Le 26 mai 2015, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire Rea et autres c. Wildeboer, précisant le rôle distinct des actions dérivées en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario. Le rôle est si distinct que la Cour a confirmé qu’une décision de radier une déclaration était manifeste et évidente d’échouer parce qu’il s’agissait d’une action dérivée déguisée en action d’oppression.
Pendant des années, les commentateurs juridiques et les autorités ont noté la ligne apparemment trouble que les tribunaux de l’Ontario ont tenue en permettant aux plaignants d’utiliser le recours en cas d’oppression pour exercer un recours dérivé en vertu de la LSOB. La décision rendue en 2008 par la Cour d’appel dans l’affaire Malata Group (HK) Ltd c. Jung n’a fait qu’ajouter à cette confusion lorsqu’elle a conclu qu’il y avait un certain chevauchement entre les recours dérivés et les recours en cas d’oppression, et que ces recours de l’OBCA n’étaient pas « mutuellement exclusifs ».
En vertu de la LSAO, les actions dérivées exigent, comme condition préalable à leur utilisation, qu’un plaignant demande d’abord l’autorisation à un tribunal d’intenter une action au nom d’une société – et de remédier au préjudice causé à la société en général. Le recours en cas d’oppression n’exige pas d’autorisation. Si les actions dérivées potentielles sont facilement intégrées dans des réclamations pour oppression, il était possible que ces types de réclamations usurpent le cadre législatif de l’action dérivée et permettent effectivement aux plaignants de demander une telle réparation sans l’autorisation du tribunal. Comme les appelants dans l’affaire Rea l’ont fait valoir en appel, non seulement ce potentiel existe-t-il, mais les autorités récentes soutiennent que cela se produit et que la distinction entre ces réparations a été floue.
Dans l’arrêt Rea, les appelants ont cherché à interjeter appel de la décision d’un juge des requêtes qui a radié leur demande d’oppression. Le juge des requêtes a conclu que la demande des appelants, qui affirmait, entre autres choses, l’oppression découlant du détournement de fonds de la société, n’avait pas divulgué une cause d’action raisonnable parce que les faits, tels qu’ils étaient plaidés, n’appuyaient pas la demande.
La question qui se présentait à la Cour d’appel était de savoir si un plaignant pouvait faire valoir, par l’entremise du recours en cas d’oppression, une réclamation qui, de par sa nature, est une action dérivée pour un tort causé à une société (et, ce faisant, contourner l’exigence d’obtenir l’autorisation du tribunal d’intenter une telle action).
Dans leurs observations, les appelants se sont appuyés sur les demandes obscures entre les recours en matière de dérivés et les recours en cas d’oppression dans des affaires depuis l’arrêt Malata et sur l’arrêt fondamental de la Cour suprême du Canada en 2008 dans l’affaire BCE, qui a axé le recours en cas d’oppression sur les attentes raisonnables de l’actionnaire lésé. À leur avis, un plaignant a le droit d’intenter une action en oppression, même lorsque le tort est causé à une société, pourvu que les attentes raisonnables du plaignant aient été contre-vives au moyen d’une conduite visée par les termes « oppressif », « injustement préjudiciable » ou « injustement ignoré ». En l’espèce, les actes de procédure révélant de tels faits et, par conséquent, il existait une cause d’action raisonnable.
Pour leur part, les intimés ont soutenu que la distinction entre les réparations dérivées et les recours en matière d’oppression demeure importante, en partie en raison de l’exigence selon laquelle un plaignant doit demander l’autorisation d’un tribunal avant qu’un tribunal puisse réparer les torts causés à une société. À leur avis, l’obligation d’obtenir l’autorisation est nécessaire pour protéger les intérêts des sociétés contre des procédures sans fondement et coûteuses, en particulier lorsque ces sociétés sont des sociétés ouvertes à participation majoritaire.
La Cour d’appel a examiné le rôle et la fonction des recours dérivés et des recours en matière d’oppression. La Cour a statué qu’à la base, l’action dérivée est une réclamation d’entreprise parce qu’elle vise à réparer les torts causés à la société. En revanche, le recours en cas d’oppression est une réclamation personnelle parce qu’il vise à réparer les torts causés au plaignant par la société, ou à la suite de la conduite de la société d’une manière oppressive, injustement préjudiciable aux intérêts du plaignant ou qui ne tient pas compte injustement des intérêts du plaignant. Bien qu’il y ait des cas où ces recours se chevauchent, comme dans les sociétés familiales à peu d’affaires, il s’agit de deux recours distincts qui doivent être appliqués de cette manière. En l’espèce, le tort en cause touchait une société ouverte à grand nombre d’intérêts, et l’essentiel de la réparation demandée était au profit de la société et non d’un plaignant individuel. La décision du juge des requêtes de radier la demande d’oppression était donc justifiée.
En examinant l’arrêt Malata et les affaires qui ont suivi, la Cour a reconnu que, même s’il était vrai que la jurisprudence n’était pas uniforme quant à la façon de traiter les affaires portant sur un chevauchement des recours dérivés et des recours en matière d’oppression, les décisions invoquées par les appelants n’appuyaient pas l’abandon de la distinction entre eux. De l’avis de la Cour, ces pouvoirs permettaient aux plaignants d’intenter une action en cas d’oppression, même lorsque les torts étaient allégués contre la société, parce que les torts avaient également touché le plaignant d’une manière différente de celle des plaignants se trouvant dans une situation semblable.
En l’espèce, comme il a été plaidé, les torts affectant les actionnaires individuels n’étaient pas différents des actionnaires se trouvant dans une situation similaire; en tant qu’actionnaires d’une société ouverte à grand nombre d’actionnaires, ils étaient tous touchés de la même manière par le détournement de fonds. Si le tort avait également eu une incidence sur l’intérêt du plaignant en tant qu’administrateur ou créancier – comme l’avaient conclu les cas invoqués par les appelants – il y aurait eu un motif d’appuyer une demande d’oppression. Toutefois, il n’y avait pas d’allégation de ce genre en l’espèce.
La décision rendue dans l’affaire Rea nous donne les leçons suivantes :