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La Cour conclut que le droit autochtone n’est pas un moyen de défense contre une injonction visant à restreindre les manifestations

11 mars 2020

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Écrit par Michael Theroux, Laura Gill, Bruce Mellett and Andrea Stempien

Le 31 décembre 2019, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé que les injonctions interlocutoires, qui peuvent inclure des clauses d’application de la loi par la police, sont un recours disponible pour empêcher les manifestants de bloquer les projets de pipelines qui ont reçu toutes les approbations gouvernementales et réglementaires requises (Coastal Gas Link Pipeline Ltd v Huson, 2019 BCSC 2264). 

Bien qu’il y ait eu des développements importants et de la publicité découlant des manifestations et des blocus depuis la publication de la décision, il reste une décision importante. La décision est particulièrement remarquable parce qu’elle est la première à tenir compte de la façon dont le droit coutumier autochtone et les perspectives juridiques devraient être pris en compte par les tribunaux lorsqu’ils décident d’accorder ou non une injonction. Il confirme également que c’est le conseil de bande autorisé qui parle au nom des Premières nations sur les questions de consultation et d’ententes sur les avantages.

Historique

En 2012, Coastal Gas Link Pipeline Ltd. (CGL) a commencé à obtenir des permis et des autorisations pour commencer la construction du projet de gazoduc Coastal Gas Link dans l’intérieur de la Colombie-Britannique. CGL a consulté les chefs et les conseils des bandes Wet’suwet’en au cours du processus de délivrance de permis et d’évaluation environnementale, qui a abouti à la conclusion par CGL d’ententes communautaires et d’ententes sur les avantages avec les bandes Wet’suwet’en. Conformément aux ententes, les bandes Wet’suwet’en ont consenti à la construction du projet. Les bandes Wet’suwet’en sont divisées à l’interne en 3 clans et divisées en 13 maisons. Malgré l’approbation générale des ententes par les bandes Wet’suwet’en, certaines des chambres dissidentes se sont opposées à l’octroi des permis pour le projet par le Bureau d’évaluation environnementale et la Commission du pétrole et du gaz. Les maisons dissidentes ont revendiqué les droits des Autochtones sur les terres où le projet était en cours de construction et certains membres et sympathisants, agissant en tant que manifestants, ont mis en place des barrages sur le tracé du projet pour entraver le projet. 

Lorsque la construction a commencé en 2018, les manifestants ont refusé de retirer les barrages pour permettre au projet d’aller de l’avant. À la fin de 2018, dans une tentative d’accéder à l’itinéraire du projet, CGL a demandé une injonction provisoire. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé une injonction interdisant aux manifestants de bloquer le tracé du projet pour rester en vigueur jusqu’à ce qu’une demande d’injonction interlocutoire plus permanente puisse être entendue par la Cour. 

La décision —L’injonction de 2019

En juin 2019, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a entendu la demande d’injonction interlocutoire. Au moment où la demande a été entendue, les manifestants continuaient de bloquer le tracé du projet, malgré l’injonction temporaire. CGL a fait valoir que l’utilisation par les manifestants de blocus comme recours d’auto-assistance contrevenait à l’injonction temporaire accordée précédemment, était contraire à la primauté du droit et constituait un abus de procédure. Les manifestants ont fait valoir qu’ayant agi conformément à la loi autochtone et étant donné que CGL avait besoin de leur consentement pour pénétrer sur les terres, ils n’ont donc pas contrevenu à l’injonction temporaire ou à la primauté du droit. Dans sa décision, la Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est penchée sur la défense des manifestants en matière de droit autochtone et a examiné le critère d’octroi d’une injonction. 

Le droit autochtone comme moyen de défense

La Cour a statué qu’en règle générale, le droit coutumier autochtone ne fait pas partie du droit interne canadien tant qu’il n’y a pas de moyen ou de processus de reconnaissance. La Cour a statué que le respect potentiel du droit autochtone invoqué par les manifestants en l’espèce n’est pas un moyen de défense contre une violation de la loi canadienne. Toutefois, la Cour a également statué que l’accommodement des perspectives juridiques autochtones est un facteur à prendre en considération dans la prise de décisions, la mise en garde étant que le droit relatif à la façon dont cette perspective devrait être prise en compte dans le droit canadien en est encore à ses balbutiements. La Cour a conclu qu’en vertu des lois canadiennes et autochtones, les blocus imposés par les manifestants constituaient un recours d’auto-assistance. La Cour a réaffirmé que les recours d’auto-assistance sont contraires à la primauté du droit et constituent un abus de procédure, que la Cour ne tolère pas. 

Le critère de l’injonction 

La Cour a ensuite examiné si le critère en 3 étapes pour une injonction avait été satisfait par CGL: 

  1. Il y avait une question sérieuse à juger.

    La Cour a affirmé qu’il s’agissait d’un seuil peu élevé à atteindre et qu’elle exigeait seulement que CGL démontre que sa demande n’était ni frivole ni vexatoire. La Cour a conclu que CGL avait satisfait à cette étape du critère, car les questions sérieuses à juger comprenaient les réclamations de CGL contre les manifestants pour nuisance, violation du Code criminel, intimidation, incitation à la rupture de contrat, ingérence dans les relations économiques par des moyens illégaux, complot et violation du Règlement sur l’utilisation des routes de service forestier

  2. CGL subirait un préjudice irréparable qui ne pourrait pas être indemnisé financièrement si l’injonction était refusée.

    Pour déterminer si CGL subirait un préjudice irréparable, la Cour a considéré que CGL avait engagé et continuerait d’engager des coûts de millions de dollars en raison du blocus des manifestants. Étant donné que CGL ne serait probablement pas en mesure de recouvrer ces dommages auprès des manifestants, le préjudice a été jugé suffisamment grave pour satisfaire à cette branche du critère. La Cour a fait remarquer que des injonctions peuvent être accordées lorsque la conduite à enjoindre est illégale, même s’il n’y a pas de préjudice irréparable.

  3. L’octroi de l’injonction était approprié dans la prépondérance des inconvénients.

    En examinant les intérêts de CGL, la Cour a tenu compte des centaines de millions de dollars de pertes qui se produiraient si le projet n’allait pas de l’avant, et a conclu que ce préjudice était irréparable et important. La Cour a également tenu compte des pertes économiques pour les entreprises autochtones qui avaient conclu des contrats liés au projet, ainsi que de la perte de possibilités d’emploi et d’avantages financiers qui résulteraient si l’injonction n’était pas accordée. 

En soupesant les intérêts des manifestants, la Cour a estimé que l’octroi de l’injonction n’aurait pas d’incidence sur leurs activités de chasse et de piégeage et aurait des répercussions archéologiques sur les terres dans lesquelles ils avaient un intérêt; un tel impact découlerait de la construction — et non de l’injonction. La Cour a également conclu que l’injonction ne ferait que restreindre les droits des manifestants de manière limitée. Fait important, la Cour a reconnu que l’octroi d’une injonction dans cette affaire ne ferait qu’empêcher les manifestants d’utiliser illégalement des recours d’auto-assistance. 

Enfin, la Cour a examiné les intérêts des bandes Wet’suwet’en. Il a noté le désaccord au sein des bandes au sujet de l’appui au projet. Étant donné que les chambres dissidentes, y compris certains des manifestants, ont eu l’occasion de participer et d’exprimer leurs préoccupations liées au projet dans le cadre des processus de consultation et de réglementation, la prépondérance des inconvénients était en faveur de l’octroi de l’injonction pour permettre à CGL d’aller de l’avant avec le projet pour lequel elle avait légitimement obtenu des autorisations et des permis.  

En fin de compte, la Cour a jugé que CGL satisfaisait au critère et a accordé l’injonction pour empêcher les manifestants de bloquer davantage la construction. 

Points à retenir

La décision d’injonction de 2019 est remarquable pour les trois points à retenir suivants, qui ont le potentiel d’avoir une incidence sur les décisions futures de cette nature : 

  1. Le droit coutumier autochtone ne remplace pas l’application du droit interne canadien, mais peut être pertinent pour les points de vue autochtones qui ont une incidence sur la question dont le tribunal est saisi. 

  2. Les tribunaux accorderont des injonctions contre les personnes ou les groupes qui utilisent des recours d’auto-assistance pour retarder ou entraver les projets pour lesquels des approbations réglementaires et gouvernementales ont été obtenues. L’utilisation par une partie de recours d’auto-assistance pour s’opposer à une injonction et son omission de prendre des mesures par des moyens légaux pour promouvoir ses intérêts (comme le défaut de participer à des processus réglementaires ou de ne pas participer à des consultations) peut avoir une incidence sur l’évaluation de l’étape de la prépondérance des inconvénients du critère d’une injonction. 

  3. Si un promoteur de projet a conclu une entente avec des bandes des Premières Nations, le tribunal peut accorder plus d’importance à la consultation entreprise et à toute entente avec les chefs et les conseils élus, plutôt qu’à tout intérêt dissident avec les bandes. La décision appuie la position qui reconnaît les chefs élus et les conseils de bande comme parlant au nom des Premières Nations, bien qu’il s’agisse d’un domaine en évolution qui pourrait donner lieu à des différends à l’avenir. 

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