Écrit par Darrel H. Pearson and Jessica B. Horwitz
L’élection du président américain Donald Trump a marqué le début d’une nouvelle ère protectionniste du commerce international. Depuis l’investiture de Trump, les États-Unis se sont retirés de l’accord de Partenariat transpacifique, ont entamé des discussions concernant la renégociation de l’ALENA, ont publié des décrets pour augmenter la perception des droits de douane et l’application des mesures correctives commerciales, et ont commencé à examiner des stratégies pour ignorer les décisions défavorables de l’OMC. Loin d’être une valeur aberrante, cette position « Mon pays d’abord » se reflète de plus en plus sur les marchés du monde entier.
On s’attend à ce que les fabricants et les exportateurs canadiens s’inspirent, respectivement, pour protéger leurs propres intérêts et se préparer à un recours accru aux mesures protectionnistes par les principaux partenaires commerciaux. Les entreprises canadiennes qui dépendent des importations devraient s’attendre à subir une augmentation des mesures protectionnistes du gouvernement canadien fondées sur des allégations de détournement d’importations autrement destinées à d’autres marchés protégés comme les États-Unis, ainsi que sur un isolationnisme croissant. Il est important d’être conscient des risques d’une augmentation des mesures commerciales et d’élaborer des stratégies pour atténuer les risques.
Que sont les recours commerciaux?
Les mesures correctives commerciales prennent la forme de droits antidumping, de droits compensateurs ou de mesures de sauvegarde, et constituent des exceptions aux règles générales limitant les obstacles au commerce tarifaires et non tarifaires établis en vertu des divers accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s’agit de mécanismes par lesquels les pays peuvent protéger les branches de production nationales contre les dommages causés, ou menacés d’être causés, par des importations faisant l’objet d’un commerce déloyal. Les mesures correctives commerciales sont donc de nature intrinsèquement anticoncurrentielle et sont de plus en plus utilisées tant par les pays développés que par les pays en développement. Bien que le principe qui sous-tend les recours commerciaux soit d’uniformiser les règles du jeu, les procédures de recours commerciaux sont légalement conçues pour favoriser les intérêts nationaux. Les mesures correctives commerciales peuvent aussi être utilisées de manière stratégique par les pays comme une forme de « représailles » en réponse aux actions protectionnistes des partenaires commerciaux.
Les droits antidumping protègent contre le « dumping », c’est-à-dire la vente à l’exportation de marchandises sur le marché canadien à des prix inférieurs à la valeur normale de ces marchandises sur leur marché intérieur (mesurés soit comme des prix de vente à des acheteurs nationaux non liés, soit des prix construits fondés sur le coût de production entièrement absorbé plus un montant pour les bénéfices). Les droits compensateurs éliminent l’incidence de certains types de subventions aux administrations étrangères qui font que les prix des exportations sont artificiellement bas. Enfin, les sauvegardes, qu’il s’agisse de droits, de contingents, de prescriptions en matière de permis, d’une surtaxe ou d’une combinaison de ces mesures, sont des mesures à court terme qui protègent contre l’impact d’une augmentation irrégulière des volumes d’importation.
En vertu de l’Accord antidumping de l’OMC (Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994), de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires et de l’Accord sur les sauvegardes, des mesures correctives commerciales ne peuvent être imposées par un État membre que s’il mène une enquête pour déterminer que: i) il y a eu dumping, subventionnement ou poussée des importations et ii) que la pratique commerciale déloyale a causé un dommage à une branche de production nationale. Au Canada, les procédures antidumping et compensatoires sont des procédures à deux volets menées par l’Agence des services frontaliers du Canada (déterminations de dumping/subventionnement) et le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) (déterminations de dommage/lien de causalité). Les enquêtes sur les mesures de sauvegarde sont menées par le TCCE avec la participation du ministre des Finances ou d’Affaires mondiales Canada. Ces concepts et procédures sont ésotériques et spécialisés et justifient le recours à un conseiller juridique expert.
« Mon pays d’abord »
La rhétorique anti-commerciale de l’administration Trump, ainsi que d’autres développements nationalistes récents tels que le « Brexit », n’est pas sans précédent. Historiquement, le protectionnisme a tendance à augmenter en période de ralentissement financier et, par conséquent, le recours à des mesures correctives commerciales a tendance à être cyclique. Ce fut le cas dans les années 1930 avec la Smoot-Hawley Tariff Act des États-Unis, et la vague d’interventions gouvernementales dans le commerce sous la forme de subventions et de « restrictions volontaires à l’exportation » pendant les chocs pétroliers et or des années 1970 et 80. Le ralentissement des économies du début des années 1980 et des années 1990 a connu une hausse particulière des affaires de recours commerciaux. La crise financière de 2008 a amené de nombreux États à se tourner à nouveau vers l’intérieur; sur la base des statistiques de 2016 de l’OMC, en 2016, les économies du G20 ont introduit de nouvelles mesures commerciales protectionnistes au rythme le plus rapide observé en près d’une décennie, en déployant l’équivalent de cinq par semaine. L’augmentation du nombre de cas coïncidant avec l’amélioration des économies que connaît aujourd’hui a plus à voir avec le protectionnisme et « mon pays d’abord » qu’avec les économies affaiblies.
Le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, et le secrétaire du département du Commerce, Wilbur Ross, ont tous deux adopté une position intransigeante sur le commerce et se sont engagés à prendre un plus grand nombre de mesures d’application de la loi commerciale, y compris l’auto-initiation par le gouvernement des États-Unis de mesures correctives commerciales. (Les cas sont normalement portés à l’attention des gouvernements par les industries nationales, mais cela est coûteux par rapport aux cas où le gouvernement entreprend les études sur les prix et la concurrence nécessaires pour étayer les plaintes de pratiques commerciales déloyales.) Un financement a été prévu dans le budget de l’administration Trump pour embaucher du personnel supplémentaire à cette fin et pour accroître l’application de la loi sur les cas existants et futurs. Le président a également publié des décrets visant à accroître la perception et l’application des droits sur les mesures correctives commerciales des États-Unis, à examiner l’incidence des déficits commerciaux sur l’économie américaine et à évaluer si les importations de produits en acier et en aluminium constituent une menace pour la sécurité nationale des États-Unis, entre autres. Les États-Unis se sont également retirés du traité de Partenariat transpacifique et ont rouvert les renégociations de l’ALENA. Tous les signes indiquent une augmentation probable des actions unilatérales des États-Unis qui pourraient nuire aux intérêts du Canada et qui pourraient à leur tour inspirer un effet domino des actions protectionnistes réflexives du Canada et d’autres pays pour compenser.
Comment les recours commerciaux peuvent-ils affecter mon entreprise?
Historiquement, les mesures correctives commerciales ne touchent qu’environ 1 à 2 % des importations canadiennes à un moment donné. Mais les mesures correctives commerciales ont un effet disproportionnellement important et perturbateur sur les industries concernées. En outre, ces dernières années, la complexité et l’incidence financière des affaires de recours commerciaux se sont accrues. La plupart des accords de libre-échange n’éliminent pas les recours commerciaux (l’Accord de libre-échange Canada-Chili étant une valeur aberrante) et, en fait, peuvent accroître leur utilisation. En l’absence de droits de douane, les mesures correctives commerciales constituent une dernière ligne de défense pour protéger les industries nationales contre la concurrence étrangère.
Pour les importateurs, les recours commerciaux ont un impact significatif sur les coûts et l’approvisionnement en intrants et en marchandises, et peuvent perturber violemment les chaînes d’approvisionnement. Du côté de l’exportation, si des mesures correctives commerciales sont imposées par le gouvernement d’un pays étranger dans lequel les exportateurs canadiens vendent, ces exportateurs peuvent se retrouver soudainement coupés des clients sur ce marché s’ils se voient attribuer, comme c’est le plus souvent le cas, des droits élevés. Enfin, pour les producteurs et les fabricants nationaux, les mesures correctives commerciales peuvent procurer un sursis bien nécessaire à la concurrence étrangère qui est véritablement injuste et peuvent encourager la croissance et le développement des industries nationales.
Stratégies de gestion des risques
Les importateurs et les exportateurs, en particulier ceux des secteurs à risque élevé comme les produits industriels et de construction, devraient élaborer des plans d’urgence pour atténuer l’incidence potentielle des mesures correctives commerciales défavorables. Cela devrait inclure la diversification des sources d’approvisionnement et/ou des marchés d’exportation.
Les entreprises doivent également faire preuve de prudence pour s’assurer que leurs pratiques commerciales ne causent pas de dommage qui pourrait déclencher une mesure corrective commerciale. Les exportateurs canadiens et étrangers devraient examiner leurs comportements en matière de prix pour s’assurer qu’ils ne vendent pas à un prix inférieur au prix coûtant ou à des prix inférieurs à ceux offerts sur le marché intérieur. Les importateurs et les exportateurs devraient aussi surveiller attentivement les conditions du marché dans leurs branches de production et être conscients de leurs parts de marché et de leurs volumes d’importation respectifs et de l’incidence que ces importations pourraient avoir sur les producteurs de la branche de production nationale. L’effet cumulatif de toutes les importations devrait être pris en considération. Bien que le risque d’être pris au dépourvu par une plainte relative à un recours commercial soit plus grand pour les leaders du marché, le principe du cumul signifie que même les plus petits acteurs pourraient être entraînés dans une procédure même si leurs propres ventes/importations n’ont pas à elles seules causé un dommage.
Enfin, les entreprises devraient examiner les modalités de leurs contrats avec des fournisseurs internationaux et, dans la mesure du possible, négocier des modalités qui aident à protéger l’entreprise de l’incidence des recours commerciaux. De telles conditions sont possibles à la fois pour les importateurs / revendeurs ainsi que pour les utilisateurs finaux. S’il y a un importateur intermédiaire dans la transaction, les contrats devraient être examinés pour tenir compte de la question de l'« importateur en réalité » – les droits exigrables incombent à l’importateur « en réalité », et l’importateur ne peut en réalité pas être remboursé par sa chaîne d’approvisionnement en amont.
À titre de note supplémentaire, le revers de la médaille d’un climat de sentiment protectionniste accru est que les autorités chargées de l’application de la loi seront probablement à l’écoute des plaintes des producteurs nationaux. Les entreprises qui produisent des biens au Canada et qui sont assujetties à la concurrence étrangère devraient évaluer s’il existe des protections offertes en vertu du système de recours commerciaux du Canada qui pourraient être utilisées à leur avantage.
Traduction alimentée par l’IA.
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