Leçons tirées de l’affaire Centurion Apartment Properties v Piquancy Enterprises
Écrit par Luke Stretch, Michelle Yung et Blake Miller
En novembre 2024, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (Cour d’appel) a rendu sa décision dans l’affaire Centurion Apartment Properties (Scott Road 1) Inc v. Piquancy Enterprises Ltd. (en anglais), infirmant la décision du tribunal inférieur et établissant des principes liés à l’exécution des baux commerciaux, à la limitation des pertes et à la diligence raisonnable en matière contractuelle.
Résumé de l’affaire
Piquancy, en tant que locataire, avait conclu avec Centurion, en tant que locateur, un bail de 10 ans portant sur les locaux d’un établissement de restauration rapide. Le bail stipulait expressément que les locaux n’étaient pas équipés d’un système de ventilation pour les vapeurs chargées de graisse, et le locataire reconnaissait cette situation, admettant qu’un équipement supplémentaire pourrait être nécessaire pour se conformer aux exigences en matière de ventilation prévues par les règlements municipaux.
Après avoir renoncé à toutes les conditions stipulées en sa faveur dans le bail — y compris la satisfaction de la forme du bail, la suffisance et l’état des locaux, les services disponibles et les approbations municipales — Piquancy a découvert que les locaux ne pouvaient pas, dans la pratique, accueillir une ventilation appropriée. À la suite de cette découverte, Piquancy a prétendu répudier le bail le 31 mai 2022, refusant de prendre possession des locaux ou de payer le loyer, et a fait valoir que le bail était inexécutoire en raison d’une déclaration inexacte, d’une erreur ou d’une impossibilité d’exécution.
Centurion a refusé d’accepter cette répudiation, confirmant plutôt le bail et cherchant à en faire respecter les modalités jusqu’en 2022. Huit mois plus tard, Centurion a accepté la répudiation de Piquancy et a résilié le bail avec prise d’effet en février 2023. Centurion a ensuite poursuivi Piquancy pour le loyer impayé et les dommages-intérêts découlant de la différence entre le loyer inférieur perçu en vertu d’un bail subséquent à un nouveau locataire.
La Cour suprême de la Colombie-Britannique a tranché (en anglais) en faveur de Centurion, concluant qu’il n’y avait aucune preuve de déclaration inexacte de la part de Centurion, et qu’il n’y avait aucune conséquence d’erreur ou d’impossibilité d’exécution qui permettrait à Piquancy de répudier unilatéralement le contrat. La Cour a toutefois réduit le montant des dommages-intérêts réclamés, estimant que Centurion avait retardé de manière déraisonnable l’acceptation de la répudiation de Piquancy et qu’elle n’avait pas limité ses pertes. La Cour d’appel a infirmé cette décision, estimant que Centurion avait droit à l’intégralité des dommages-intérêts et que le juge de première instance avait commis une erreur en imposant à Centurion le fardeau de prouver l’impossibilité de limiter les pertes.
Recours et limitation des pertes
L’aspect le plus important de cette affaire est la discussion des principes juridiques régissant la réponse du locateur à la répudiation du bail par le locataire et son obligation de limiter les pertes qui en découlent.
Refus d’accepter la répudiation et confirmation du bail
Lorsqu’un locataire répudie un bail en refusant de prendre possession ou de payer le loyer, le locateur peut choisir l’une des options suivantes :
- Confirmer le bail et exiger le loyer, en maintenant le contrat pleinement en vigueur; ou
- Accepter la répudiation et résilier le bail en réclamant des dommages-intérêts.
Centurion a d’abord choisi de confirmer le bail, ce qui signifie qu’elle n’avait aucune obligation de limiter ses pertes pendant cette période. La Cour d’appel a réaffirmé que, tant que le bail demeure en vigueur, le locateur a le droit contractuel d’obtenir le loyer et n’est pas tenu de limiter les pertes. Centurion n’avait pas l’obligation d’accepter la répudiation, ce qui signifie qu’elle n’avait pas d’obligation de limiter les pertes. Ce principe est conforme à la jurisprudence établie, notamment dans la décision Anthem Crestpoint Tillicum Holdings Ltd. v. Hudson’s Bay Company ULC Compagnie de la Baie D’Hudson SRI, 2022 BCCA 166.
Quand l’obligation de limiter les pertes s’applique-t-elle?
L’obligation du locateur de limiter les pertes ne s’applique qu’au moment de la résiliation du bail. Après la résiliation, le locateur doit prendre des mesures raisonnables pour limiter ses pertes, par exemple en trouvant un nouveau locataire au prix du marché. La Cour d’appel a estimé que le tribunal inférieur avait commis une erreur en imposant à Centurion le fardeau de prouver ses efforts pour limiter les pertes. Piquancy avait plutôt le fardeau de prouver que Centurion n’avait pas agi raisonnablement en limitant ses pertes. Comme Piquancy n’a présenté aucune preuve sur ce point, Centurion a eu droit à des dommages-intérêts complets.
Cette décision fournit plusieurs considérations importantes pour les locateurs et les locataires de locaux commerciaux en cas de répudiation.
Leçons pour les locateurs
- Comprendre vos droits en cas de répudiation par le locataire : un locateur n’est généralement pas obligé d’accepter la répudiation d’un locataire et peut au contraire confirmer le bail et percevoir le loyer sans avoir l’obligation de limiter les pertes qui en découlent. Toutefois, une fois que le locateur accepte la répudiation, il doit prendre des mesures pour s’acquitter de son obligation de limiter ses pertes.
- Fardeau de prouver le non-respect de l’obligation de limiter les pertes : si un locataire invoque comme moyen de défense le non-respect par le locateur de l’obligation de limiter les pertes, c’est au locataire qu’il incombe de prouver que les efforts du locateur étaient déraisonnables.
- Être proactif dans la documentation des efforts de limitation des pertes : bien que le fardeau de la preuve repose sur le locataire, documenter clairement les efforts pour relouer les locaux aux taux du marché renforcera la position d’un locateur face à l’allégation de son défaut de limiter les pertes.
Leçons pour les locataires
- La diligence raisonnable est primordiale : Le fait que Piquancy n’ait pas effectué la vérification raisonnable comme il faut avant de renoncer aux conditions stipulées en sa faveur dans le bail l’a contrainte à louer pour 10 ans des locaux qui n’étaient pas adaptés à l’usage qu’elle voulait en faire.
- Les reconnaissances contractuelles sont importantes : le bail indiquait expressément l’absence d’un système de ventilation et Piquancy a renoncé aux conditions relatives à son enquête sur la convenance des locaux. Les tribunaux appliqueront de tels accords commerciaux.
- La répudiation n’exonère pas des obligations financières : la résiliation d’un bail n’élimine pas la responsabilité. Jusqu’à ce que le locateur accepte la répudiation du locataire, les obligations du locataire, y compris le paiement du loyer, continuent de s’appliquer.
Conclusion
Les baux commerciaux créent des relations à long terme qui lient le locateur, le locataire et les locaux. Les parties doivent négocier, examiner et exécuter soigneusement les baux commerciaux en étant pleinement conscientes de leurs implications. Les locateurs doivent faire preuve de stratégie pour répondre aux répudiations des locataires, et les locataires doivent s’assurer qu’ils comprennent les termes du bail avant de s’engager à respecter des obligations contractuelles importantes. La décision de la Cour d’appel renforce les principes établis en matière de limitation des pertes et confirme la certitude contractuelle sur laquelle les locateurs s’appuient dans les baux commerciaux.
Si vous avez des questions sur la manière dont la répudiation peut affecter vos droits dans le cadre d’un bail, n’hésitez pas à contacter notre équipe de Immobilier commercial.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
Pour obtenir l’autorisation de republier la présente publication ou toute autre publication, veuillez communiquer avec Amrita Kochhar à kochhara@bennettjones.com.