Liens Internet exclus de l’analyse traditionnelle de la diffamation

25 octobre 2011

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Dans une victoire pour les défenseurs de la liberté d’expression en ligne, la Cour suprême du Canada a rejeté à l’unanimité une poursuite controversée en diffamation fondée sur des hyperliens Internet.

Dans l’affaire Crookes c. Newton, le demandeur a intenté une poursuite pour diffamation découlant d’un affichage sur Internet qui contenait des hyperliens vers des sources secondaires qu’il a alléguées diffamatoires. Faisant une analogie entre les hyperliens et les notes de bas de page imprimées, une majorité de la Cour a statué que le simple fait d’établir un lien vers du matériel sur Internet ne constitue pas, sans plus, une « publication » aux fins d’une poursuite en diffamation.

Les faits

Wayne Crookes, un homme d’affaires de Vancouver, a allégué que Jon Newton l’avait diffamé en publiant un article sur le site Web de Newton qui faisait référence aux activités politiques de Crookes et qui, selon Crookes, était diffamatoire. La plainte pour diffamation était fondée uniquement sur le contenu du matériel secondaire auquel les hyperliens faisaient référence. Crookes a soutenu que l’établissement d’hyperliens vers les documents secondaires revenait à republier les documents offensants.

Le juge du procès a conclu que la création d’un hyperlien ne crée pas une présomption que quelqu’un a cliqué sur et lu le matériel lié. Le juge de première instance a également statué que, puisque Newton n’avait pas répété le contenu prétendument diffamatoire, il n’y avait pas eu de publication aux fins d’une action en diffamation. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ont confirmé la décision, concluant que lorsqu’il n’y avait pas d’encouragement ou d’invitation explicite à voir le matériel lié, l’hyperlien lui-même n’était pas diffamatoire.

Le tribunal refuse de restreindre la circulation de l’information en ligne

Traditionnellement, le contenu diffamatoire est « publié » lorsqu’un défendeur transmet un sens diffamatoire à un seul tiers, quel que soit l’acte ou la technologie utilisé. Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont déterminé que l’application de cette approche traditionnelle aux hyperliens limiterait sérieusement la circulation de l’information sur Internet et, par conséquent, la liberté d’expression.

Cette décision est importante pour les éditeurs en ligne. La majorité a classé les hyperliens comme un acte de publication « fondamentalement différent » et qui est « indispensable » au fonctionnement d’Internet. Qualifiant les hyperliens de « neutres sur le plan du contenu », la majorité a fait remarquer que même si les hyperliens communiquent que quelque chose existe, ils ne communiquent pas, en eux-mêmes, le contenu du matériel qui est lié par hyperlien.

De même, les juges majoritaires ont reconnu que le simple fait d’établir un lien vers du matériel sur Internet ne confère au « lien hypertexte » aucune mesure de contrôle sur le contenu lié. Un hyperlien ne sera considéré comme un acte de « publication » à des fins de diffamation que lorsque l’hyperlien répète un contenu diffamatoire.

Trois ensembles de motifs

Bien que la Cour suprême ait été unanime à rejeter l’appel, la cour a exprimé trois points de vue différents sur la question de savoir si l’hyperlien peut jamais constituer une publication :

Il est clair qu’un hyperlien de « style note de bas de page » qui fait référence à du matériel diffamatoire n’entraînera pas, sans plus, de responsabilité pour diffamation. Toutefois, la Cour était divisée sur la question de savoir si et comment le contexte d’un hyperlien peut effectivement « publier » le matériel lié à des fins de diffamation.

Bien que les motifs de la minorité donnent à penser qu’une certaine analyse contextuelle d’un hyperlien pourrait être pertinente dans des affaires futures, l’opinion dominante est que le matériel diffamatoire doit être expressément et intentionnellement répété dans un hyperlien pour que la responsabilité puisse survenir. Toutefois, les juges majoritaires ont également indiqué que cette décision n’est peut-être pas le dernier mot, car elle concerne tous les hyperliens. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Abella a exprimé les limites de la décision de cette façon:

La réalité d’Internet signifie que nous avons affaire à la fluidité inhérente et inexorable des technologies en évolution. Par conséquent, il me semble imprudent, dans ces motifs, d’essayer d’anticiper, et encore moins d’aborder de façon exhaustive, les implications juridiques des diverses catégories de liens qui sont ou peuvent devenir disponibles. Les liens intégrés ou automatiques, par exemple, pourraient bien s’avérer utiles dans des affaires futures, mais ces différences n’ont pas été débattues en l’espèce ou abordées devant les tribunaux d’instance inférieure, et n’ont donc pas besoin d’être abordées ici.

Conclusion

La Cour suprême du Canada a établi une règle de démarcation claire pour les poursuites en diffamation impliquant des hyperliens sur Internet : lorsqu’un hyperlien ne répète pas expressément et intentionnellement du matériel diffamatoire, il n’entraînera pas de responsabilité pour diffamation. Bien que cela devrait fournir un certain réconfort immédiat pour les éditeurs en ligne, ils devraient continuer à être conscients de répéter ou autrement associer étroitement leur contenu Internet avec du matériel potentiellement diffamatoire.

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