Le 29 janvier 2010, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision très attendue dans l’affaire Khadr c. Canada (Premier ministre), 2010 CSC 3. Bien que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale aient ordonné au gouvernement fédéral de demander le rapatriement d’Omar Khadr comme recours pour violation de ses droits garantis par l’article 7 de la Charte, la Cour suprême a refusé d’aller aussi loin. La Cour a plutôt conclu à l’unanimité que, même si les droits de M. Khadr avaient été violés, il insécait à l’exécutif fédéral, et non aux tribunaux, de décider de la meilleure façon d’offrir une réparation pour cette violation.
Historique
En juillet 2002, M. Khadr a été placé en détention par les forces armées américaines opérant en Afghanistan. Les États-Unis allèguent que M. Khadr a lancé une grenade sur les troupes américaines, qui a finalement tué un soldat américain lors de la détonation. M. Khadr a été détenu à la base aérienne de Bagram en Afghanistan. Comme M. Khadr est né au Canada et détenait la citoyenneté canadienne, les autorités canadiennes ont demandé un accès consulaire à Khadr. Les États-Unis ont refusé la demande, à la fois à la base aérienne de Bagram et au centre de détention de Guantánamo Bay où M. Khadr a finalement été transféré. Au moment où il a été placé sous la garde des États-Unis, M. Khadr avait 15 ans.
En 2003 et 2004, des représentants canadiens du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) ont interviewé M. Khadr à Guantánamo Bay. M. Khadr n’avait pas de représentation juridique et n’avait pas l’aide d’agents consulaires canadiens. Il n’avait pas été autorisé à contacter sa famille et conservait toujours son statut juridique de mineur. Les entrevues étaient surveillées et enregistrées par des représentants des États-Unis. Le SCRS et le MAECI avaient l’intention d’utiliser les entrevues pour obtenir des renseignements, et non dans le but de recueillir des éléments de preuve pour aider les États-Unis à poursuivre Khadr. Néanmoins, les entrevues ont été communiquées aux représentants des États-Unis et ni le SCRS ni le MAECI n’ont imposé de limites à l’utilisation de l’information.
La Cour suprême des États-Unis se prononce
En arrière-plan, la Cour suprême des États-Unis examinait la décision de l’administration Bush de détenir des combattants étrangers à Guantánamo Bay sans accès à l’habeas corpus et si les procédures de poursuite des détenus violaient les Conventions de Genève. Dans l’affaire Rasul v. Bush, 542 U.S. 466 (2004), la Cour suprême des États-Unis a statué que les détenus étrangers, y compris M. Khadr, pouvaient contester la légalité de leur détention devant les tribunaux américains. Dans l’affaire Hamden v. Rumsfeld, 126 S. Ct. 2749 (2006), la Cour suprême des États-Unis a jugé que la commission militaire créée pour poursuivre les détenus de Guantánamo Bay avait violé la loi des États-Unis et les Conventions de Genève.
Les contestations judiciaires canadiennes de Khadr
À la suite de ces décisions, la Cour suprême du Canada, dans une décision antérieure concernant M. Khadr, a conclu que « le régime prévoyant la détention et le procès de M. Khadr au moment des entrevues avec le SCRS constituait une violation claire des droits fondamentaux de la personne protégés par le droit international ». (Canada (P.G.) c. Khadr, 2008 CSC 28)
À la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2008, M. Khadr a eu accès aux dossiers des entrevues menées par le SCRS et le MAECI. En vertu de la Loi sur la preuve au Canada, le juge Mosley de la Cour fédérale a examiné les documents et a conclu que les fonctionnaires canadiens savaient que M. Khadr avait fait l’objet de techniques d’interrogatoire sévères et, en fin de compte, illégales pendant sa détention.
La présente demande et les appels
En août 2008, M. Khadr a présenté une demande à la Cour fédérale pour obtenir une ordonnance visant à ce que le gouvernement canadien demande son rapatriement. Le juge saisi de la requête a conclu que le droit de M. Khadr à la liberté et à la sécurité de la personne en vertu de la Charte avait été violé et a ordonné que le Canada demande aux États-Unis de renvoyer M. Khadr au Canada à titre de réparation.
Dans une décision partagée, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge saisi de la requête. Les juges Evans et Sharlow ont convenu que les droits de M. Khadr avaient été violés et qu’une ordonnance demandant son rapatriement était appropriée. Le juge Nadon a exprimé sa dissidence, concluant que le droit de M. Khadr d’être protégé par le Canada était suffisamment rempli et qu’une ordonnance demandant son retour ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale.
Le gouvernement canadien a interjeté appel de la décision de la Cour d’appel fédérale devant la Cour suprême du Canada. L’appel a été entendu de façon accélérée en novembre 2009 et la décision a été rendue le 29 janvier 2010.
La décision de la Cour suprême
La décision unanime de la Cour suprême du Canada tire trois conclusions. Premièrement, bien que la Charte ne s’applique pas aux Canadiens à l’étranger, il existe une exception si le gouvernement canadien ou d’autres acteurs étatiques participent aux activités de l’État étranger, de manière à violer les obligations internationales du Canada ou les normes fondamentales en matière de droits de la personne. Dans cette affaire, la Cour suprême avait déjà statué en 2008 que les fonctionnaires canadiens pouvaient être tenus responsables d’avoir violé les droits de M. Khadr garantis par la Charte en l’interrogeant en raison d’une détention illégale.
Deuxièmement, les entrevues du SCRS et du MAECI constituaient une violation des droits de M. Khadr en vertu de l’article 7. Les intervieweurs ont extrait des déclarations de M. Khadr qui pourraient s’avérer inculpatoires dans les procédures américaines contre lui et ont contribué à son maintien en détention par les États-Unis. À ce titre, le Canada est complice de la privation de liberté et de la sécurité de la personne par M. Khadr.
De plus, la détention de M. Khadr et la participation du Canada à cette détention ne sont pas conformes aux principes de justice fondamentale. Les détenus de Guantánamo Bay sont détenus sans le droit de contester leur détention par voie d’habeas corpus. M. Khadr avait 16 ans à l’époque et n’avait pas accès à sa famille ou à un avocat. Plus important encore, l’une des entrevues a été menée après que M. Khadr a été soumis à trois semaines de privation de sommeil prévue. En bref, les droits de M. Khadr ont été violés lorsque des fonctionnaires canadiens ont violé des attentes raisonnables quant au traitement des jeunes suspects détenus en l’interrogeant et en fournissant des informations de ces interrogatoires aux autorités américaines.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, la Cour suprême a statué que la réparation du juge de première instance selon laquelle le gouvernement fédéral doit demander le rapatriement de M. Khadr était incompatible avec le cadre de la démocratie constitutionnelle du Canada et ne constitue pas un recours judiciaire relevant des pouvoirs des tribunaux. Le gouvernement fédéral conserve la prérogative sur les affaires étrangères, ce qui comprend la présentation de représentations auprès de gouvernements étrangers. Étant donné que le tribunal ne peut évaluer l’incidence d’une demande de rapatriement de M. Khadr sur les relations étrangères du Canada et que la probabilité de l’efficacité d’un tel recours est inconnue, la réparation prudente consiste à déclarer que les droits de M. Khadr ont été violés et à permettre au gouvernement de décider comment remédier à cette violation.
Conclusions
L’affaire Khadr démontre que le Canada n’est pas à l’abri des défis auxquels sont confrontés les États-Unis et d’autres gouvernements dans la poursuite de la « guerre contre le terrorisme ». Toutefois, les motifs de la Cour démontrent une tentative d’énoncer ce qu’elle considère comme l’équilibre approprié entre les droits des Canadiens garantis par la Charte, la responsabilité du gouvernement et l’étendue de la compétence de la cour. Le Canada a l’obligation constitutionnelle de veiller à ce que ses fonctionnaires ne participent pas à des activités dans des pays étrangers qui violent les droits et les valeurs des Canadiens. En même temps, cette décision indique clairement qu’il incombera au gouvernement canadien de décider de la façon de corriger de telles violations lorsque le tribunal est mal équipé pour examiner les mesures diplomatiques et les ramifications qu’une réparation peut exiger.
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