Droit aux revenus de production entre la date d’entrée en vigueur et la clôture des ordonnances d’acquisition en cas d’insolvabilité

09 août 2022

Écrit par Keely Cameron, Adam Williams and Chris Simard

L’un des principaux avantages pour un acheteur qui achète des actifs pétroliers et gaziers dans le cadre d’une instance en vertu de la Companies' Creditors Arrangement Act ou une mise sous séquestre est l’apaisement quasi absolu du titre au moyen d’une « ordonnance d’acquisition ». Dans Manitok Energy Inc (Re), la Cour d’appel de l’Alberta a confirmé l’importance et l’effet des ordonnances d’approbation de vente et de dévoluement (SAVOs) pour conférer les actifs qu’ils couvrent absolument à l’acheteur.

La Cour d’appel de l’Ontario a récemment mené une discussion approfondie sur l’objet et l’historique des ordonnances d’acquisition dans Third Eye Capital Corporation v Dianor Resources Inc. La Cour a décrit comme suit la nature essentielle des ordonnances d’acquisition et leur importance dans les procédures d’insolvabilité canadiennes :

Pour apprécier l’importance des ordres d’acquisition, il est utile de décrire leur effet. Une ordonnance d’acquisition « a pour effet de transférer les biens achetés à un acheteur sur une base libre et claire, tout en préservant le rang de priorité relatif des créances concurrentes contre le vendeur débiteur en ce qui concerne le produit généré par la transaction de vente »

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[l’ordre d’acquisition] est la pierre angulaire de l’ère moderne de « restructuration » des ventes d’actifs d’entreprise et de la réalisation des créanciers garantis ... L’ordonnance d’acquisition est le Saint Graal recherché par chaque acheteur; c’est la carotte que brandiraient les débiteurs, les fonctionnaires des tribunaux et les créanciers garantis dans la poursuite et la négociation des opérations de vente.

Dans l’affaire Manitok, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si l’acheteur, en vertu d’une SAVO, avait le droit de recevoir le produit de la production de gaz naturel provenant des actifs achetés, qui avaient été produits et vendus entre la date d’entrée en vigueur et la date de clôture.

Historique

Le 10 janvier 2018, Manitok Energy Inc. (Manitok), une petite société d’exploration pétrolière et gazière, a déposé un avis d’intention (NOI) de faire une proposition en vertu de la Bankruptcy and Insolvency Act (la LFI). Yangarra Resources Limited (Yangarra) avait précédemment acheté certains actifs de gaz naturel de Manitok, en vertu d’une convention d’achat d’actifs (APA) entrée en vigueur le 1er octobre 2017 et exécutée le 31 janvier 2018.

La SAVO prévoyait que le droit, le titre et l’intérêt de Manitok sur les actifs décrits dans l’APA « seront absolument acquis » au nom de Yangarra. Il prévoyait également que toutes les personnes qui réclament par, par l’intermédiaire ou en vertu de Manitok « seront absolument exclues et exclues de toute succession, droit, titre, intérêt ... des actifs achetés ». La SAVO prévoyait que le produit de la vente était payable à la Banque Nationale du Canada en compensation partielle de la dette de Manitok.

Le 20 février 2018, Alvarez & Marsal Canada Inc. (le séquestre) a été nommé séquestre et gestionnaire de tous les actifs de Manitok en vertu de la LFI et Judicature Act. La procédure de proposition a pris fin, Manitok et ses filiales ont été jugées en faillite et le séquestre est devenu le syndic de faillite de Manitok et de ses entités liées.

Yangarra a cherché à percevoir auprès du séquestre sa part proportionnelle du produit de la production des puits de gaz pour la période allant de décembre 2017 à février 2018 (le produit). Le séquestre a refusé de payer ces montants, prenant la position qu’il s’agissait d’obligations pré-séquestre non garanties. Le séquestre, Yangarra et un tiers ont conclu une ordonnance sur consentement, ordonnant à Yangarra de demander l’autorisation de déposer une demande dans la procédure de mise sous séquestre de Manitok, demandant le paiement du produit et de certains autres fonds. Yangarra n’a pas demandé l’autorisation et le séquestre a présenté une demande de radiation des réclamations de Yangarra.

Le juge siégeant en cabinet a accueilli la demande de radiation du séquestre, concluant que la réclamation de Yangarra sur le produit était une réclamation non garantie dans la mise sous séquestre de Manitok et que son statut n’avait pas été affecté par le SAVO. Yangarra a fait appel.

La décision de la Cour d’appel de l’Alberta

En plus d’examiner la question de fond, la Cour d’appel s’est penchée sur la question de savoir si Yangarra avait interjeté appel de plein droit en vertu de l’article 193 de la LFI.  

La Cour d’appel a déclaré que, même si le libellé de l’article 193 semblait large, il avait été interprété de façon étroite et téléumique, afin de s’assurer que les procédures de faillite étaient administrées efficacement et rapidement en minimisant les appels. La Cour d’appel a noté que des décisions antérieures avaient conclu que les appels liés aux SAVO étaient de nature procédurale et ne prévoyaient pas d’appel de droit. La Cour d’appel a toutefois déterminé en l’espèce que l’appel soulevait une question de fond: il concernait le statut du produit et la question de savoir si la réclamation de Yangarra sur le produit était couverte par l’APA et la SAVO, ou s’il s’agissait d’une réclamation non garantie dans la mise sous séquestre. Yangarra a donc eu un appel de plein droit en vertu de l’alinéa 193c) de la LFI.

La Cour a déterminé que la juge siégeait en chambre avait commis une erreur dans son interprétation de la SAVO. Le juge en chambre avait conclu que la réclamation de Yangarra sur le produit était une réclamation non garantie dans la mise sous séquestre de Manitok, et qu’il n’y avait rien dans le SAVO qui changerait le statut de cette réclamation.

En infirmant la décision du juge siégeant en cabinet, la Cour d’appel a noté que les ordonnances d’acquisition ont une incidence sur le transfert des biens achetés à un acheteur sur une base libre et claire, tout en préservant la priorité relative des réclamations concurrentes contre le débiteur ou le vendeur en ce qui concerne le produit généré par la transaction de vente. L’ordonnance transmet le titre et éteint les charges.

Le SAVO en question a fait l’objet d’un examen approfondi et la Cour d’appel a conclu que, d’après le libellé de l’APP, le produit répondait à la définition des « actifs » qui avaient été transférés dans l’APP et à la définition d'« actifs achetés » dans le SAVO. De l’avis de la Cour d’appel, le libellé sans ambiguïté de la SAVO a clairement indiqué que les actifs comprenaient le produit et étaient dévolus absolument à Yangarra. Conclure autrement aurait procuré au créancier garanti de Manitok, la Banque Nationale du Canada, une manne, car elle aurait reçu à la fois le produit des opérations, mais aussi le produit.

En conséquence, la Cour d’appel a ordonné à Yangarra de présenter une demande d’autorisation et de déposer une demande dans le cadre de la procédure de mise sous séquestre de Manitok pour le paiement du produit. Cette demande, qui avait été envisagée par l’ordonnance sur consentement signée par les parties, serait l’endroit approprié pour que Yangarra demande le solde de son redressement, en particulier une déclaration qu’elle était le propriétaire légitime du produit et une ordonnance enjoignant au séquestre de remettre immédiatement le produit à Yangarra.

Cette décision réaffirme le rôle crucial joué par les ordonnances d’acquisition, mais peut aussi faciliter l’appel de ces ordonnances par l’entremise des conclusions de la Cour d’appel relatives à l’article 193.   Déjà une procédure fortement litigieuse, l’insolvabilité de Manitok peut encore avoir plus de jurisprudence pour offrir la pratique de l’insolvabilité.

Pour obtenir des conseils sur les répercussions de cette décision, veuillez communiquer avec un membre de notre équipe de Équier de la restructuration et de l’insolvabilité.

Auteur(e)s

Keely Cameron
403.298.3324
cameronk@bennettjones.com

Adam J. Williams
403.298.3307
williamsa@bennettjones.com



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