Écrit par Emrys Davis et Mercy Liu
Depuis 2022, le gouvernement du Canada a procédé à d’importantes modifications de la Loi sur la concurrence chaque année pendant trois années consécutives. Parmi ces changements, on trouve une série de modifications connexes visant à accroître l’accès des parties privées au Tribunal de la concurrence. De nouveaux recours seront disponibles à partir de juin 2025 et inciteront les parties privées à en saisir le Tribunal, y compris dans le cadre de quasi-recours collectifs au nom de toutes les personnes touchées par le comportement anti-concurrentiel allégué du défendeur. Dès juin 2025, nous nous attendons à ce que les demandeurs introduisent de nouvelles affaires, peut-être quelques-unes dans un premier temps plutôt qu’une avalanche, pour tester les règles de procédure que le Tribunal appliquera.
La première vague – les modifications de 2022
La première vague de modifications apportées à la Loi sur la concurrence a été proposée dans le cadre du projet de loi C-19 en avril 2022 et a reçu la sanction royale le 23 juin 2022.
Le projet de loi C-19 a introduit le droit pour les parties privées de demander la permission de présenter une demande en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence (les dispositions relatives à l’abus de position dominante).
Le Tribunal a clarifié le critère d’octroi de permission dans l’affaire JAMP Pharma Corporation c Janssen Inc., 2024 Trib conc 8. Il a confirmé que la permission peut être accordée si seulement une partie de l’entreprise du demandeur est directement et sensiblement gênée par le comportement allégué. Toutefois, pour que la permission soit accordée, les demandeurs doivent toujours fournir des « éléments de preuve crédibles, convaincants et objectifs » allant au-delà d’une « simple possibilité ». En refusant finalement la permission de présenter une demande dans l’affaire JAMP, le Tribunal semble avoir maintenu un critère raisonnablement rigoureux d’octroi de permission qui peut freiner les parties privées.
La troisième vague – les modifications de 2024
Bien que les droits d’action privés n’aient pas été abordés dans la deuxième vague de modifications apportées à la Loi sur la concurrence qui a reçu la sanction royale le 15 décembre 2023, ils ont refait surface dans la dernière vague de modifications qui ont été proposées dans le cadre du projet de loi C-59 en novembre 2023 et qui ont reçu la sanction royale le 20 juin 2024. Bon nombre des modifications apportées à la Loi sur la concurrence par le projet de loi C-59 sont reportées d’un an, de sorte qu’elles entreront en vigueur le 20 juin 2025.
Comme en 2022, le Parlement a de nouveau élargi les catégories de comportement qui font désormais l’objet d’un examen par le Tribunal à la demande d’une partie civile. À compter du 20 juin 2025, les parties privées pourront demander la permission de présenter des demandes pour des violations alléguées de l’article 90.1, la disposition civile sur les accords ou les arrangements anti-concurrentiels de la Loi, et de l’article 74.01, les dispositions civiles sur la publicité trompeuse de la Loi.
Fait qui est peut-être le plus important : pour la première fois, les parties privées pourront également demander une réparation financière, car le Tribunal peut ordonner au défendeur de verser une somme « ne pouvant excéder la valeur du bénéfice tiré du comportement visé par l’ordonnance ». Cette somme peut être répartie entre le demandeur et « toute autre personne touchée par le comportement », ce qui a pour effet d’introduire un nouveau régime de quasi-recours collectifs dans le cadre duquel un seul demandeur peut obtenir une indemnité financière pour plusieurs autres personnes.
Bien qu’elle incite financièrement à porter des quasi-recours collectifs devant le Tribunal, la Loi ne se prononce pas sur les protections et les exigences procédurales habituelles auxquelles les recours collectifs sont normalement assujettis au Canada. Ces mesures comprennent la certification de l’action collective, un processus d’approbation de règlement supervisé par le tribunal, une quittance à l’échelle du groupe pour les défendeurs et l’approbation des frais juridiques des demandeurs. La façon dont le Tribunal traitera ces questions de procédure fait l’objet de nombreuses spéculations. D’aucuns pensent que le Tribunal adoptera une partie ou la totalité des règles de procédure que la Cour fédérale du Canada applique. Néanmoins, il reste à voir quelles règles et procédures le Tribunal appliquera.
Regard vers l’avenir
L’élargissement des droits d’accès des parties privées et les incitatifs financiers qui l’accompagnent promettent de transformer radicalement l’application des règles de concurrence au Canada. Cette situation crée également une nouvelle catégorie importante de cas potentiels pour les avocats en recours collectifs côté demandeurs qui peuvent utiliser le nouvel accès des parties privées au Tribunal pour attaquer différentes catégories de comportements anti-concurrentiels qui leur échappaient jusqu’ici en vertu du cadre actuel applicable aux recours collectifs. Nous nous attendons à ce que les demandeurs introduisent de premières causes types dès la fin de juin 2025, question d’explorer le nouveau régime d’accès des parties privées au Tribunal.
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