Écrit par Lorelei Graham
L’innovation dans le domaine des technologies agricoles (ou agrotechnologies) est stimulée par les changements climatiques et vise à rehausser la résilience et la durabilité de l’agriculture. Des cultures résistantes à la sécheresse aux techniques de captage du carbone dans les sols, ces solutions agrotechnologiques axées sur le climat sont cruciales pour garantir la sécurité alimentaire mondiale. Un élément souvent négligé de ce tableau est la stratégie en matière de propriété intellectuelle (PI), à savoir la manière dont les brevets et autres droits de PI sont utilisés pour protéger et encourager l’innovation.
Dans cette série en cinq parties intitulée Procédures accélérées et divergences vertes : La course à la PI dans l’innovation agrotechnologique mondiale, nous étudions la façon dont le Canada soutient (et les défis qui subsistent) une agrotechnologie résiliente face aux changements climatiques au moyen d’incitatifs en matière de PI. Nous y comparons également l’approche du Canada aux évolutions constatées aux États-Unis et dans l’Union européenne et les conséquences potentielles de ces régimes pour les innovateurs de l’agrotechnologie. De plus, nous examinons la récente décision du United States Patent and Trademark Office (office américain des brevets et des marques de commerce) (USPTO) d’annuler son programme d’examen accéléré des brevets dans le domaine des technologies vertes, en analysant les répercussions que ce changement de politique pourrait avoir sur la stratégie canadienne (en particulier dans le domaine des agrotechnologies de captage du carbone) et sur la concurrence internationale.
Préparer l’avenir avec le système de PI du Canada
Le Canada est devenu un partisan proactif de l’innovation écologique en matière d’agriculture, utilisant son système de PI pour encourager les agrotechnologies résistantes aux changements climatiques. Ainsi, le Canada se classe constamment parmi les 10 pays comptant le plus de dépôts de demandes de brevets liés aux technologies d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements. Ce rôle de chef de file n’est pas le fruit du hasard, car il reflète des politiques et des mesures incitatives intentionnelles visant à aider les innovateurs à protéger leurs inventions respectueuses du climat.
Parmi ces mesures, le Programme d’examen accéléré pour les technologies vertes de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) est une initiative clé. Ce programme permet d’accélérer le traitement des demandes de brevets pour les technologies « vertes » sans frais supplémentaires. Dans la pratique, cela signifie que si une entreprise en démarrage met au point un nouveau système d’irrigation permettant d’économiser de l’eau ou un additif pour le sol réduisant les émissions de gaz à effet de serre, elle peut demander un examen accéléré de son brevet. Normalement, l’obtention d’un brevet peut prendre des années, mais dans le cadre du Programme d’examen accéléré des technologies vertes, le premier rapport d’examen peut être produit en trois mois seulement, comparativement à l’attente habituelle de 14 à 24 mois dans le cadre du processus standard. En accélérant l’octroi des brevets, ce programme du Canada aide les innovateurs à obtenir plus rapidement leurs droits de PI, ce qui peut constituer un avantage majeur pour les entreprises en démarrage qui cherchent à attirer des investisseurs ou à pénétrer le marché rapidement.
Il est important de noter que l’OPIC ne facture pas les droits habituels pour accélérer la délivrance du brevet; la seule exigence étant de fournir une simple déclaration expliquant en quoi l’invention contribue à la protection de l’environnement. Les critères de l’OPIC sont larges et toute technologie raisonnablement susceptible de profiter à l’environnement ou d’atténuer les dommages environnementaux est admissible. Cela signifie qu’un large éventail d’innovations agrotechnologiques peut être pris en compte, des dispositifs d’énergie renouvelable pour les exploitations agricoles jusqu’aux nouvelles variétés de cultures sélectionnées pour leur résistance au climat. Il est à noter que l’OPIC n’exerce pas de contrôle agressif sur les déclarations d’utilité environnementale. Il accorde le statut de traitement accéléré à tous les dossiers qui sont déposés de bonne foi. Cette approche peu contraignante incite les innovateurs à se prévaloir du programme.
Ingrédients de la réussite du système canadien
Au Canada, le programme accéléré d’examen des brevets pour les entreprises agrotechnologiques en démarrage offre plusieurs avantages, notamment la capacité d’attirer des investisseurs avec un brevet déjà délivré (ou au moins un rapport d’examen préliminaire favorable). L’existence du brevet montre que l’innovation en question est unique et protégée, donnant alors davantage de confiance aux investisseurs, ce qui peut faciliter les accords de licence et la mobilisation de capitaux. D’une manière plus générale, une délivrance plus rapide des brevets peut également accélérer la diffusion des connaissances. Une fois qu’un brevet est publié et délivré, d’autres chercheurs peuvent s’en inspirer. Il est intéressant de noter que les brevets écologiques ayant fait l’objet d’une procédure accélérée sont cités plus de deux fois plus souvent que les brevets ordinaires au cours des premières années, ce qui suggère qu’un examen plus rapide accélère la diffusion des connaissances dans le domaine des technologies vertes. Cela est une bonne nouvelle pour les instituts de recherche agrotechnologique et les universités, qui s’appuient souvent sur les brevets publiés comme source d’informations techniques pour leurs travaux.
Soutien aux brevets pour l’innovation verte dans l’agriculture
Incitatif | OPIC | USPTO | Office européen des brevets |
Brevets spécifiques aux technologies vertes | Oui | Non | Non |
Procédure accélérée | Oui | Non | Oui |
Frais supplémentaires | Non | Oui | Non |
Malgré ces avantages, des considérations pratiques (ou stratégiques) s’appliquent. Étonnamment, seul un faible pourcentage (de 1 à 2 %) des dépôts de demande de brevet canadien admissible utilisent la procédure accélérée pour les technologies vertes. De nombreux innovateurs choisissent encore la voie classique pour des raisons stratégiques. En effet, il est parfois avantageux de ne pas accorder un brevet trop rapidement. Le fait de garder un dossier en suspens permet à l’inventeur de préciser ses revendications ou de retarder les coûts. Comme le montrent des études réalisées à l’échelle mondiale, un grand nombre de demandeurs n’accélèrent la procédure que lorsqu’ils en ont vraiment besoin (par exemple, si un concurrent est sur le point de les devancer ou s’ils ont besoin d’un brevet pour conclure une entente). Les innovateurs en agrotechnologie doivent également décider de la forme de protection de la PI qui convient le mieux à leur invention. Dans certains cas, un brevet convient parfaitement. Dans d’autres cas, ils peuvent recourir à une protection des obtentions végétales (des droits de PI conçus pour les nouvelles variétés végétales) ou aux secrets commerciaux (par exemple, si l’innovation est une formule ou un processus exclusif et confidentiel). Il peut être difficile pour les entreprises en démarrage de s’y retrouver dans ces choix et les frais associés aux droits de PI (taxes relatives aux dépôts de demandes de brevet, honoraires d’avocat, etc.). Le Canada propose des programmes de soutien, comme des subventions à l’innovation, pour aider les petites entreprises à élaborer leurs stratégies en matière de PI, mais ces programmes ne sont pas encore intégrés aux objectifs d’innovation climatique.
En résumé
L’approche actuelle du Canada allie un environnement favorable aux brevets et des incitatifs écologiques précis. Le programme d’examen accéléré des brevets est un incitatif clair pour les agrotechnologies axées sur le climat, visant à éliminer les obstacles en matière de PI et à commercialiser les innovations plus rapidement. Nous allons maintenant comparer ce système à ce que font les États-Unis et l’Europe.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
Pour obtenir l’autorisation de republier la présente publication ou toute autre publication, veuillez communiquer avec Amrita Kochhar à kochhara@bennettjones.com.