Cet article est la partie II d’une série qui traite des changements proposés par le gouvernement fédéral au régime de réglementation environnementale du Canada régissant le développement et l’exploitation de projets au Canada.
Dans le présent article, nous passons en revue les changements au régime canadien d’évaluation des projets proposés dans le cadre du projet de loi 69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Le projet de loi 69 est l’aboutissement de plus d’un an d’examen par des groupes d’experts, de consultations publiques, de commentaires des communautés autochtones et d’études en comité parlementaire. Le gouvernement fédéral cherche à établir un processus d’évaluation des projets qui apportera l’acceptation du public et la certitude dont il a grandement besoin pour l’examen des grands projets. Les enjeux sont élevés parce que le processus d’examen des projets est à l’intersection de nombreux objectifs stratégiques fédéraux qui façonneront notre économie des ressources naturelles et définiront la façon dont le Canada est perçu par les promoteurs qui pourraient souhaiter participer.
Bien que de nombreuses caractéristiques fondamentales du régime actuel soient conservées, les modifications proposées ont une portée ambitieuse et changeront considérablement et élargiront des éléments importants du régime d’évaluation d’impact du Canada. Les caractéristiques notables incluent:
La discussion qui suit met en évidence les domaines d’intérêt pour les personnes impliquées dans l’élaboration de projets ou l’évaluation d’impact.
La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) [LCEE 2012] sera abrogée et remplacée par la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI). L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) sera maintenue en tant qu’Agence d’évaluation d’impact du Canada (l’Agence). Contrairement à la LCEE, l’Agence assumera également un rôle élargi en tant qu’autorité responsable des évaluations d’impact.
Le passage de l’évaluation d’impact environnemental à l’évaluation d’impact plus large se reflète dans l’ensemble de l’AAI. Cette nouvelle approche est démontrée par la portée élargie des « effets » qui comprennent « les changements dans l’environnement ou dans les conditions sanitaires, sociales ou économiques et les conséquences de ces changements ». Il faut tenir compte des effets positifs et négatifs.
Cette portée plus large existe dans les régimes provinciaux depuis un certain temps , par exemple, les « cinq piliers » de l’évaluation de la Colombie-Britannique (effets environnementaux, économiques, sociaux, patrimoniaux et sur la santé), qui est fondée sur une approche de développement durable.
De plus, la LAI exige la prise en compte des « effets négatifs directs ou accessoires » : effets directement liés ou nécessairement accessoires à l’exercice par une autorité fédérale d’un pouvoir ou d’une obligation qui permettrait l’activité concrète ou le projet désigné, ou qui sont liés à une aide financière fédérale pour permettre une activité.
L’AAI redéfinit l’intérêt public. Lorsqu’ils décident si un projet est dans l’intérêt public, le ministre et le gouverneur en conseil doivent tenir compte des facteurs énoncés à l’article 63, notamment les suivants :
La LEI contient plusieurs nouvelles exigences pour le ministre concernant les peuples autochtones, y compris l’élargissement de l’approche scientifique sur laquelle les décisions sont fondées pour inclure les connaissances traditionnelles autochtones. Les répercussions potentielles sur les droits des peuples autochtones sont l’un des nombreux facteurs dont le ministre ou le gouverneur en conseil doit tenir compte pour déterminer si une activité est dans l’intérêt public.
L’Agence doit offrir de consulter tout groupe autochtone qui pourrait être touché par la réalisation du projet désigné à l’étape de la planification d’une évaluation. L’Agence doit également tenir compte de tout impact négatif potentiel sur les droits des peuples autochtones lorsqu’elle détermine si une évaluation d’impact est nécessaire, et doit tenir compte de ces effets.
La définition d'« effets » en ce qui concerne les peuples autochtones demeure inchangée par rapport à la LCEE 2012 et comprend les effets sur la santé, les conditions sociales ou économiques des peuples autochtones et tout changement à l’environnement qui entraîne des changements dans leur patrimoine, l’utilisation actuelle des terres à des fins traditionnelles ou les sites historiques.
Par ailleurs, la LEI contient des dispositions visant à protéger la confidentialité des connaissances traditionnelles des peuples autochtones fournies dans le cadre d’un examen. L’Agence doit également mettre sur pied un comité consultatif pour donner des conseils sur les intérêts des peuples autochtones liés aux évaluations en vertu de la LEI.
Fait à noter, la LEI n’établit pas de critère de qualité pour agir en faveur de la participation du public. Les commentaires du public doivent être pris en compte dans une évaluation d’impact, mais ils ne sont pas un facteur qui doit être pris en compte pour déterminer si un projet est dans l’intérêt public. Cette approche inclusive, combinée à la liste élargie des facteurs à prendre en compte, élargira la portée et la complexité des évaluations.
Le ministre doit également tenir compte des commentaires du public lorsqu’il détermine s’il y a lieu de convoquer une commission d’examen conjoint.
En vertu de la LEI, l’Agence sera responsable de diriger toutes les évaluations d’impact pour les projets désignés et coopérera, au besoin, avec d’autres organismes (p. ex., par l’entremise de commissions d’examen conjointes) aux diverses étapes décrites ci-dessous. Les projets non désignés continueront d’être réglementés par les « organismes de réglementation du cycle de vie », comme l’Office national de l’énergie, mais demeureront assujettis à d’autres règlements environnementaux fédéraux, par exemple, les exigences de la Loi sur les pêches.
À l’instasé dans la LCEE 2012, le ministre conserve la capacité de désigner une activité aux fins d’évaluation si l’activité causerait un effet préjudiciable de compétence fédérale, des effets négatifs directs ou accessoires, ou lorsque les préoccupations du public le justifient.
En vertu de la LEI, le ministre doit tenir compte de tout effet préjudiciable sur les droits des peuples autochtones avant de rendre le décret.
La création d’une phase de planification met davantage l’accent sur la consultation préalable à la demande et sur l’établissement de la portée du processus réglementaire. Ce travail direct aidera l’Agence à évaluer le niveau et la nature de l’intérêt public afin de décider si une évaluation d’impact est nécessaire.
Au cours de cette phase, l’Agence offrira des consultations à toute administration ayant des pouvoirs liés à l’activité et à tout groupe autochtone qui pourrait être touché par la réalisation du projet désigné, et établira une possibilité de commentaires du public. Les autorités fédérales qui ont l’expertise ou l’information pertinente doivent également aider l’Agence sur demande.
À la fin de l’étape de la planification, l’Agence remettra au promoteur un résumé des questions pertinentes recueillies au cours de la phase de planification. L’Agence peut également demander des renseignements supplémentaires avant de décider de la façon de procéder.
À la réception de tous les renseignements nécessaires, l’Agence décidera si une évaluation d’impact est nécessaire et devra tenir compte des éléments suivants :
Une fois que l’Agence a déterminé qu’une évaluation d’impact est nécessaire, elle dispose de 180 jours à compter de la date à laquelle le promoteur a fourni sa description initiale pour émettre un avis de lancement. Un avis d’ouverture doit indiquer quels renseignements ou études sont requis pour que l’Agence termine son évaluation.
Une fois qu’un avis d’ouverture est émis, le promoteur a trois ans pour déposer les rapports requis. Si ce n’est pas le cas, l’évaluation prend fin.
L’article 22 énumère les facteurs qui doivent être pris en compte dans le cadre d’une évaluation d’impact. Voici quelques-uns des facteurs les plus notables et les plus obligatoires :
La première voie d’évaluation, et la voie par défaut, consiste pour l’Agence à entreprendre l’examen. Dans le cadre d’un examen, l’Agence peut exiger la collecte de renseignements ou la réalisation de toute étude qu’elle juge nécessaire, et doit inclure la participation du public.
À la suite de son examen, l’Agence doit présenter une ébauche de rapport énonçant les effets probables du projet désigné dans les 300 jours suivant l’avis de lancement, y compris une période de commentaires du public sur l’ébauche du rapport.
La LEI permet au ministre de proroger le délai dans diverses circonstances, y compris de demander de plus amples renseignements au demandeur.
Le ministre peut renvoyer l’évaluation d’impact à une commission d’examen dans les 45 jours suivant l’avis d’ouverture, après avoir examiné :
Une commission d’examen doit terminer son rapport dans les 600 jours suivant sa nomination. Le ministre peut mettre fin à l’évaluation s’il estime que la commission ne présentera pas son rapport dans le délai imparti ou s’il ne le fait pas.
Le ministre doit mettre sur pied une commission d’examen conjoint pour les activités désignées en vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie ou de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Pour les projets qui ne relèvent pas de la compétence de la Régie ou de la CCSN, le ministre peut également établir une commission d’examen conjoint avec une autre administration par entente. Le ministre doit établir ou approuver le mandat de la commission d’examen, y compris un délai, et nommer un président et au moins un membre de la commission.
À la demande d’une province, le ministre peut approuver un processus d’évaluation provincial comme substitut au processus fédéral, s’il est convaincu que l’évaluation provinciale comprendra les mêmes éléments, y compris les considérations relatives à l’évaluation. De même, le ministre peut également approuver une évaluation par un organe directeur autochtone comme substitut dans les bonnes circonstances.
Après avoir reçu une ébauche de rapport de l’Agence, le ministre déterminera si les effets négatifs de compétence fédérale sont dans l’intérêt public, puis devra renvoyer la question de savoir si le projet est dans l’intérêt public au gouverneur en conseil.
Lorsque l’examen est effectué par une commission d’examen conjoint, le ministre doit renvoyer la décision de savoir si l’affaire est dans l’intérêt public au gouverneur en conseil.
La LEI prescrit les facteurs dont le ministre et le gouverneur en conseil doivent tenir compte pour déterminer si l’activité est dans l’intérêt public. Il s’agit notamment des éléments suivants :
Le ministre doit remettre une déclaration de décision et toute condition connexe au promoteur dans les 30 jours suivant l’affiche du rapport de l’Agence sur le site Web de l’Agence ou dans les 90 jours suivant l’affiche du rapport de la commission d’examen conjoint.
La gamme complète des activités désignées est encore inconnue. Une consultation publique sur le contenu du Règlement sur la désignation des activités concrètes est en cours.
On demande également au public de fournir des commentaires sur les renseignements qu’un promoteur de projet devrait fournir à l’étape de la planification d’une évaluation d’impact. Une fois finalisé, le Règlement sur la gestion de l’information et du temps décrira l’exigence relative à l’information requise à l’étape de la planification ainsi que les critères pour guider la suspension des délais.
Toute personne intéressée à soumettre des commentaires sur l’un ou l’autre de ces règlements peut le faire d’ici le 15 avril 2018, en suivant les instructions du site Web du gouvernement du Gouvernement du Canada.
Bien que de nombreux détails importants soient en cours d’examen, il est clair que le nouveau régime d’évaluation aura plusieurs répercussions pratiques :
Le plan ambitieux établi par le projet de loi 69 nécessitera d’importantes ressources fédérales – personnel, temps et expertise – pour atteindre ses objectifs d’accroître la confiance du public dans le processus et de créer plus de certitude pour les promoteurs de projets. Dans un monde où les capitaux pour les projets de mise en valeur des ressources sont mobiles, le Canada doit disposer d’un processus d’examen de projet efficient et efficace pour être concurrentiel afin d’attirer des capitaux pour développer nos ressources naturelles et nos infrastructures civiles.
Ceux qui sont intéressés à façonner la version finale du projet de loi 69 et ses règlements connexes devraient participer aux occasions de commentaires du public. Notre équipe chez Bennett Jones LLP se ferai un plaisir de vous aider.
Parte I : Examen fédéral des processus environnementaux et réglementaires en cours
Parte III : Changement en mer : Loi sur les eaux navigables canadiennes