en vertu de l’ACEUM. Selon les règles des États-Unis, les marchandises qui répondent aux règles d’origine des préférences tarifaires de l’ACEUM sont exemptées des tarifs de l’IEEPA si l’exportateur ou le producteur fournit une certification d’origine valide et que l’importateur fait valoir la préférence tarifaire lors de l’entrée en douane. Il convient de noter que ce n’est pas nécessairement le cas pour d’autres catégories de droits de douane des États-Unis contre le Canada. Par exemple, les droits de douane sur les produits canadiens en acier et en aluminium qui ne profitent pas de l’exemption des marchandises « admissibles à l’ACEUM ».
Existe-t-il un soutien financier ou d’autres ressources pour les entreprises canadiennes touchées par les droits de douane?
Oui. Un nouveau programme de financement appelé Crédit pour les grandes entreprises touchées par les droits de douane (CGETDD) a commencé à accepter les demandes de soutien financier aux entreprises canadiennes touchées par les droits de douane et les contre-mesures. Voir notre blogue Soutien financier du gouvernement du Canada pour les grandes entreprises touchées par les droits de douane américains et les contre-mesures canadiennes.
En plus du cadre de remise décrit ci-dessus, il existe plusieurs programmes susceptibles d’alléger les surtaxes, comme le Programme d’exonération des droits et le Programme de drawback, toutefois ces programmes sont généralement conditionnels à la réexportation des marchandises dans le même état qu’à l’importation ou après qu’elles ont été transformées ou réparées.
Voici d’autres mesures à la disposition des entreprises pour les soutenir et les aider à diversifier leurs échanges au-delà des États-Unis :
- Le Programme d’impact commercial d’Exportation et développement Canada fournit un soutien supplémentaire de 5 milliards de dollars canadiens sur deux ans afin d’aider les entreprises admissibles, pour de nombreux produits, à faire face aux défis économiques.
- La Banque de développement du Canada a lancé l’initiative Pivoter pour se propulser, un projet de 500 millions de dollars canadiens qui offre du financement, des services-conseils et des reports de prêts aux petites et moyennes entreprises (PME) affectées par les droits de douane.
- Financement agricole Canada a lancé le Programme de soutien à la clientèle en cas de perturbations commerciales, offrant 1 milliard de dollars canadiens en nouveaux prêts pour aider les entreprises agroalimentaires, les exploitations agricoles et les transformateurs de produits alimentaires qui sont dans une situation financière difficile.
- Le gouvernement a mis en place des mesures spéciales, du 7 mars 2025 au 6 mars 2026, dans le cadre du Programme de Travail partagé d’assurance-emploi, afin d’aider les entreprises concernées à éviter les licenciements et à stabiliser leurs activités.
- Le Service des délégués commerciaux a mis en place une ligne d’assistance pour aider les entreprises à comprendre les règles d’origine et les exigences en matière de certification de l’origine pour la conformité à l’ACEUM.
Pour obtenir des conseils et de l’aide afin de comprendre comment atténuer l’impact des surtaxes canadiennes, veuillez communiquer avec un membre du groupe Commerce international et investissement de Bennett Jones.
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