Écrit par Alison FitzGerald et Adam Walji
Dans l’affaire Aroma Franchise Company, Inc. c. Aroma Espresso Bar Canada Inc., 2024 ONCA 839, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que les divulgations d’arbitres et la disqualification de l’arbitre en vertu de l’article 12(1) de la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (Loi type) doivent être déterminées selon une norme objective. La Loi type est incorporée dans la Loi de 2017 sur l’arbitrage commercial international de l’Ontario, SO 2017, c 2, Sch 5, ainsi que dans les lois sur l’arbitrage commercial international de toutes les autres provinces et territoires du Canada. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que la norme objective pour déterminer la divulgation par les arbitres et la disqualification des arbitres soit appliquée de façon uniforme dans les arbitrages commerciaux internationaux partout au Canada, sauf lorsque, comme l’a reconnu la Cour d’appel, les parties à une convention ou à une procédure d’arbitrage conviennent de l’application d’une norme différente.
Principaux points à retenir
- Le critère de la divulgation d’un conflit potentiel en vertu de l’article 12-1 de la Loi type est objectif. La divulgation de « circonstances susceptibles de donner lieu à des doutes légitimes » quant à l’impartialité ou à l’indépendance d’un arbitre implique une évaluation objective. Bien que les parties puissent choisir d’adopter un régime de divulgation différent, tel que celui des Lignes directrices de l’IBA (telles que définies ci-dessous), en l’absence d’une telle adoption, les Lignes directrices de l’IBA ne sont pas une norme juridique et ne donnent pas lieu à des obligations légales ou ne l’emportent pas sur la législation nationale.
- Le critère de la disqualification d’un arbitre en vertu de l’article 12-2 de la Loi type est objectif. Un arbitre ne peut être disqualifié que lorsque les circonstances donnent effectivement lieu à des doutes légitimes quant à son impartialité ou à son indépendance. Par conséquent, la même forte présomption d’impartialité qui s’applique aux juges au Canada s’applique également aux arbitres.
- La norme objective n’admet pas la prise en compte des points de vue subjectifs des parties. « Les parties ont droit à la confiance dans l’indépendance d’esprit de l’arbitre lorsque le contexte est vu à travers les yeux d’un observateur informé, et non à travers leurs propres yeux ... Une crainte raisonnable de partialité est jugée à travers le prisme d’un observateur informé et raisonnable.
- Les « doutes légitimes » au sujet de l’impartialité et de l’indépendance sont équivalents à une « crainte raisonnable de partialité ». Le libellé de l’article 12-1 de la Loi type concernant les doutes légitimes quant à l’impartialité ou à l’indépendance d’un arbitre peut être assimilé à la notion de crainte raisonnable de partialité en common law canadienne.
Les faits
En 2007, l’intimée, Aroma USA, Inc., à titre de franchiseur, et l’appelante, Aroma Canada, à titre de franchisé principal, ont conclu un contrat-cadre de franchise (MAE). En mai 2019, l’intimée a mis fin à l’AMF et a entériné une relation directe avec les franchisés d’unités à travers le Canada, cédant ses droits à l’égard de ces franchisés à sa filiale. Peu de temps après et conformément à la disposition sur le règlement des différends de l’AMF, les appelants ont entamé une procédure d’arbitrage pour résiliation injustifiée de l’AMF (arbitrage de l’AMF). En janvier 2022, le seul arbitre nommé pour trancher le différend (l’arbitre) a rendu une décision finale en grande partie en faveur des appelants.
Après le début de l’arbitrage MFA, mais avant la publication de la sentence finale, l’un des avocats des appelants a engagé l’arbitre dans un autre arbitrage impliquant différentes parties et différentes questions (autre arbitrage). L’arbitre n’a pas divulgué ce deuxième engagement aux intimés dans l’arbitrage de l’AMF, qui l’ont appris à la suite de la publication de la décision finale. Les défendeurs ont présenté une demande d’annulation de la décision finale au motif que le fait que l’arbitre n’ait pas divulgué son engagement dans l’autre arbitrage a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.
Le juge saisi de la requête a accueilli la demande des intimés, accordant beaucoup d’importance à la correspondance échangée entre les avocats des parties au sujet de la sélection de l’arbitre qui n’a jamais été partagée avec l’arbitre. Le juge de première instance s’est également appuyé sur les Lignes directrices de l’Association internationale du barreau sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international (Lignes directrices de l’IBA), qui imposent une norme subjective pour la divulgation de l’arbitre en exigeant qu’un arbitre divulgue des faits ou des circonstances qui peuvent donner lieu à des doutes sur son indépendance ou son impartialité aux yeux des parties.
Analyse de la Cour d’appel
Les questions centrales en appel étaient de savoir si le juge de première instance avait commis une erreur (1) en concluant que l’arbitre était tenu de divulguer son engagement pour l’autre arbitrage aux parties à l’arbitrage de l’AMF et (2) en concluant qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité à l’égard de l’arbitre. La Cour a conclu que le juge saisi de la requête avait commis une erreur à ces deux égards et a accueilli l’appel.
La Cour a commencé son analyse en notant que le critère applicable à la divulgation dépend du régime juridique régissant l’arbitrage – en l’espèce, la Loi type régissait l’arbitrage de l’AMF. La Cour a estimé que, contrairement aux Lignes directrices de l’IBA, en vertu de la Loi type, le critère permettant de déterminer si un arbitre doit faire une divulgation est un critère objectif qui exige d’un arbitre qu’il examine, du point de vue d’un observateur impartial et informé, si des circonstances donnent vraisemblablement lieu à des doutes justifiables quant à l’impartialité ou à l’indépendance de l’arbitre. La Cour a souligné que les lignes directrices de l’IBA ne sont pas une norme juridique et ne donnent donc pas lieu à des obligations légales ou ne l’emportent pas sur la législation nationale à moins qu’elles ne soient spécifiquement adoptées par les parties pour s’appliquer à leur arbitrage. Ce n’était pas le cas dans l’arbitrage MFA. La Cour a estimé que le juge de première instance avait donc commis une erreur en appliquant le critère subjectif des Lignes directrices de l’IBA plutôt que le critère objectif requis par la Loi type, ainsi qu’en examinant la correspondance échangée entre les conseils des parties qui n’avait jamais été partagée avec l’arbitre. Appliquant le critère objectif de la Loi type, l’arbitre n’avait pas l’obligation juridique de révéler qu’il était engagé dans l’autre arbitrage.
La Cour a en outre déterminé que la norme de la disqualification d’un arbitre pour des motifs de doutes légitimes quant à l’impartialité ou à l’indépendance de l’arbitre en vertu de la Loi type était également objective. La Cour a estimé que cela s’harmonise avec la norme de divulgation qui s’applique en common law aux arbitres lorsqu’il existe des circonstances qui pourraient amener une personne raisonnable et impartiale, ayant connaissance des faits et des circonstances pertinents, à avoir une crainte raisonnable de partialité. Il s’ensuivait, de l’avis de la Cour, que les arbitres bénéficient de la même forte présomption d’impartialité que les juges au Canada et que, bien que le contexte soit pertinent pour évaluer la crainte raisonnable de partialité (ou de doutes justifiables), les opinions subjectives des parties ne le sont pas.
La Cour a également précisé que, dans l’application du critère objectif de la Loi type, l’étendue des circonstances susceptibles de donner lieu à des doutes légitimes quant à l’impartialité ou à l’indépendance de manière à exiger une divulgation était plus large que la portée des circonstances qui donnent effectivement lieu à de tels doutes. Par conséquent, la conclusion selon laquelle un arbitre a manqué à l’obligation légale de divulguer est pertinente, mais n’est pas un facteur déterminant pour décider s’il existe une crainte raisonnable de partialité. La Cour a finalement conclu qu’une personne impartiale et bien informée examinerait les faits et les circonstances objectivement connus et se concentrerait sur ce qu’on a dit à l’arbitre. Comme la correspondance entre les avocats des parties concernant la sélection de l’arbitre n’a jamais été communiquée à l’arbitre, ces renseignements entaient dans la catégorie des opinions subjectives des parties et étaient inappropriés à prendre en considération.
Prochaines étapes
La Cour a annulé le jugement du juge de première instance et rétabli la sentence finale. La Cour a également renvoyé une question distincte qui avait été tranchée par le juge de première instance, mais sans aucune réparation précisée, à la Cour supérieure pour qu’elle tranche la réparation, le cas échéant, et a ordonné que toute autre question qui avait été soumise au juge de première instance et qui n’avait pas été résolue soit définitivement tranchée.
Ce qui précède souligne l’importance d’obtenir des conseils d’experts à la fois lors de la rédaction de clauses de règlement des différends pour les accords commerciaux et lorsqu’ils sont impliqués dans une procédure d’arbitrage. Pour discuter de vos besoins spécifiques et pour recevoir des conseils sur mesure, veuillez contacter les auteurs ou un membre du groupe d’arbitrage international Bennett Jones.
Alison FitzGerald, un associé de notre international Arbitration group, a représenté les appelants dans le présent appel.
Traduction alimentée par l’IA.
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