Le privilège relatif au litige protège contre la divulgation de la base de données de documentsUne base de données sur la gestion des documents relatifs aux litiges n’a pas à être divulguée à l’autre partie dans une poursuite, même lorsque cela entraîne des conséquences importantes en matière de dépenses et de temps pour une contrepartie, a récemment statué la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Tk’emlups te Secwepemc First Nation, 2020 CAF 179 [Tk’emlups]. La base de données est protégée par le privilège relatif au litige. Les documents qui sont privilégiés n’ont pas à être divulgués à l’autre partie dans le cadre d’une poursuite ou d’une réponse à l’accès à l’information. Plusieurs types de privilèges différents peuvent s’appliquer pour protéger les documents, dont les plus courants sont le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat (privilège relatif aux conseils juridiques). Le privilège relatif au litige couvre les documents créés dans le but principal d’un litige existant ou envisagé, tandis que le secret professionnel de l’avocat s’applique aux communications entre avocats et clients faites dans le cadre de l’obtention de conseils juridiques. Nous avons déjà blogué sur divers aspects du privilège auparavant (voir nos blogs précédents écrits dans Tk’emlups portait sur un recours collectif sous-jacent intenté par d’anciens élèves des pensionnats indiens contre le gouvernement canadien pour l’exploitation de quelque 140 pensionnats entre 1920 et 1997. L’action comprenait la production de plus de 50 000 documents en cours d’enquête préalable, la Couronne examinant 80 000 documents supplémentaires pour s’enquérreur du privilège et de la pertinence. Bon nombre des documents n’étaient pas consultables au moyen d’un logiciel utilisant la reconnaissance optique de caractères en raison de leur mauvaise qualité. Les documents avaient été examinés par la Couronne et entrés dans un système de base de données, qui prévoyait la recherche par certains codes de champ, tels que le type de document, l’auteur, le destinataire et la date. Les demandeurs ont demandé l’accès à ces codes de terrain et à d’autres renseignements de la base de données afin de mieux rechercher et catégoriser les documents. La Couronne a rejeté la demande du demandeur, et les demandeurs ont demandé une ordonnance de la Cour fédérale obligeant la divulgation. Initialement, la Cour fédérale a ordonné la production de la base de données, rejetant l’argument selon lequel la divulgation des noms de champs ou des règles à appliquer pour coder les champs relèverait du privilège relatif au litige de la Couronne. En appel, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du tribunal inférieur. Elle a fait remarquer qu'«une base de données assemblée et stockée sur un ordinateur est un document » au sens de la règle pertinente de la Cour fédérale et qu’elle est donc prima facie productible. Toutefois, la question était de savoir si la base de données de gestion des documents était protégée par le privilège relatif aux litiges. Se référant à la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada dans Lizotte c Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, 2016 CSC 52, la Cour a noté que le privilège relatif au litige est un « privilège relatif au recours collectif, qui « comporte une présomption de non-divulgation une fois que les conditions de son application sont remplies" », qui sont « que le document soit créé pour l' l’objet dominant du litige et le fait que le litige est en instance ou raisonnablement appréhendé ». De plus, « [l]e privilège s’applique à moins que le document ne relève d’une exception », à savoir « la sécurité publique, l’innocence de l’accusé et les communications criminelles », ainsi que « la preuve de l’abus de procédure de la partie requérante ou d’une conduite blâmable similaire ». De plus, le privilège relatif au litige prend fin lorsque le litige (ou un litige étroitement lié) prend fin. La Cour a statué que le système de gestion des documents de la Couronne était protégé par le privilège relatif au litige, car il a été reconnu que la base de données était le produit du travail des avocats qui se préparaient aux litiges. Aucune des exceptions au privilège ne s’appliquait. La Cour s’est ensuite penchée sur la question de savoir si elle pouvait néanmoins séparer des parties de la base de données et ordonner sa divulgation partielle. Dans certains cas, par exemple lorsque la divulgation est régie par la Loi sur l’accès à l’information fédérale ou ses équivalents provinciaux, la Cour a fait remarquer qu’il pourrait être possible d’ordonner une divulgation partielle dans un cas approprié parce que la loi le permet. Mais pas dans ce cas. Il s’agissait d’une affaire judiciaire. Le tribunal inférieur s’est appuyé sur les « principes d’économie, d’équité et de proportionnalité », ainsi que sur une règle de la Cour fédérale pour ordonner la divulgation partielle, mais le privilège relatif au litige est un droit matériel qui n’est pas susceptible d’être modifié par les règles de procédure. Les règles de procédure ne pouvaient pas soustraire à la protection offerte par le droit substantiel le privilège relatif au litige et, par conséquent, aucune réduction partielle ne pouvait être effectuée. Si un document est protégé par le privilège relatif au litige, un tribunal n’a pas le pouvoir d’ordonner la divulgation de certaines parties de celui-ci au motif qu’elles sont inoffensives; le fait d’être inoffensif n’est pas une exception au privilège relatif au litige, a conclu la Cour. Dans le monde riche en disques d’aujourd’hui, il n’est pas rare que les litiges impliquent la découverte de plusieurs milliers, voire de centaines de milliers, de documents. En cas de litige, il est courant que les avocats plaidants ou leurs clients créent des bases de données où ces informations sont organisées et consultables. Les parties opposées dans un procès veulent souvent avoir accès à cette base de données pour économiser les frais de sa création elles-mêmes, ou parce qu’elles n’ont pas les ressources nécessaires pour en créer une. Tk’emlups stipule que ces bases de données n’ont pas besoin d’être partagées. Les bases de données, qui constituent le produit du travail de l’avocat, seront généralement protégées contre l’interrogatoire préalable par le privilège relatif au litige. Auteur(e)s
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