La décision de PETRONAS signale la prudence du gouvernement fédéral à l’examen des investissements en S

08 novembre 2012

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Le 19 octobre 2012, quelques minutes avant l’expiration de la période d’examen prescrite par la Loi sur Investissement Canada (LIC), le ministre de l’Industrie, Christian Paradis, a annoncé qu’il rejetait le projet d’acquisition de Progress Energy Resources Corp., établie à Calgary, par PETRONAS. Le ministre n’a pas fourni d’autres raisons ou détails que de déclarer qu’il n’était « pas convaincu que l’investissement proposé est susceptible d’être d’un avantage net pour le Canada ».

PETRONAS est la compagnie pétrolière et gazière nationale de Malaisie et est une entité d’État (S). Elle possède des actifs commerciaux et des intérêts dans les industries pétrolière, gazière et pétrochimique dans plus de 30 pays. Progress est une société d’énergie basée à Calgary qui se concentre sur l’exploration, le développement et la production de grandes ressources de gaz naturel non conventionnelles dans le nord-est de la Colombie-Britannique et le nord-ouest de l’Alberta.

PETRONAS, par l’entremise d’une filiale canadienne en propriété exclusive, et Progress ont signé une entente d’entente le 27 juin dernier. À la suite d’une modification subséquente à l’entente (en vertu de laquelle PETRONAS a augmenté le prix de son offre), la transaction a été évaluée à environ 5,9 milliards de dollars.

PETRONAS dispose de 30 jours à compter de l’annonce du ministre pour soumettre des engagements et présenter des observations au ministre afin de tenter de revenir sur sa décision initiale. PETRONAS aurait embauché des lobbyistes pour défendre ses intérêts et aurait prolongé la date extérieure en vertu de son accord avec Progress jusqu’au 30 novembre 2012. PETRONAS et Progress ont également annoncé qu’ils rencontreront des représentants d’Industrie Canada et qu’ils sont déterminés à sauver l’entente.

Répercussions de la décision

Étant donné que les engagements que PETRONAS était prêt à prendre et que la raison de la décision d’Industrie Canada n’est pas publique, il est difficile d’évaluer définitivement les répercussions de cette décision pour le moment. Les commentaires conciliants faits par le ministre Paradis au moment où il a annoncé sa décision, et les commentaires similaires du ministre des Finances Flaherty peu de temps après, contrastent nettement avec le ton des remarques du ministre de l’Industrie de l’époque, M. Clement, en octobre 2010, lorsqu’il a rejeté l’offre de BHP Billiton Ltd pour Potash Corporation of Saskatchewan. De plus, la décision de bloquer l’investissement de PETRONAS doit être considérée dans le contexte de l’offre de 15,1 milliards de dollars américains de China National Offshore Oil Corp. (CNOOC) pour Nexen Inc., qui est en instance devant la Division de l’examen des investissements (DDR) d’Industrie Canada. Il faut s’attendre à ce que le gouvernement coordonne ses examens des deux transactions S. Néanmoins, la décision est digne de mention de l’incertitude qu’elle a créée quant à savoir si le Canada est réellement ouvert aux affaires pour les investisseurs étrangers, et pour CNOOC en particulier.

Changements à la politique du Canada en matière d’investissement étranger

Avant qu’un investissement susceptible d’examen puisse être réalisé, le ministre doit déterminer que l’investissement est susceptible d’être à l’avantage net du Canada. Le régime d’investissement du Canada a souvent été critiqué parce qu’il fait l’objet d’interventions politiques et pour l’incertitude quant à ce qui constitue un avantage net pour le Canada. La LIC exige que le ministre tienne compte d’un certain nombre de < un titre = « facteurs " href = « http://www.ic.gc.ca/eic/site/ica-lic.nsf/eng/h_lk00007.html#benefit » target = « _blank » >factors dans sa décision. Le manque de transparence dans le processus d’examen lui-même, et le fait que le ministre n’émet pas les motifs de ses décisions, a frustré les observateurs qui cherchent à obtenir des conseils sur les décisions antérieures. À la suite de l’annonce du ministre concernant l’investissement de PETRONAS, le Premier ministre Stephen Harper a déclaré que le gouvernement a, « dans un avenir pas trop lointain, l’intention de mettre en place un nouveau cadre stratégique clair concernant ce genre de transactions ».

La question qui préoccupe de nombreux investisseurs est de savoir si la décision PETRONAS reflète simplement le désir du gouvernement conservateur de coordonner ses examens de deux investissements étrangers majeurs par les Ss, ou si elle peut être considérée comme quelque chose de plus, à savoir, comme une indication que le processus d’examen de l’ICA devient plus difficile, en particulier pour les Ss et potentiellement pour les investissements dans le secteur pétrolier et gazier. Il est important à cet égard de garder à l’esprit que le Canada n’a officiellement bloqué que deux offres publiques d’achat étrangères depuis l’entrée en vigueur de la LIC en 1985. 1

S Lignes directrices

La décision PETRONAS marque la première fois que le Canada refuse d’approuver une proposition d’acquisition par un S. S. ont généralement bien réussi avec le processus d’examen de l’ICA et plusieurs investissements de S ont été approuvés au cours des quatre dernières années dans le secteur pétrolier et gazier. 2 En outre, le Ministre de l’industrie a déjà adopté Guidelines on State-Owned Enterprises. Les Lignes directrices créent effectivement un processus quasi à double voie dans le cadre duquel les investissements des Ss sont assujettis à un ensemble supplémentaire de facteurs que le ministre doit prendre en compte dans le cadre de l’analyse des avantages nets. 3 Les Lignes directrices visent à répondre aux préoccupations exprimées par le gouvernement conservateur au sujet de l’investissement en S au Canada; à savoir, qu’ils devraient fonctionner selon des principes solides de gouvernance d’entreprise et d’orientation commerciale. Cela dit, la perspective d’un examen plus approfondi dans le cadre du processus d’examen de l’ICA se trouve dans une publication récente du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans laquelle le SCRS a averti que « certains S et certaines entreprises privées ayant des liens étroits avec leur gouvernement d’origine ont poursuivi des programmes opaques ou ont reçu un soutien clandestin en matière de renseignement pour leurs activités ici [au Canada] ».

Choix du moment

Le moment où le ministre a annoncé que l’investissement de PETRONAS n’avait pas satisfait au critère de l’avantage net était particulièrement inhabituel (c’est-à-dire que l’annonce a été faite quelques minutes seulement avant l’expiration de la période d’examen) et a donné lieu à des spéculations sur le marché selon lesquelles le rejet était le résultat du refus de PETRONAS de consentir à une prolongation de la période d’examen. En vertu de la LSA, le ministre peut prolonger unilatéralement la période d’examen une fois, pour une période pouvant aller jusqu’à 30 jours et, par la suite, ne peut prolonger la période d’examen qu’avec le consentement de l’investisseur. Si le ministre a besoin de plus de temps et que l’investisseur n’est pas disposé à consentir à une prolongation, il n’a d’autre choix que de rejeter expressément l’opération. Pour compliquer davantage les choses, la décision intervient également au moment même où le Canada se joint aux négociations sur un accord de libéralisation du commerce et de l’investissement du Partenariat transpacifique avec 10 autres pays, dont la Malaisie.

Certains commentateurs ont suggéré qu’une gestion plus proactive du processus politique impliqué dans l’examen de l’ICA aurait pu faire une différence dans l’affaire PETRONAS/Progress. Il est important de noter que PETRONAS ne semble pas avoir eu de lobbyistes enregistrés à bord avant le rejet. Les investisseurs prudents voudront s’assurer que leur transaction est bien comprise par tous les intervenants potentiels du gouvernement et engageront l’aide appropriée en matière de relations gouvernementales dès le début du processus. Ceci est particulièrement important dans le contexte des transactions S.

En outre, beaucoup ont émis l’hypothèse que la décision PETRONAS résultait d’une rupture des négociations et de la frustration de PETRONAS à l’égard du processus et du calendrier de l’ICA, et il a été suggéré que le rejet du gouvernement devait avoir été déclenché par un refus de PETRONAS de consentir à une prolongation de la période d’examen. Le moment choisi pour l’examen de CNOOC/Nexen a probablement aussi eu une incidence sur la décision PETRONAS. Quel que soit le résultat du processus de l’ICA dans l’accord CNOOC/Nexen, il sera considéré à la lumière de la décision PETRONAS et, par conséquent, le gouvernement voudra que les deux décisions soient cohérentes. De plus, l’annonce récente du premier ministre concernant la publication imminente d’un nouveau cadre stratégique concernant les investissements en S a peut-être aussi joué un rôle (l’annonce a été faite seulement trois jours après l’annonce de PETRONAS). Quoi qu’il en soit, si les rapports selon lesquels PETRONAS a joué dur en refusant une prolongation sont vrais, alors la décision PETRONAS constitue un avertissement aux investisseurs que le refus de consentir à une prolongation à la demande du ministre augmentera la probabilité d’une décision défavorable.

Il convient de rappeler que, malgré le refus, l’accord peut encore être approuvé en fin de compte. L’annonce pourrait simplement signifier que le ministre a besoin de plus de temps pour examiner la transaction, en particulier à la lumière de l’examen simultané de CNOOC/Nexen et de l’élaboration d’un nouveau cadre stratégique concernant l’investissement en S.

CNOOC – Accord de Nexen

Enfin, les investisseurs et les autres observateurs intéressés se demandent quel effet le rejet de l’investissement de PETRONAS aura sur le projet d’acquisition de Nexen par CNOOC. Il faut s’attendre à ce que le gouvernement coordonne simultanément ses examens des deux transactions et l’élaboration de ses politiques. On ne sait toujours pas si cela signifie que la décision PETRONAS doit être considérée comme une anomalie.

Comme dans le cas de l’investissement de PETRONAS, Industrie Canada devra décider si l’offre de CNOOC est à l’avantage net du Canada. À ce jour, le premier ministre a envoyé des messages contradictoires en ce qui concerne l’accord CNOOC/Nexen, affirmant d’une part que le Canada accueille favorablement les investissements de la Chine et que la vente d’une plus grande partie des ressources naturelles du Canada à l’Asie est une « priorité nationale ». Le gouvernement est également sur le point de ratifier un accord de promotion et de protection des investissements étrangers avec la Chine. D’autre part, le Premier ministre a récemment déclaré que l’accord CNOOC/Nexen « soulève une série de questions politiques difficiles ». Il peut également y avoir un aspect de sécurité nationale qui tient compte de la relation du Canada avec la Chine, bien que ce facteur puisse être présent dans les transactions S de n’importe quel pays, y compris la Malaisie.

Le résultat de l’examen du CNOOC/Nexen n’est toujours pas clair et le ministre a récemment prolongé la période d’examen pour la deuxième fois, cette fois avec le consentement du CNOOC, pour une période de 30 jours. Le 10 décembre 2012 est la nouvelle date limite pour la soumission du CNOOC, à moins de toute autre demande de prolongation de la part du ministre. De plus, le directeur des communications du premier ministre, Andrew MacDougall, a récemment déclaré que le nouveau cadre stratégique ne devrait pas être dévoilé avant cette date.

Conclusion

La décision PETRONAS semble annoncer une nouvelle orientation politique en ce qui concerne l’investissement étranger des Ss au Canada, dont les grandes lignes n’ont pas encore été énoncées. Il est certainement possible que la transaction PETRONAS soit encore approuvée. Pour le moment, cependant, il existe une incertitude considérable concernant le processus d’examen des investissements canadiens en ce qui concerne les SS.


 
Remarques :
  1. Ces deux cas étaient la récente proposition de prise de contrôle du fabricant d’engrais Potash Corporation of Saskatchewan Inc. par la société australienne BHP Billiton Ltd., et l’offre de 2008 par la société américaine Alliant Techsystems Inc. en l’acquisition de la division aérospatiale de MacDonald, Dettwiler & Associates Ltd., établie à Vancouver.
  2. Un certain nombre d’acquisitions de contrôle d’entreprises canadiennes par Ss ont été approuvées. En 2011, Harvest Operations Corp. (une filiale en propriété exclusive de Korea National Oil Corporation) a acquis des actifs productifs et non développés de Hunt Oil Company of Canada, Sinopec a acquis Daylight Energy et CNOOC Limited a acquis OPTI Canada Inc. En 2010, Sinopec a acquis la participation de ConocoPhillips dans Syncrude, et enfin, en 2009, International Petroleum Investment Company (de l’émirat d’Abu Dhabi) a acquis NOVA Chemicals Corp., Korea National Oil Corporation a acquis Harvest Energy Trust et PetroChina International Investment Company a acquis une participation de 60 pour cent dans deux projets de sables bitumineux d’Athabasca Oil Sands Corp.
  3. Ces facteurs comprennent, entre autres, la gouvernance et l’orientation commerciale du S (p. ex., la gouvernance d’entreprise, la structure hiérarchique et la conformité aux lois et aux pratiques canadiennes), la mesure dans laquelle le non-Canadien est détenu ou contrôlé par un État, et si l’entreprise canadienne qui sera acquise par un S aura la capacité d’exercer ses activités sur une base commerciale.

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