Le chevauchement des procédures criminelles et civiles a une nouvelle frontière
Il est de plus en plus courant que les avocats se retrouvent face à une action civile dans laquelle une partie peut faire face à des sanctions criminelles ou réglementaires découlant des mêmes événements qui sous-tendent l’action civile. Par exemple, un défendeur peut être accusé dans le cadre de procédures criminelles ou réglementaires pour délit d’initié ou pourboire et peut également défendre une action civile pour, entre autres, manquement à une obligation fiduciaire. De même, une entreprise peut intenter une action civile contre un ancien employé pour récupérer des fonds volés pendant que cette personne fait face à des accusations de fraude criminelle. Ces questions peuvent également se poser dans les litiges en matière de blessures corporelles, d’antitrust et d’environnement. La récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c. Nedelcu soulève des questions complexes et difficiles pour les avocats sur l’utilisation de la preuve civile dans les instances criminelles subséquentes.
Historique
Marius Nedelcu a été impliqué dans une collision de moto. Son passager, un collègue de travail, a été grièvement blessé. Nedelcu a été accusé au criminel de conduite dangereuse et de conduite avec facultés affaiblies. Le passager a poursuivi Nedelcu dans le cadre d’une procédure civile connexe. Lors de l’interrogatoire préalable de Nedelcu en matière civile, il a témoigné sous serment qu’il n’avait aucun souvenir de l’accident ou de quoi que ce soit qui s’était passé ce jour-là, ni avant ni après l’accident. Lors du procès pénal, Nedelcu a radicalement changé son témoignage et a affirmé avoir « un souvenir de 90, 95 pour cent ». Il a ensuite donné un compte rendu détaillé des événements qui ont précédé et pendant la collision. Le juge du procès a accordé au ministère public la permission de contre-interroger Nedelcu en utilisant la transcription de sa preuve d’enquête préalable au civil pour vérifier sa crédibilité. En raison de ses déclarations antérieures, le témoignage de Nedulcu au procès criminel a été jugé peu fiable. Le juge du procès a conclu que le ministère public s’était acquitté de son fardeau et Nedelcu a été déclaré coupable. La Cour d’appel a accueilli l’appel de Nedelcu et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Dans une décision de 6 contre 3, la Cour suprême a accueilli l’appel de la Couronne et a rétabli la déclaration de culpabilité.
Analyse de la Cour
La Charte canadienne des droits et libertés protège les témoins contre l’auto-incrimination. L’article 13 de la Charte stipule ce qui suit : « Un témoin qui témoigne dans une procédure a le droit de ne pas faire en sorte qu’un témoignage incriminant ainsi donné soit utilisé pour incriminer ce témoin dans toute autre procédure, sauf dans une poursuite pour parjure ou pour présentation de preuves contradictoires. » La Cour suprême a décrit cette protection comme une contrepartie : un témoin est contraint de témoigner, même si cette preuve peut l’incriminer, à la condition que la preuve ne soit pas utilisée pour établir sa culpabilité. Il est d’une importance cruciale pour les avocats américains de reconnaître au nom de leurs clients que ce marché est différent de celui des États-Unis, où les témoins peuvent s’appuyer sur le cinquième amendement de la Déclaration des droits des États-Unis et refuser de témoigner.
L’article 13 de la Charte complète les protections offertes par la Loi sur la preuve au Canada, les diverses lois provinciales sur la preuve et la règle de l’engagement présumé. La règle de l’engagement présumé interdit l’utilisation d’éléments de preuve obtenus lors de l’interrogatoire préalable à des fins autres que celles de l’instance au cours de laquelle les éléments de preuve ont été obtenus. Toutefois, la règle de l’engagement présumé ne s’applique pas aux éléments de preuve qui ont été déposés ou mentionnés au cours d’une audience. En revanche, l’article 13 protège l’accusé contre toute preuve forcée, qu’elle ait été déposée ou présentée en audience publique.
Bien que le tribunal dans l’affaire Nedelcu ait convenu que la preuve de l’enquête préalable au civil est contrainte (même si le défendeur défend volontairement l’action et ne peut pas faire l’objet d’une citation à comparaître ou d’une citation à comparaître), la cour était divisée sur la question de savoir si sa décision antérieure dans l’affaire R c. Henry interdisait l’utilisation de tous les éléments de preuve préalables à contrainte lors de la procédure criminelle subséquente, ou seulement de la preuve incriminante. Dans l’arrêt Henry, la Cour a statué à l’unanimité qu’il est interdit au ministère public d’utiliser la preuve forcée antérieure d’un témoin contre lui dans une autre instance. L’accusé a été de nouveau jugé pour meurtre et a raconté une histoire différente de celle qu’il avait eue au procès précédent. Cette preuve ne pouvait pas être utilisée contre lui.
La majorité de la cour, s’appuyant sur le libellé étroit de l’article 13 de la Charte, a conclu qu’il est interdit d’utiliser uniquement une preuve incriminante pour prouver la culpabilité (c.-à-d. une preuve pour prouver ou aider à prouver un ou plusieurs des éléments essentiels de l’infraction). L’utilisation d’éléments de preuve non incriminants à des fins de destitution n’engage pas l’article 13 parce que le rejet du témoignage d’un accusé ne crée pas de preuve déterminante pour le ministère public. Étant donné que la preuve antérieure n’est pas une preuve incriminante (c.-à-d. qu’il n’y a pas eu de contrepartie), il ne peut y avoir violation de la Charte. Par conséquent, la preuve d’enquête préalable de Nedelcu n’était pas protégée et l’utilisation de celle-ci par le ministère public était permise (c.-à-d. qu’il ne peut y avoir de statu quo).
Les juges dissidents auraient interdit l’utilisation de toute preuve, y compris des « déclarations innocentes » qui portent sur la crédibilité du témoin. Leur opinion était fondée sur l’idée générale que même des déclarations innocentes qui révèlent des incohérences dans le témoignage d’un accusé aideront la preuve du ministère public et, par conséquent, peuvent aider à prouver la culpabilité.
Examen récent par la Cour d’appel de l’Ontario
La Cour d’appel de l’Ontario a déjà eu l’occasion d’examiner les principes de l’immunité d’utilisation et la décision de la Cour suprême dans l’affaire Nedelcu dans le contexte des témoignages internationaux forcés. Dans l’affaire Treat America Limited c. Leonidas, les demandeurs dans une action américaine de .class ont cherché à examiner Robert Leonidas, l’ancien président et chef de la direction de Nestlé Canada Inc., afin d’obtenir des renseignements pertinents à la procédure américaine. M. Leonidas est également la cible d’une enquête criminelle en cours menée au Canada par le commissaire de la concurrence relativement à des allégations de fixation des prix dans l’industrie de la confiserie. Afin d’obtenir sa preuve, un représentant des demandeurs de l’action américaine .class a demandé une ordonnance des tribunaux de l’Ontario pour contraindre M. Leonidas à témoigner. La Cour supérieure de l’Ontario a donné effet à la Lettre de demande d’entraide judiciaire internationale émise par la Cour de district des États-Unis sous réserve de deux conditions conçues pour protéger l’utilisation du témoignage de M. Leonidas : (i) la Cour a accepté un engagement de l’avocat du commissaire de fournir un avis si le commissaire demandait l’accès à la transcription ou si une partie cherchait à rendre la preuve publique avant le procès; et (ii) le tribunal a exigé que le tribunal des États-Unis permette qu’un avis soit donné si une partie cherchait à modifier les ordonnances de protection déjà en vigueur dans les procédures américaines.
En appel, l’une des questions examinées était de savoir si l’exécution de la lettre de demande violerait les droits de M. Leonidas garantis par la Charte. La Cour d’appel a brièvement mentionné l’arrêt Nedelcu et a réitéré le principe selon lequel la protection de l’immunité d’utilisation en vertu de l’article 13 se limite aux éléments de preuve précédemment contraints et incriminants. On a également demandé à la Cour d’appel d’examiner si le témoignage forcé de M. Leonidas aux États-Unis pourrait avoir une incidence sur son droit de ne pas avoir à divulguer sa position à l’autorité chargée de l’enquête au motif que si le commissaire pouvait accéder à la transcription, il y aurait un avantage stratégique. Toutefois, étant donné que le commissaire a accepté de ne pas demander l’accès à un témoignage forcé avant que des accusations ne soient portées à des fins d’enquête, la Cour n’a pas décidé de cette question. Par conséquent, la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance du tribunal inférieur obligeant M. Leonidas à témoigner dans la procédure américaine sous réserve de trois restrictions supplémentaires.
Les conséquences pratiques
Bien que l’arrêt Nedelcu soit survenu dans le contexte criminel, l’incidence pratique peut être plus large que ce que le tribunal avait prévu en ce qui a trait à la façon dont elle peut influer sur la conduite des procédures civiles. En particulier, lorsque les affaires civiles se déroulent en même temps que les procédures criminelles ou réglementaires, il y a un besoin évident de coordination et de consultation entre l’avocat pénal et l’avocat civil du défendeur. Par exemple, l’avocat pénaliste peut chercher à observer des interrogatoires préalables au civil pour aider l’avocat civil à traiter les éléments de preuve potentiellement incriminants du client.
Les tribunaux ont généralement refusé de permettre que le calendrier des actions civiles soit entravé par des procédures criminelles connexes. À ce titre, l’avocat peut tenter de faire régler la procédure criminelle avant l’interrogatoire préalable dans le cadre de l’instance civile. Il peut être nécessaire de réexaminer judiciairement le principe selon lequel la divulgation éventuelle, par le biais des procédures civiles, de la nature de la défense de l’accusé ou de la preuve auto-incriminante ne satisfera pas nécessairement au critère des circonstances extraordinaires ou exceptionnelles pour obtenir une suspension de l’instance civile (Nash c. Ontario). Il reste à déterminer jusqu’où l’avocat civil peut aller correctement pour tenter d’influer stratégiquement sur le calendrier des procédures civiles ou la réponse aux questions sur l’interrogatoire préalable directement pertinentes aux procédures criminelles.
L’avocat pourrait tenter de demander une ordonnance pour que la preuve d’enquête préalable soit protégée par une ordonnance de mise sous scellés (habituellement, la preuve d’enquête préalable n’est pas déposée avant le procès, mais l’avocat de la partie adverse peut le faire si la preuve de découverte est pertinente à une requête interlocutoire). Il peut être difficile d’obtenir une telle ordonnance étant donné que les ordonnances de mise sous scellés exigent habituellement que la partie requérante prouve à la fois la nécessité et la proportionnalité, et le tribunal fixe habituellement une barre haute pour empêcher l’accès du public aux procédures judiciaires.
Nedelcu donne lieu à toute une série de nouveaux problèmes. Une vigilance renouvelée de la part de l’avocat pour protéger les intérêts d’un client et éviter à la fois l’injustice et les conséquences imprévues est nécessaire. La mise en garde bien connue selon laquelle « ce que vous dites au Canada (volontaire ou forcé) peut et sera utilisé contre vous devant un tribunal » a tout d’un coup un nouveau sens dans un territoire encore inexploré d’une nouvelle frontière.
Traduction alimentée par l’IA.
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