Les employeurs de l’Alberta pourraient faire face à une syndicalisation accrue et à des conventions collectives obligatoires

28 mars 2017

Écrit par John C. Batzel, John R. Gilmore and Matthew J. Macdonald

Le 13 mars 2017, le gouvernement de l’Alberta a announced qu’il avait l’intention de modifier les lois provinciales sur l’emploi et le travail pour refléter les temps « modernes ».  Dans le cadre de cette « modernisation », le ministre du Travail a annoncé une consultation et un examen du Code des relations de travail de l’Alberta. -  La consultation et l’examen sont ciblés et nous nous attendons à ce que le projet de loi soit présenté au cours de la session en cours de l’Assemblée législative de l’Alberta. 1

Les changements envisagés par le gouvernement de l’Alberta comprennent :

  1. « des processus utilisés pour permettre aux employés d’exercer leur droit constitutionnel de choisir ... la représentation syndicale, en temps opportun et de manière efficace »; et
  2. « les options disponibles pour le règlement des différends dans les différends insolubles... [y compris] les premiers contrats non résolus ». 

Ces deux références indiquent clairement que la province envisage d’introduire l’accréditation syndicale basée sur la carte (certification de carte) et l’arbitrage exécutoire de premier contrat (CAF) pour les lieux de travail sous réglementation provinciale en Alberta. Les gouvernements néo-démocrates d’autres provinces ont mis en œuvre (ou réimplémenté) les deux politiques lorsqu’ils ont été élus partout au Canada. Ces mêmes politiques ont souvent été annulées ou modifiées lors de l’élection d’un gouvernement d’un autre parti politique. 

Certification de carte

L’accréditation des cartes permet à un syndicat d’obtenir automatiquement une accréditation auprès de la Commission des relations de travail lorsqu’un pourcentage minimum de cartes syndicales est signé par des employés d’une unité de négociation proposée (habituellement un sous-ensemble du nombre total d’employés employés par l’employeur qui partagent des intérêts communs). Le seuil d’accréditation automatique peut varier, mais il varie historiquement entre 55 % et 65 % des employés de l’unité de négociation proposée. Récemment, le gouvernement libéral fédéral a mis en œuvre la certification des cartes avec un seuil de 50 % pour les employés sous réglementation fédérale au Canada. 

LCF

FCA engage un employeur et un syndicat qui sont accrédités pour représenter un groupe d’employés à un processus d’arbitrage supervisé par la Commission des relations de travail, qui mènera à l’imposition d’une première convention collective, si les négociations suivant l’accréditation échouent. Cela signifie que les employeurs et les syndicats n’auront pas recours à un lock-out ou à une grève s’il y a une impasse dans les négociations de premier contrat. En d’autres termes, les employeurs se verront imposer une certaine forme de convention collective si nécessaire.

Impact potentiel sur les employeurs de l’Alberta

Si la certification des cartes et la FCA sont mises en œuvre, cela changera considérablement le paysage des relations de travail en Alberta. À l’heure actuelle, toutes les provinces à l’ouest du Québec n’ont pas de certification de carte et exigent un vote obligatoire parmi les employés de l’unité de négociation proposée avant l’accréditation. L’Alberta serait la valeur aberrante dans ces provinces sur ce point. 

La certification des cartes a fait l’objet de nombreuses analyses statistiques et de relations de travail. Par exemple, on a fait valoir que l’accréditation des cartes peut gonfler le véritable niveau d’appui à un syndicat parmi les employés.2 Lorsque l’Ontario a retiré l’accréditation de carte, les syndicats qui ont demandé l’accréditation étaient 21,3 pour cent moins susceptibles de réussir dans le cadre du nouveau système (qui nécessitait un vote parmi les employés). 3Une autre étude a révélé que dans un sondage mené auprès de 160 votes d’accréditation (dans les provinces et territoires où un vote est requis), l’appui à la syndicalisation a chuté de plus de 5 % par rapport aux niveaux d’appui initiaux avant le vote.  Dans 81 autres votes d’accréditation, l’appui à la syndicalisation a chuté de plus de 15 pour cent par rapport au niveau initial d’appui. 4 À notre avis, la capacité des employeurs de communiquer avec leurs employés entre la demande d’accréditation et le vote d’accréditation est susceptible d’avoir joué un rôle dans la modification de ces niveaux de soutien, dans de nombreux cas.  D’autres études ont également montré que les taux de réussite de la certification sont plus faibles sans la certification par carte.  Dans une étude, on a constaté que l’incidence générale de l’exigence de votes obligatoires par opposition à la certification par carte réduisait de 20 % la probabilité d’une certification réussie pour les employés du secteur privé en Colombie-Britannique et en Ontario. Dans les deux provinces, les taux de réussite de la certification étaient de 60 à 70 pour cent sans certification de carte, et d’environ 90 pour cent après l’introduction de la certification de carte. 5

Ce ne sont pas seulement les taux de réussite de la certification qui augmentent dans le cadre de la certification des cartes, mais aussi le nombre de syndicats qui tentent d’être certifiés. Dans le secteur privé de l’Ontario, deux fois plus de demandes de certification ont été présentées lorsque la certification des cartes était en place. Dans le secteur privé de la Colombie-Britannique, 50 % plus de tentatives de certification ont eu lieu dans le cadre de la certification par carte. 6

Le changement apporté à la FCA signifierait qu’en plus de faire face à des taux accrus d’accréditation syndicale, les employeurs sous réglementation provinciale en Alberta ne pourront pas éviter qu’une première convention collective leur soit imposée, s’ils ne sont pas en mesure de négocier une entente acceptable avec le syndicat nouvellement accrédité.

Principaux points à retenir pour les employeurs

Les employeurs de l’Alberta qui s’inquiètent de la possibilité que leur main-d’œuvre devienne syndiquée et qu’une convention collective soit imposée devraient surveiller attentivement ces développements. Bien que l’accréditation des cartes et la CAF puissent être annulées si un autre parti est élu aux prochaines élections provinciales, cela ne permettra pas aux employeurs qui deviennent accrédités entre-temps d’éviter la syndicalisation ou une convention collective. Dans ces circonstances, les employeurs seront tenus de traiter de bonne foi avec le syndicat et de s’engager dans des négociations collectives. Les employeurs devraient demander conseil sur la façon de protéger leurs intérêts commerciaux tout en respectant leur obligation de ne pas se livrer à des pratiques de travail déloyales en vertu du Code des relations de travail de l’Alberta.

Bennett Jones LLP est disponible pour aider votre entreprise à cet égard.  Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec John Batzel, John Gilmore ou Matthew Macdonald.

 

Remarques :

1 Dans sa lettre de mandat, le ministre indiquait que l’examen ne devrait pas être « à grande échelle », car cela empêcherait le dépôt d’un projet de loi « au cours de la présente session ».

2 Chris Riddell, « Using Social Science Research Methods to Evaluate the Efficacy of Union Certification Procedures », Revue canadienne du droit du travail et de l’emploi, vol. 12, à la p. 315.

3 Sara Slinn, « An Empirical Analysis of the Effects of the Passage from Card-Check to Mandatory Vote Certification », Canadian Labour and Employment Law Journal, vol. 11, p. 280.

4 Colin Craig, Policy Brief: A Closer Look at Secret Ballot Union Certification Votes (2016). https://www.manningcentre.ca/sites/default/files/Policy%20Brief-A%20Closer%20Look%20at%20Secret%20Ballot%20Union%20Certification%20Votes.pdf (consulté le 28 mars 2017).

5 Michele Campolieti, Chris Riddell et Sara Slinn, « Labour Law Reform and the Role of Delay in Union Organizing: Empirical Evidence from Canada », Industrial and Labour Relations Review, vol. 61, no 1 (octobre 2007), aux p. 33 et 34.

6 Ibid à la p. 34.



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