Alors que les responsables municipaux du monde entier commencent à faire preuve de force et à prendre des mesures pour démanteler les tentes, les yourtes et les structures similaires établies en relation avec la variante locale du mouvement Occupy Wall Street, il semble inévitable qu’une question majeure soit soulevée à un moment donné devant les tribunaux canadiens:
Y a-t-il un droit constitutionnel d'«occuper » avec des tentes?
Non, dit Derek J. Bell
Vous pouvez protester tous les jours si vous le souhaitez, mais vous n’avez pas le droit constitutionnel de dormir à St. James Park.
Les responsables municipaux ne seront peut-être pas en mesure de mettre fin complètement aux manifestations d’Occupy, que ce soit à Toronto, Vancouver, London ou Corner Brook, à Terre-Neuve, sans se retrouver dans de graves problèmes constitutionnels. Cependant, la Constitution fait-elle obstacle aux efforts visant à abattre les « villes de tentes » qui ont surgi dans les villes canadiennes? La réponse à cette question doit être un non catégorique, et c’est pour deux raisons.
Aucun droit garanti par la Charte ne serait violé
Premièrement, il n’y a en réalité que deux droits constitutionnels qui pourraient être en jeu dans les efforts visant à abattre les tentes : l’alinéa 2b) de la Charte, qui protège la liberté d’expression, et l’alinéa 2c) de la Charte, qui protège la liberté de réunion pacifique. On pourrait essayer d’invoquer d’autres droits, comme la liberté d’association, mais selon toute vraisemblance, une contestation constitutionnelle porterait principalement sur les alinéas 2b) et 2c).
Pour que l’alinéa 2b) soit engagé, l’activité en cause – planter des tentes et y vivre – devrait, elle-même, être une « activité expressive ». Bien que les tribunaux aient généralement donné une interprétation large de ce qui constitue une « expression » (allant jusqu’à dire que le discours de haine est toujours une expression), il y a encore des limites. Plus particulièrement, l’activité doit être « expressive » en ce sens qu’elle doit « tenter de transmettre un sens sous une forme non violente »: R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45. Bien que l’on puisse faire valoir que les manifestants qui lancent des tentes transmettent un sens (et mon collègue M. Agarwal a fait un vaillant effort à cet égard), les preuves recueillies sur le terrain ne le confirment pas. Au plus haut, on pourrait dire que la permanence de l’occupation est le sens véhiculé : « nous n’allons pas partir tant que nos demandes ne seront pas satisfaites ». Mais cela aussi prouve trop: quel sens est transmis par le lancement de tentes, par opposition à simplement rester dans le parc dans un sac de couchage ou assis sur un banc? Je suggère qu’il n’y a rien de « expressif » à planter une tente, à moins que la protestation ne soit vraiment contre les maisons ou quelque chose de similaire, de sorte que le symbole de la « tente » ait une signification expressive.
De plus, lorsque l’on considère les objectifs de la garantie de liberté d’expression, il devient encore plus clair que monter une tente ne constitue pas une expression. Le premier objectif de l’alinéa 2b) est de favoriser la recherche et l’atteinte de la vérité, qui est considérée comme une « bonne » activité intrinsèque. Bien que cela puisse bien être un objectif favorisé par le mouvement Occupy Toronto en général, il est difficile de voir quelle vérité est atteinte par le lancement de tentes, bien que d’après certains rapports, il semble que de nombreux manifestants d’Occupy trouvent leurs propres « vérités » dans certaines des tentes. Le deuxième objectif – la participation à la prise de décision politique et sociale – est encore une fois quelque chose que le mouvement Occupy pourrait embrasser, mais il n’est pas clair comment vivre dans une tente favorise cette participation de quelque manière que ce soit. Le dernier objectif – l’épanouissement personnel et l’épanouissement humain – semble également difficile à identifier par rapport au tangage d’une tente et à tout contenu expressif associé à cette tente.
L’alinéa 2c) – liberté de réunion – est plus difficile à rejeter parce qu’il a été si rarement plaidé. Dans les rares cas où les tribunaux se sont engagés sur l’alinéa 2c), les tribunaux ont dit que « la liberté de réunion pacifique est axée sur le rassemblement physique des personnes »: Roach c. Canada, [1994] 2 C.F. 406 (C.A.), à la p. 436; R. c. Normore, 2005 ABQB 75. On peut au moins soutenir que le retrait des tentes (mais le fait de laisser les gens là-bas dans le parc) n’empêcherait pas du tout le « rassemblement physique » des gens. Les manifestants pourraient continuer à se tenir dans le parc, manifestant à leur guise, mais ils ne pourraient pas faire une sieste dans leur tente à proximité.
Toute violation serait justifiée
Mais je tiendrais compte de la possibilité qu’un tribunal puisse conclure que le fait de retirer les tentes constituerait une violation des alinéas 2b) ou 2c) de la Charte, ou des deux. Il y a au moins un argument, comme le souligne M. Agarwal, selon lequel si l’effet de la loi est de rendre effectivement impossible l’exercice de la liberté d’expression ou de la liberté de réunion, alors il y a peut-être des arguments défendables pour dire que les alinéas 2b) ou 2c) sont en jeu.
Mais même s’il y a eu atteinte, la Charte contient une disposition de l’article 1 qui dit que tous les droits sont garantis « sous réserve uniquement des limites raisonnables prescrites par la loi dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Les tribunaux ont interprété cette clause comme signifiant qu’il doit y avoir a) un objectif suffisamment important servi par la loi; b) un lien rationnel entre la loi et l’objectif de la loi; c) l’atteinte minimale, en ce que la loi ne peut porter atteinte au droit que ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif; et d) les effets proportionnels, en ce que les avantages bénéfiques de la loi l’emportent sur les effets préjudiciables sur les droits garantis par la Charte.
Il est difficile de généraliser sur la loi qui serait engagée dans toutes les différentes villes, parce qu’il y a des faits différents en jeu sur le terrain de chacune, et des lois différentes sur les livres dans chacune des villes. Par exemple, à Toronto, les manifestants sont situés dans un terrain qui appartient en partie à la Ville, et dans une propriété privée de l’église locale (qui ne demande pas d’expulsion) en partie. À New York, les manifestants se trouvaient sur des terres entièrement privées. Dans d’autres villes, les manifestants peuvent se trouvent sur des terres entièrement publiques. Certaines villes peuvent avoir des ordonnances contre le camping public, mais d’autres ne le feront pas. Une ville pourrait adopter un règlement ou un règlement spécifique pour traiter spécifiquement avec les manifestants d’Occupy. Il est donc difficile de généraliser.
Mais en supposant qu’il y ait une loi qui est violée par la protestation - qu’il s’agisse de camping public, de règlements de zonage, de flânage ou autre - alors il est très probable que l’application de cette loi aux manifestants d’Occupy serait maintenue en vertu de l’article 1 de la Charte.
La raison en est que la limitation ne serait vraiment rien de plus qu’une restriction « de temps, de manière et de lieu », et si la municipalité ne fait rien de plus que d’enlever des tentes, alors elle ne fait que limiter la « manière » de l’activité expressive, et si le tribunal devait accepter que le tangage d’une tente était expressif, au minimum, il faudrait reconnaître qu’une telle expression est vraiment secondaire par rapport à l’expression qui a lieu à l’extérieur des tentes. En d’autres termes, si les manifestants sont laissés dans le parc et autorisés à exprimer pleinement leurs préoccupations de la manière qu’ils jugent appropriée, mais qu’ils ne sont tout simplement pas autorisés à se retirer dans leurs tentes lorsqu’ils n’expriment pas leurs préoccupations, ce serait vraiment une intrusion minimale dans les droits constitutionnels.
Il ne fait aucun doute qu’une justification indiquerait des préoccupations en matière de santé et de sécurité publiques, citant des surdoses récentes de drogue à Vancouver et à Toronto, et des préoccupations générales de délabrement, et si ces préoccupations étaient prouvées par des preuves, il est difficile de voir comment un tribunal ne considérerait pas qu’il y a un objectif urgent et réel (Bien qu’à proprement parler, la Cour est censée examiner l’objectif du législateur de la loi elle-même, qui a probablement été adoptée il y a quatre-vingts ans, et non les raisons de l’application de la loi en l’espèce. Malgré cela, je suis certain que ces faits seraient soulevés par la Ville).
En bref, il y a une voie claire pour les municipalités de supprimer ces « villes de tentes » sans offenser la constitution. Mais comme tout en politique, beaucoup dépend de la façon dont le gouvernement équilibre les différents intérêts. Une interdiction pure et simple de toute manifestation Occupy serait probablement annulée. Mais permettre aux manifestants d’arriver tous les jours, protester de la manière (non violente) qu’ils jugent appropriée, puis les obliger à rentrer chez eux le soir? Je ne vois pas comment un tribunal pourrait invalider cette loi comme étant inconstitutionnelle.
Oui, dit Ranjan K. Agarwal
Les 99 pour cent s’expriment de manière significative en « occupant » nos parcs - tant qu’ils restent pacifiques, la Charte les protégera.
L’objectif du mouvement Occupy Wall Street, qui s’est étendu à plus de 20 villes canadiennes, est de créer un « éveil démocratique » pour protester contre l’influence des entreprises, l’inégalité des revenus et le manque de responsabilisation pour la crise financière mondiale. Contrairement à d’autres manifestations similaires contre le G20 ou l’Organisation mondiale du commerce, l’outil de ce mouvement est d’occuper littéralement les places publiques et les parcs. L’expression du mouvement n’est pas seulement les mots utilisés lors des rassemblements ou les pancartes tenues par les manifestants , c’est l’acte même d’occuper des espaces publics. Cette forme particulière d’expression est protégée par la Constitution en vertu de l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (liberté d’expression) et de l’alinéa 2c) de la Charte (liberté de réunion pacifique). À moins que les municipalités ne puissent faire preuve d’une violence endémique ou de préoccupations sanitaires généralisées, il est difficile de voir comment elles peuvent justifier la fermeture complète des manifestations. Ils peuvent surveiller le mouvement et arrêter des manifestants pour des actes violents ou la consommation de drogue, mais ils auront du mal à obtenir la bénédiction des tribunaux pour balayer les parcs.
Liberté d’expression et de réunion pacifique
Il n’est pas contesté que les manifestants d’Occupy ont la liberté fondamentale de « pensée, de croyance, d’opinion et d’expression ». La définition de l’expression de la Cour suprême est nécessairement large : « L’activité est expressive si elle tente de transmettre un sens » (R c. Keegstra, [1990] 3 RCS 697). On peut soutenir qu’il n’y a rien d’expressif à occuper un parc ou un espace public. Ce raisonnement ignore la raison d’être du mouvement : occuper littéralement des espaces publics dans un spectacle de démocratie populaire. L’expression du mouvement n’est pas dans les discours des manifestants, les rassemblements qu’ils organisent ou les pancartes qui agitent, mais dans le fait qu’ils occupent des places publiques et des parcs. Les tentes de nuit rendent évident que l’espace public a été occupé, et transmet le sens que les manifestants ne céderont pas jusqu’à ce qu’il y ait un « réveil démocratique ». Si les manifestants dormaient simplement sur des bancs ou manifestaient pendant la journée, leurs actions pourraient être moins expressives. Les tentes, les bibliothèques, les cuisines et les centres médicaux démontrent que ce mouvement n’est pas une manifestation, une marche de rue ou un rassemblement, mais c’est, en fait, une occupation.
Plus important encore, ce type d’expression est probablement une expression politique, « le type d’expression le plus important et le plus protégé » (Harper c. Canada (PG), 2004 CSC 33). Le discours politique est au cœur de notre démocratie parce qu’il donne aux gens le droit de discuter et de débattre d’idées. Le mouvement Occupy a clairement favorisé un débat sur l’inégalité des revenus et la crise financière mondiale compte tenu de l’attention qu’il a eue par les politiciens, les médias et les citoyens moyens.
Même si le mouvement Occupy n’exprime rien, il est difficile de croire que le droit des manifestants de le faire n’est pas couvert par l’article 2(c) de la Charte, qui garantit à chacun la liberté fondamentale de liberté de réunion pacifique. Il y a très peu de jurisprudence sur l’alinéa 2c), mais le sens ordinaire des mots est clair : le gouvernement ne peut pas faire des lois ou prendre des mesures pour enfreindre autrement le « rassemblement pacifique » sans violer la Charte. L’occupation des parcs et des places est probablement un rassemblement et, pour la plupart, a été pacifique. Il est difficile de voir comment les municipalités pourraient soutenir que le démontage des tentes n’est pas une violation de l’alinéa 2c).
Les règlements administratifs portant atteinte aux droits des manifestants ne sont pas justifiables
Si un tribunal a conclu que les mouvements Occupy transmettaient un sens ou étaient des rassemblements pacifiques, le gouvernement pourrait être en mesure d’utiliser les règlements municipaux et les ordonnances pour mettre fin aux manifestations si ces lois sont des limites justifiables en vertu de l’article 1 de la Charte. Chaque municipalité a une loi ou une ordonnance différente sur laquelle elle a l’intention de s’appuyer. Le défi pour la plupart des municipalités, c’est qu’elles n’ont probablement pas de règlement sur l’absence d’occupation. Ainsi, les municipalités semblent avoir trois options : a) s’appuyer sur les règlements existants, qui visent la santé et la sécurité ou qui interdisent le camping; b) obtenir une injonction du tribunal pour un recours spécifique, comme permettre aux pompiers d’accéder aux parcs sous la menace d’outrage pour les manifestants qui s’opposent à l’injonction; ou c) adopter un règlement spécifique visant ces mouvements.
À ce jour, les municipalités semblent s’appuyer sur deux arguments pour justifier une injonction ou des ratissages : les mouvements d’occupation présentent une menace pour la santé et la sécurité et les espaces publics sont nécessaires pour d’autres événements publics. Victoria soutient que les manifestants devraient être forcés de partir « pour des raisons de santé et de sécurité publiques et afin qu’ils puissent être préparés pour les activités de Noël ». Vancouver demandait une injonction pour enlever les tentes en raison de la violence apparente, de la présence de drogues et d’alcool et de la mort par surdose d’un manifestant. À London, en Ontario, la police a enlevé de force des tentes afin que la ville puisse « préparer le parc pour les événements ».
Même si l’on admet que les règlements administratifs existants en cause sont suffisamment importants et qu’il existe un lien rationnel entre la loi et son objectif (ce qui est requis en vertu de l’article 1 de la Charte), il est difficile de voir en quoi ces lois constituent une atteinte minimale aux libertés des manifestants. En cas de violence ou de consommation de drogues illégales, la police dispose de pouvoirs suffisants pour enquêter sur les délinquants et les arrêter. Si, comme à Vancouver, les manifestants ne permettent pas à la police d’éteindre les foyers, la police a le pouvoir d’arrêter les manifestants pour cette infraction. En réponse, à Vancouver, les manifestants ont accepté de coopérer avec le personnel des pompiers, prouvant qu’il existe des moyens moins intrusifs de traiter des problèmes individuels que de mettre fin aux manifestations.
Si les municipalités adoptaient des règlements spécifiques à Occupy, la Cour suprême serait probablement critique à l’égard d’une loi qui fait peu de cas de l’expression ou du rassemblement légitime au nom du « maintien de la paix ». Dans l’arrêt Dupond c. Montréal, [1978] 2 RCS 770 (qui est antérieur à la Charte), la Ville de Montréal a interdit les défilés et les rassemblements publics pendant 30 jours. La majorité de la Cour suprême a confirmé que le règlement relevait des pouvoirs de la Ville en matière de prise de loi. Mais la dissidence a soigneusement distingué entre les lois axées sur « la santé, l’assainissement ou l’éducation » et celles axées sur « une préoccupation flagrante pour la paix publique et sur la violence anticipée », cette dernière étant hors de la compétence de la ville. Bien que Dupond parle de fédéralisme et qu’il soit avant la Charte, il laisse entendre qu’un tribunal se méfierait beaucoup de porter atteinte aux droits des manifestants à moins que la municipalité ne puisse démontrer une réelle préoccupation en matière de santé et de sécurité et qu’aucun autre moyen n’était possible d’assurer la sûreté ou la sécurité autre qu’un balayage généralisé. Et « Noël arrive » ne va pas le couper dans les villes avec une multitude d’espaces verts.
La principale différence entre le mouvement Occupy et d’autres manifestations sociales est que les manifestants ici ont pour objectif d’occuper nos places publiques. Ce seul fait donne un sens à leur expression. Tant qu’ils resteront pacifiques, les gouvernements locaux auront le fardeau de démontrer que les règlements administratifs existants ou nouveaux constituent une limite raisonnable aux droits des manifestants garantis par la Charte. À moins que les municipalités ne puissent démontrer que les parcs sont devenus si dangereux ou si violents que le seul remède est de les fermer, les manifestants ont une cause défendable. Les 99 pour cent devraient être prêts à s’installer pour un long hiver.
Traduction alimentée par l’IA.
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