La CAF confirme qu’une incitation est imposable à titre de paiement de la clause restrictive

04 février 2020

Écrit par James Morand

La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour canadienne de l’impôt (2018 CCI 158, juge Smith), confirmant qu’un paiement effectué pour inciter une partie à signer une convention d’achat d’actions était assujetti à la retenue d’impôt en vertu de la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada). S’il avait été structuré différemment, le paiement aurait pu échapper au filet fiscal canadien.

Les faits

Pangaea était l’un des trois actionnaires de Public Mobile Holdings Inc. (« Public ») et partie à une convention unanime des actionnaires qui interdisait aux autres actionnaires publics de vendre leurs actions sans le consentement de Pangaea.

Telus Communications a offert d’acheter Public en 2013 et Thomvest, l’un des autres actionnaires publics, a versé 3 millions de dollars à Pangaea en vertu d’une lettre d’entente en vertu de laquelle Pangaea a accepté de signer une convention d’achat d’actions avec Telus.

Thomvest a retenu l’impôt de la partie XIII sur le paiement à Pangaea et Pangaea a demandé un remboursement de cette taxe, ce qui a été refusé par l’Agence du revenu du Canada.

Évaluation

L’Agence du revenu du Canada a établi une cotisation de retenue d’impôt au motif que le paiement de 3 millions de dollars était à l’égard d’une « clause restrictive ».

Le paragraphe 56.4(1) définit une « clause restrictive » d’un contribuable comme s’entend, entre autres, « d’une convention conclue ... qui touche, ou qui vise à affecter, de quelque façon que ce soit, l’acquisition ou la fourniture de biens par le contribuable » (sous réserve de certaines exceptions qui étaient inapplicables en l’espèce).

L’article 56.4 a été adopté en réponse à la jurisprudence selon laquelle, dans certaines circonstances, les paiements de non-concurrence n’étaient pas imposables. La définition de « clause restrictive » est à la fois vague et formulée en termes généraux, et sa portée est peu claire. 

Examen de la question

Pangaea a fait valoir que le paiement se rapportait à la renonciation à son droit de veto en vertu de la convention unanime des actionnaires et n’avait pas « affecté » la fourniture de biens par Pangaea. La Cour a rejeté cet argument, notant que la lettre d’entente prévoyait l’exécution par Pangaea du contrat d’achat d’actions et que la lettre d’entente ne faisait pas référence au droit de veto. Le mot « affecter » signifie « agir, influencer ». Il semble clair, d’après les modalités de la lettre d’entente, qu’elle a influencé Pangaea à vendre ses actions de Public à Telus, car Pangaea était tenue, en vertu de la lettre d’entente, de conclure l’entente de vente d’actions avec Telus. La Cour de l’impôt a conclu qu’il y avait un lien évident entre la lettre d’entente et la disposition par Pangaea de ses actions publiques à Telus; et cela était suffisant pour établir que la lettre d’entente affectait ou visait à affecter la fourniture de biens, soit la vente d’actions publiques à Telus. Cette conclusion est fondée sur un fondement factuel solide.  

Le résultat aurait peut-être été différent si la lettre d’entente avait été rédigée pour prévoir la renonciation au droit de veto ou la cession de ce droit à Thomvest. Par ailleurs, les 3 millions de dollars auraient pu être payés à titre de contrepartie supplémentaire payable par Telus à Pangaea pour ses actions publiques, avec une réduction compensatoire de la contrepartie versée à Thomvest. Une telle structure aurait pu refléter plus fidèlement l’intention commerciale de Thomvest; étant d’obtenir de Pangaea qu’elle accepte de permettre à Thomvest de vendre ses actions publiques à Telus. À moins que Telus n’ait été prête à acheter que 100 p. 100 des actions publiques (et non un pourcentage moindre), ce qui aurait pu être le cas, Thomvest aurait dû être indifférent quant à savoir si Pangaea a vendu ses actions publiques à Telus. Les décisions sont muettes sur ce point.

Pangaea a également soutenu qu’une interprétation textuelle, contextuelle et téléphécise de la définition de la clause restrictive appuyait la conclusion qu’elle ne visait qu’à s’appliquer aux accords de non-concurrence. La Cour n’était pas d’accord, concluant que le libellé général de la définition indiquait clairement qu’elle ne s’appliquait pas qu’aux accords de non-concurrence. Il est difficile d’être en désaccord avec cette conclusion. Il convient de noter que la Cour n’était pas tenue de tirer une conclusion plus large pour trancher le présent pourvoi, de sorte qu’il ne devrait pas être surprenant qu’il n’y ait pas de discussion plus large sur la portée appropriée de la définition de « clause restrictive ». C’est laissé à une décision future.

Il convient de noter que l’Agence du revenu du Canada a déjà déclaré que les paiements reçus pour l’octroi de droits en vertu d’un accord de distribution de produits étaient imposables en vertu du paragraphe 56.2(4). Ce point de vue est conforme à l’interprétation de la Cour de la définition de « clause restrictive » dans l’arrêt Pangée.

Cette affaire renforce l’importance d’examiner attentivement la qualification fiscale potentielle des paiements lors de la structuration d’opérations inhabituelles. Malheureusement, il ne fournit pas beaucoup d’indications sur la portée de la définition de « clause restrictive », si ce n’est pour confirmer qu’elle ne se limite pas aux paiements de non-concurrence. 

Auteur(e)s

James G. Morand
416.777.4884
morandj@bennettjones.com



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