Le 5 février 2013, le gouvernement du Canada a annoncé d’importantes modifications à la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE). On s’attend à ce que les amendements, qui sont présentés au Sénat, soient adoptés par le Parlement dans un délai relativement court avec l’appui de tous les partis.
Les modifications proposées comprennent les éléments clés suivants :
- compétence en matière de nationalité pour les infractions à la LCAPE, ce qui allègue aux poursuites le fardeau de prouver l’un « lien réel et substantiel » avec le Canada;
- Élimination de l’exception relative aux paiements de facilitation;
- Création d’une infraction relative aux livres et registres;
- l’augmentation de la peine maximale pour les particuliers de cinq ans à 14 ans;
- Le pouvoir exclusif de la GRC de porter des accusations en vertu de la LCAPE; clarifier
- la définition d'« entreprise » aux fins de l’infraction de corruption.
Juridiction de nationalité
L’application du droit pénal au Canada, y compris les dispositions de la LCAPE relatives à la corruption transnationale, est fondée sur la compétence territoriale. Pour qu’il soit déclaré coupable, un tribunal doit conclure que l’infraction avait un « lien réel et substantiel » avec le Canada, tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Libman [1985] 2 R.C.S. 178. Les modifications feront de la LCAPE l’une des rares infractions criminelles canadiennes à s’écarter du principe de territorialité et à établir la compétence strictement en fonction de la nationalité. La modification de la nationalité facilitera grandement les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions à la LCAPE en libérant la Couronne du fardeau de prouver l’établissement d’un « lien réel et substantiel » entre l’infraction et le Canada et éliminera également une source d’incertitude considérable quant à l’application potentielle de la Loi.
L’effet pratique de la modification de la nationalité sera que les entreprises et les particuliers canadiens qui sont impliqués dans la corruption d’agents publics étrangers seront assujettis à la loi canadienne, peu importe où les actes constituant l’infraction ont eu lieu, et même s’il n’y a aucun lien avec le Canada autre que leur nationalité. La modification pourrait également permettre à la GRC d’accuser les sociétés mères canadiennes d’infractions à la LCAPE commises par leurs filiales étrangères.
Paiements de facilitation
La LCAPE prévoit actuellement une exception pour les « paiements de facilitation », c’est-à-dire les petits paiements versés à un agent public étranger dans le but d’assurer l’exécution d’actes administratifs de « nature courante » qui font partie des fonctions du fonctionnaire. Les exemples donnés par la loi comprennent la délivrance de permis et de licences, le traitement de documents officiels comme les visas et les permis de travail, la prestation de services fournis par le gouvernement comme la livraison du courrier, les télécommunications, l’approvisionnement en électricité et en eau et d’autres activités similaires. Il est proposé que cette exception soit éliminée à une date ultérieure qui sera fixée par le Cabinet afin de donner aux entreprises le temps d’adapter leurs politiques aux nouvelles règles.
Bien qu’il s’agisse d’une modification importante à la législation actuelle, elle aura un impact limité pour de nombreuses entreprises qui ont mis en œuvre de solides politiques de conformité anticorruption. En règle générale, les meilleures pratiques exigent que les paiements de facilitation soient interdits indépendamment de toute exception disponible en vertu de la loi sur le pays d’origine, car ils sont néanmoins des pots-de-vin dans le pays d’origine où ils se produisent. En autorisant officiellement les paiements de facilitation dans leurs politiques de conformité, les entreprises admettent effectivement qu’elles tolèrent des actes illégaux, s’exposant ainsi à des sanctions accrues dans la juridiction hôte si des questions spécifiques étaient découvertes et poursuivies par les autorités de ce pays. L’élimination de l’exception de la LCAPE entraînera une uniformité dans la mise en œuvre des procédures de conformité.
Il convient de noter que la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) des États-Unis continuera d’avoir une exception de paiement de facilitation, appliquant ainsi des normes différentes pour de nombreuses entreprises canadiennes qui sont cotées sur les bourses américaines ou qui ont des activités aux États-Unis et donc assujetties à la FCPA. En pratique, les entreprises soumises aux lois des deux juridictions devront se conformer à la juridiction plus stricte dans les aspects pertinents.
Livres et registres Infraction
Les modifications feront de la dissimulation de la corruption d’agents publics étrangers dans leur tenue de registres une infraction distincte pour les entreprises. L’infraction relative aux « livres et registres » est l’un des outils d’application de la loi les plus puissants disponibles en vertu de la FCPA des États-Unis, car elle est appliquée en droit administratif par la Securities and Exchange Commission et exige une preuve selon une norme civile de preuve de la « prépondérance des probabilités ». Il reste à voir si une infraction relative aux livres et registres criminels exigeant une preuve hors de tout doute raisonnable mènera à une dissuasion plus efficace. Néanmoins, les entreprises seront bien servies en renforçant leurs procédures d’information financière et leurs contrôles internes.
Peines plus sévères pour les contrevenants individuels
La peine maximale pour les personnes reconnues coupables d’une infraction de corruption en vertu de la LCAPE passera de cinq à 14 ans d’emprisonnement. Il s’agit d’un signal clair aux tribunaux que le Parlement considère la corruption d’agents publics étrangers comme une question grave nécessitant des sanctions sévères. Il faut s’attendre à ce que les autorités canadiennes renforcent leur détermination à poursuivre les contrevenants individuels afin d’accroître les enjeux pour les administrateurs, les dirigeants et les employés de la société et de promouvoir ainsi des engagements plus fermes à l’égard de la conformité de la part des conseils d’administration et de la direction.
Pouvoir exclusif de la GRC de porter des accusations en vertu de la LCAPE
À l’heure actuelle, les accusations portées en vertu de la LCAPE peuvent être portées par n’importe quel service de police au Canada, y compris la GRC et les services de police provinciaux et municipaux. De même, les procureurs de la Couronne fédérale ou provinciale peuvent intenter des poursuites. Historiquement, les récentes poursuites ont été menées par la Couronne provinciale (Griffiths, Niko et Hydro Kleen) et fédérale (Karigar). Le chevauchement actuel des compétences complique grandement les stratégies de divulgation et de négociation des plaidoyers. En raison des récents développements administratifs, la GRC renvoie les poursuites dans la grande majorité de ses cas au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) fédéral. Le fait de conférer à la GRC la compétence exclusive de porter des accusations en matière de LCAPE facilitera un processus d’application de la loi plus simple et mènera également à l’établissement d’une expertise et d’une mémoire institutionnelle en matière de lutte contre la corruption à la GRC et au SPPC.
Clarification de la définition d’entreprise
La LCAPE commet une infraction quiconque offre, promet ou paie quoi que ce soit de valeur à un agent public étranger afin d’obtenir un avantage « dans le cours de ses activités ». Le mot « entreprise » est défini à l’article 2 de la Loi comme signifiant « toute entreprise, profession, métier, appel, fabrication ou entreprise de quelque nature que ce soit exploitée au Canada ou ailleurs à des fins lucratives » (non souligné dans l’original). Les modifications supprimeront les mots « à but lucratif », ce qui indiquera clairement que même les transactions commerciales qui ne génèrent pas de profit seront toujours prises par la LCAPE. Cette modification est le résultat direct des critiques formulées à l’égard de la LCAPE par le Groupe de travail sur la lutte contre la corruption de la DC dans son rapport de 2012 sur la conformité du Canada à la Convention canadienne de 1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers. La préoccupation n’était peut-être pas fondée, puisque la loi aurait probablement été interprétée par les tribunaux comme s’appliquant à toutes les activités commerciales qui sont « à but lucratif » à long terme, même si une transaction particulière n’est pas rentable ou poursuivie en tant que leader de perte ou à des fins promotionnelles.
Une conséquence possible de la modification, peut-être involontaire, est que les activités des entités sans but lucratif comme les organismes de bienfaisance et les organismes de développement peuvent maintenant être prises en compte par la LCAPE. Il s’agit là d’une préoccupation particulière en ce qui concerne la sollicitation de paiements de facilitation par les forces de sécurité et les responsables gouvernementaux dans les zones de guerre et d’autres contextes de secours en cas de crise. Avec l’élimination à terme de l’exception des « paiements de facilitation » et la suppression du terme « à but lucratif » dans la définition d’entreprise, les organismes de secours pourraient par conséquent être tenus de détourner des ressources limitées vers le respect de la réglementation plutôt que vers leur mission principale et pourraient également être empêchés de mener des secours humanitaires d’urgence. Le gouvernement du Canada voudra peut-être envisager d’autres précisions avant que cet amendement ne soit adopté par le Parlement.
Conclusion
Les modifications proposées à la LCAPE sont l’un des développements les plus importants en matière d’application de la loi anticorruption au Canada depuis l’adoption de la Loi en 1998. La création de l’Unité internationale de lutte contre la corruption de la GRC en 2007 et l’augmentation rapide du nombre d’enquêtes et de poursuites au cours des trois dernières années (plus de 35 affaires selon le document d’information du gouvernement sur les modifications) renforcent la nécessité pour les entreprises canadiennes qui exercent des activités à l’échelle internationale de consacrer des efforts et des ressources à la conformité à la LCAPE. Les amendes imposées dans les affaires Niko (9,5 millions de dollars) et Griffiths (10,35 millions de dollars) soulignent le risque de non-conformité de l’entreprise. L’augmentation des pénalités individuelles introduites par les modifications augmentera encore les enjeux pour les administrateurs, les dirigeants et les employés.
Traduction alimentée par l’IA.
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