Le 17 avril 2012, le gouvernement du Canada a annoncé, dans le cadre de son Plan d’action économique de 2012, son plan de Développement responsable des ressources, qui vise à simplifier le processus d’examen réglementaire des grands projets économiques en déposant de nouvelles lois visant à accroître l’efficience et la prévisibilité, à assurer une protection efficace de l’environnement et à tenir des consultations plus significatives avec les peuples autochtones.
Le gouvernement a indiqué que le cadre réglementaire existant nécessite une « réforme complète » et il a l’intention de présenter un projet de loi pour mettre en œuvre des améliorations à l’échelle du système afin d’atteindre l’objectif d'« un projet, un examen, dans une période clairement définie ».1 Le plan de Développement responsable des ressources est fondé sur les thèmes clés suivants2 :
- rendre le processus d’examen des grands projets plus prévisible et plus rapide;
- réduire les chevauchements dans le processus d’examen;
- Renforcement de la protection de l’environnement; et
- Améliorer les consultations avec les peuples autochtones.
Voici quelques-unes des principales mesures proposées3 :
- Axer les évaluations environnementales sur les grands projets qui présentent un plus grand potentiel d’effets environnementaux négatifs importants, ce qui comprendrait la participation du public directement touché. À cet égard, il semble que le gouvernement ait l’intention d’utiliser une nouvelle approche qui déterminera les projets précis qui nécessiteraient un examen fédéral fondé sur l’établissement d’une « liste de projets », qui décrira les catégories de projets auxquels la législation fédérale en matière d’évaluation environnementale s’appliquera, comme les projets énergétiques et miniers. 4 Notamment, à titre de mesure de protection, le ministre de l’Environnement aura le pouvoir d’ordonner une évaluation pour tout projet de compétence fédérale. 5
- Simplifier la structure actuelle des évaluations environnementales et la remplacer par seulement deux types d’examens : une évaluation environnementale standard ou une commission d’examen.
- Les décisions de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale quant à la nécessité d’une évaluation environnementale fédérale seront prises plus tôt dans le processus (dans les 45 jours).
- Fixer des délais de 12 mois pour les évaluations environnementales normalisées dirigées par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et établir les délais maximaux suivants du début à la fin pour les commissions d’examen : 24 mois pour les projets en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et 18 mois pour les projets en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Notamment, les échéanciers s’appliqueront au gouvernement et non aux promoteurs de projets.
- Établir des échéanciers juridiquement contraignants pour les principaux processus réglementaires de délivrance de permis, y compris la Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la protection des eaux navigables, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
- Regrouper la responsabilité des évaluations environnementales avec l’Agence canadienne d’évaluation environnementale pour la plupart des projets, ainsi qu’avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l’Office national de l’énergie pour les projets relevant de leur compétence. Cela permettra de faire passer de plus de 40 à trois le nombre d’organisations responsables des examens.
- Donner au gouvernement fédéral le pouvoir, au moyen de dispositions de substitution et d’équivalence, de permettre aux évaluations environnementales provinciales qui répondent aux exigences de fond de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de remplacer les évaluations fédérales comme moyen d’éliminer les chevauchements. En particulier, le gouvernement a indiqué que si une province demande la substitution et que son processus satisfait aux exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, il remplacera le processus de la province. 6
- Permettre à un seul organisme de réglementation, comme une province, l’Office national de l’énergie ou la Commission canadienne de sûreté nucléaire qui effectue un examen de projet, de délivrer des autorisations en vertu de dispositions clés de la Loi sur les pêches, si l’organisme de réglementation satisfait aux exigences fédérales.
- Ne plus avoir besoin de commissions d’examen conjoint pour les projets réglementés par l’Office national de l’énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
- Établir une responsabilisation plus claire à l’égard des décisions sur les grands projets de pipelines dans l’intérêt national en donnant au gouvernement le pouvoir d’approuver ou de rejeter un projet de pipeline, sur la base des recommandations de l’Office national de l’énergie, et dans les conditions d’exploitation sécuritaire du pipeline établies par l’Office national de l’énergie, qui ne peuvent pas être modifiées par le gouvernement. 7
- Fournir du financement pour améliorer la sécurité des pipelines en permettant à l’Office national de l’énergie d’augmenter le nombre d’inspections des oléoducs et des gazoducs et le nombre de vérifications annuelles exhaustives et fournir du financement pour renforcer davantage le régime de sécurité des navires-citernes du Canada, y compris les cadres législatifs et réglementaires appropriés liés aux déversements d’hydrocarbures et à la préparation et à l’intervention en cas d’émergence. 8
- Prévoir des conditions exécutoires dans les autorisations en vertu de la Loi sur les pêches et permettre des autorisations à plus long terme avec des conditions exécutoires en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
- En collaboration avec les gouvernements provinciaux, permettre une plus grande utilisation des évaluations environnementales régionales pour cerner et traiter les effets régionaux et cumulatifs potentiels, en particulier dans les régions où il y a des aménagements à grande échelle.
- Présenter des énoncés de décision exécutoires en matière d’évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale afin de s’assurer que les promoteurs de projets de ressources se conforment aux mesures d’atténuation requises et de donner aux inspecteurs fédéraux le pouvoir d’examiner si les conditions d’une déclaration de décision sont respectées ou non. Les pénalités proposées en cas de non-conformité aux conditions énoncées dans les déclarations de décision pourraient varier de 100 000 $ à 400 000 $. 9
- Autoriser le recours à des sanctions administratives pécuniaires en cas d’infraction à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et à la Loi sur l’Office national de l’énergie. Les pénalités proposées pourraient varier de 25 000 $ à 100 000 $ en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de la Loi sur l’Office national de l’énergie, tandis que l’éventail des pénalités en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale sera établi par règlement. 10
- Mieux intégrer les consultations auprès des Autochtones dans les nouveaux processus d’évaluation environnementale et de réglementation, fournir du financement pour appuyer les consultations avec les Peuples autochtones et établir des protocoles de consultation ou des ententes avec les groupes autochtones afin de clarifier les attentes et le niveau de consultation dans les examens de projets.
- Négocier des protocoles d’entente avec les gouvernements provinciaux afin de mieux harmoniser les processus fédéraux et provinciaux et d’améliorer la participation des groupes autochtones, des promoteurs de projets et des organisations gouvernementales. Le gouvernement fédéral travaille actuellement à de telles ententes avec la Nouvelle-Écosse et l’Alberta.
En Alberta, le Parti progressiste-conservateur et le Parti Wildrose appuient tous deux le plan fédéral visant à simplifier le processus d’examen réglementaire. 11 Cependant, le plan du gouvernement fédéral n’est pas sans critiques. Le jour de l’annonce du plan de Développement responsable des ressources, l’Institut Pembina a publié une déclaration dénonçant le plan et concluant que les « changements proposés affaibliront inutilement la protection de l’environnement pour les Canadiens ». 12 Selon l’Institut Pembina, « le processus fédéral d’examen environnemental est généralement plus rigoureux que les évaluations provinciales, et les données probantes suggèrent que les provinces comme l’Alberta n’ont pas la capacité adéquate d’examiner correctement les projets par elles-mêmes »13
Les promoteurs de projets devraient toutefois être encouragés par les changements proposés, comme on dit – le « diable est dans les détails ». Il sera important de continuer à surveiller l’élaboration de la législation nécessaire à la mise en œuvre du plan proposé par le gouvernement fédéral. Nous remarquons que la plupart des lois environnementales provinciales, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et les ententes d’harmonisation existantes entre les provinces et le gouvernement fédéral contiennent actuellement des dispositions qui visent à assurer la coopération entre les gouvernements et à éviter les chevauchements dans l’évaluation environnementale. Toutefois, dans la pratique, ces objectifs ont rarement été atteints, la plupart des projets faisant l’objet d’un examen provincial et fédéral, ce qui entraîne des dédoublements et des chevauchements excessifs. Des modifications législatives claires et des mécanismes souples pour le remplacement du processus provincial seront nécessaires afin de maximiser l’efficacité des changements de politique proposés.
La proposition d’établir des échéanciers obligatoires pour l’achèvement des évaluations environnementales fédérales sera également un changement bienvenu. Toutefois, nous remarquons que d’autres lois réglementaires avec de telles dispositions permettent également la suspension des délais obligatoires si des renseignements supplémentaires sont requis par l’autorité chargée de l’examen. En pratique, les demandes de renseignements supplémentaires des autorités chargées de l’examen peuvent entraîner des retards considérables qui pourraient permettre des inefficacités continues même si des délais obligatoires sont imposés. Afin d’assurer l’efficacité des examens, il sera également important pour les autorités chargées de l’examen d’avoir des exigences claires et uniformes en matière d’information pour la réalisation d’évaluations environnementales en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.
Remarques :
- Brochure sur le développement responsable des ressources, page 4 (consulté en ligne le 17 avril 2012).
- Ibid., à la page 6.
- Ibid., aux pages 6 et 11.
- Foire aux questions : Développement responsable des ressources à la question 7 (consulté en ligne le 17 avril 2012).
- Ce que signifie le développement responsable des ressources pour la protection de l’environnement (consulté en ligne le 17 avril 2012).
- Ce que signifie le développement responsable des ressources pour la coopération fédérale-provinciale (consulté en ligne le 17 avril 2012).
- Ce que signifie le développement responsable des ressources pour l’emploi et la croissance (consulté en ligne le 17 avril 2012).
- Ce que signifie le développement responsable des ressources pour la protection de l’environnement.
- Ibid.
- Ibid.
- Alberta Party Leaders Back Federal Regulatory Plan (consulté en ligne le 17 avril 2012 à www.calgaryherald.com).
- Pembina réagit aux plans du gouvernement fédéral visant à affaiblir l’évaluation environnementale (consulté en ligne le 17 avril 2012 à www.pembina.org).
- Ibid.