Dans Wright v Horizons ETFS Management (Canada) Inc., 2020 ONCA 337, la Cour d’appel de l’Ontario a ouvert la porte à des recours collectifs d’investisseurs liés à des fonds négociés en bourse (FNB), statuant que le créateur/gestionnaire d’un FNB peut avoir une obligation de diligence en cas de négligence envers les investisseurs dans la création, la commercialisation et la gestion du FNB. La Cour d’appel a également clarifié les limites doctrinales entre l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario,
La défenderesse Horizons ETFS Management Inc. est l’un des plus importants fournisseurs de FNB sur le marché canadien. Parmi ses nombreux produits de FNB, Horizons a créé et géré passivement un FNB complexe dérivé, conçu pour offrir une exposition inverse à la volatilité des marchés boursiers (le Fonds).
Le Fonds avait pour but de suivre le rendement quotidien de l’indice VIX et de l’indice S&P 500 VIX Short-Term Futures (l’indice VIX Futures), qui sont des mesures de la volatilité prévue du marché. Le Fonds a été conçu de manière à ce que lorsque l’indice VIX Futures diminuait d’un certain pourcentage un jour donné, la valeur liquidative du Fonds augmente automatiquement de ce pourcentage. À l’inverse, lorsque l’indice VIX Futures a augmenté un jour donné, la valeur liquidative du Fonds a diminué de ce pourcentage.
Le Fonds était un fnb complexe et risqué. Si la volatilité demeurait faible, le Fonds générait des revenus en vendant des contrats à terme VIX à plus long terme à une prime par rapport aux contrats à court terme. Mais si la volatilité du marché augmentait, le prix de rachat des contrats à terme VIX pourrait augmenter de manière exponentielle. Par conséquent, le coût du rééquilibrage du Fonds à la fin de chaque jour de bourse à la suite d’une volatilité accrue du marché pourrait effacer tout gain sur des mois ou des années, en aussi peu qu’une seule journée. L’un des prospectus préparés dans le cadre du Fonds avertissait les investisseurs que le Fonds était « hautement spéculatif et comportait un degré de risque élevé ».
Le 5 février 2018, en fait du jour au lendemain, les investisseurs du Fonds ont perdu la quasi-totalité de leur investissement. Peu de temps après, la demanderesse a intenté un recours collectif proposé auprès des investisseurs, réclamant des dommages-intérêts pour les pertes en capital subies par les investisseurs du Fonds.
La principale cause d’action de la demanderesse était une réclamation pour négligence en common law fondée sur un argument selon lequel Horizons aurait manqué à une obligation de diligence envers ses investisseurs, notamment:
La demanderesse a également intenté une action en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières, alléguant une fausse déclaration dans un prospectus préparé relativement à l’émission de certaines parts du Fonds. Il s’agissait d’une nouvelle allégation : un tribunal de l’Ontario n’avait pas examiné auparavant si un investisseur dans un FNB pouvait maintenir une réclamation pour fausse déclaration sur le marché primaire en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. Le demandeur a probablement choisi d’aller de l’avant en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières — plutôt que de l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières, qui concerne les valeurs mobilières sur le « marché secondaire » — pour des raisons stratégiques. L’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières comprend un plafond de dommages-intérêts de 5 % de la capitalisation boursière de l’émetteur ou de 1 million de dollars pour un émetteur responsable, et une règle des coûts « perdant-payeur ». De plus, un demandeur qui présente une réclamation en vertu de l’article 138.3 doit d’abord obtenir l’autorisation du tribunal d’intenter une action, contrairement à un demandeur qui intente une action en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. Par conséquent, l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoit une cause d’action plus attrayante (en supposant qu’elle soit valablement plaidée) et des réparations plus puissantes que l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières.
Le juge de l’accréditation a refusé de certifier l’action du demandeur en tant que recours collectif au motif qu’il était « évident et manifeste » que la demande du demandeur ne révélatait pas une « cause d’action raisonnable » (c.-à-d. que la réclamation n’était pas défendable en droit).
Les parties ont convenu que la réclamation pour négligence de la demanderesse , qui portait sur la conception et la gestion prétendument négligentes du Fonds, était une réclamation pour perte purement économique. Le juge de certification a rejeté le fait que la demande de la demanderesse faisait partie de l’une ou l’autre des catégories d’obligations de diligence reconnues antérieurement pour une perte purement économique (y compris, par exemple, la fourniture négligente d’un « bien de mauvaise qualité » ou l’exécution négligente d’un service), ce qui obligeait le juge de certification à examiner s’il était approprié de reconnaître une obligation de diligence « nouvelle ».
Le juge de certification a fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Deloitte & Touché c. Livent Inc. (Séquestre de),
En fin de compte, le juge d’accréditation a déterminé qu’il n’était pas approprié de reconnaître une nouvelle obligation de diligence dans ces circonstances. Bien que le juge de certification ait été disposé à accepter qu’il existe une relation juridiquement « immédiate » entre Horizons et ses investisseurs (au motif qu’un préjudice pour les investisseurs serait une conséquence « raisonnablement prévisible » de la négligence d’Horizons), le juge de certification a conclu que toute obligation de diligence qui en résultait était limitée par la portée étroite de l’engagement d’Horizons. À son avis, Horizons n’avait pas accepté de garantir les rendements, de gérer activement le Fonds ou d’intervenir pour prévenir les pertes des investisseurs si les choses allaient mal. Horizons s’était plutôt simplement engagé à mettre sur le marché un produit de FNB qui fonctionnait comme décrit dans les documents d’information ci-joints (ce que le Fonds a fait). Par conséquent, Horizons ne pouvait être tenu responsable des pertes de ses investisseurs.
Le juge d’accréditation a également conclu qu’il y avait des raisons de principe qui militaient contre l’extension d’une obligation de diligence pour une perte purement économique de la manière proposée par le demandeur. De l’avis de la Cour, l’imposition d’une obligation de diligence dans la conception et la gestion d’un produit de FNB géré passivement :
Par conséquent, le juge d’accréditation a conclu qu’il était « évident et évident » que les réclamations pour négligence du demandeur ou des membres du groupe ne pouvaient pas être accueillies.
Le juge d’accréditation a reconnu qu’il « devrait y avoir une cause d’action légale pour les fausses déclarations dans la vente de FNB, qui représentent maintenant une part substantielle et croissante du marché des placements ». Mais la nouvelle question dont était saisi le juge de certification était de savoir si une réclamation pour fausses déclarations découlant de la vente de FNB pouvait être intentée en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières (concernant les fausses déclarations sur le marché primaire), ou si une réclamation ne découlait qu’en vertu de l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières (concernant les fausses déclarations sur le marché secondaire).
Les FNB s’inscrivent quelque peu mal à l’intérieur du régime de responsabilité civile créé par la Loi sur les valeurs mobilières. À cet égard, le processus de distribution des parts du Fonds aux investisseurs était quelque peu complexe et différait des distributions « typiques » de titres. En l’espèce, Horizons a distribué toutes les parts du Fonds à des courtiers/courtiers désignés en vertu d’une convention de distribution continue, les unités nouvellement créées étant appelées « parts de création ». Un courtier rendrait ensuite les unités disponibles à l’achat sur diverses bourses. Afin d’exécuter les ordres des investisseurs particuliers sur chaque bourse, le courtier ou le courtier vendrait une unité de son inventaire existant ou souscrirait à des unités de création supplémentaires d’Horizons.
En vertu des lois sur les valeurs mobilières applicables, la première vente d’une unité de création à un investisseur est une « distribution » d’un titre au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, qui exigeait qu’Horizons et le courtier désigné déposent un prospectus auprès de l’organisme de réglementation des valeurs mobilières concerné. Dans le même temps, les unités de création étaient avec d’autres parts du Fonds achetées par le courtier ou le courtier, de sorte qu’il était irréalisable de déterminer si une revente particulière impliquait des unités de création, des unités achetées sur le marché secondaire, ou les deux. Pour éviter ce problème, les organismes de réglementation des valeurs mobilières dispensent le courtier ou le courtier désigné de l’obligation de remettre un prospectus à chaque revente d’une unité de création, et permettent plutôt au courtier désigné de fournir un document sommaire (appelé document d’information sur les FNB) aux nouveaux acheteurs de parts. Il est important de noter qu’un investisseur dans le Fonds n’avait aucun moyen de savoir si son achat en bourse impliquait la vente primaire de parts de création ou la revente de parts sur le marché secondaire.
Cela soulève un problème : les investisseurs du Fonds achetaient-ils des parts en vertu d’un prospectus, de sorte qu’ils pouvaient présenter une réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières? Ou achetaient-ils des unités déjà en circulation sur le marché secondaire? Pourrait-on le dire?
Le juge de certification a conclu que le demandeur avait mal formulé sa réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières et qu’il ne pouvait pas présenter une réclamation pour fausse déclaration alléguée dans le prospectus du Fonds. De l’avis du juge de la certification, les FNB étaient fondamentalement liés au « marché secondaire » parce que les investisseurs particuliers achetaient des unités de courtiers désignés qui avaient rendu les unités disponibles à l’achat sur une bourse de valeurs, et n’achetaient pas les parts directement de l’émetteur. Le seul lien entre les FNB et le marché primaire était qu’avant qu’un FNB puisse commencer à être négocié en bourse, le gestionnaire de FNB était tenu de déposer un prospectus. Toutefois, les acheteurs des unités, à toutes fins pratiques, se négociaient sur le marché secondaire.
Sur ce fondement, le juge de l’accréditation a conclu qu’il était clair et évident que la réclamation du demandeur en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières ne pouvait être accueillie.
En appel, la Cour d’appel a déterminé que le juge de certification avait commis une erreur en concluant que les demandes du demandeur étaient « vouées à l’échec ». S’exprimant au nom d’un panel unanime de la Cour d’appel, le juge Thorburn a conclu qu’un gestionnaire de FNB peut avoir une obligation de diligence en cas de négligence découlant de la création et de la gestion d’un produit de FNB et que les investisseurs dans des FNB pourraient, dans certaines circonstances, présenter une réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières.
À titre préliminaire, la Cour d’appel n’était pas d’accord avec le juge de l’accréditation pour dire qu’il était clair et évident que la demande de la demanderesse n’en faisait pas partie des catégories précédemment reconnues d’obligation de diligence pour une perte purement économique. À son avis, on peut soutenir qu’Horizons avait envers ses investisseurs une obligation de diligence découlant de l’exécution négligente d’un service, sur la théorie selon laquelle Horizons fournissait un service dans la conception et la gestion du Fonds. À cet égard, on peut soutenir qu’Horizons avait conçu le Fonds avec négligence et n’avait pas veillé à ce qu’il s’agisse d’un produit de placement approprié pour les investisseurs particuliers.
Plus important encore, la Cour d’appel a statué que le juge de certification avait commis une erreur en concluant qu’il était clair et évident qu’il s’agissait d’un cas inapproprié de reconnaître une nouvelle obligation de diligence exigeant que les gestionnaires de FNB exercent une diligence raisonnable dans la création et la gestion des produits de FNB. En particulier, la Cour d’appel n’était pas d’accord avec le juge d’accréditation pour dire qu’Horizons s’était seulement engagé à « placer sur la bourse un produit financier qui fonctionnait conformément à la divulgation financière qui l’accompagnait ». On a plutôt laissé entendre qu’Horizons s’était engagée auprès de ses investisseurs à agir honnêtement, de bonne foi et dans le meilleur intérêt du fonds d’investissement, et à faire preuve de diligence raisonnable, conformément à l’article 116 de la Loi sur les valeurs mobilières.
La Cour d’appel a souligné qu’à ce stade précoce de l’instance et aux fins de la requête en autorisation, les allégations contenues dans la déclaration du demandeur devaient être présumées vraies. Étant donné que la demanderesse avait allégué qu’Horizons avait créé un fonds qui ne convenait à aucun investisseur parce qu’il était structurellement défectueux et « voué à l’échec », on peut soutenir qu’Horizons a manqué à une obligation de diligence dans les circonstances. Il n’était pas non plus évident et manifeste, à ce stade précoce du litige, que des considérations de principe devaient nier une telle obligation de diligence.
La Cour d’appel n’était pas non plus d’accord avec la conclusion du juge de certification selon laquelle tous les achats de parts de FNB devraient être traités comme des achats sur le marché secondaire, de sorte qu’un investisseur de FNB ne pouvait présenter une réclamation qu’en vertu de l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières. De l’avis de la Cour d’appel, un investisseur dans un FNB pourrait intenter une action en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières, s’il avait acheté une unité de création.
Pour commencer, comme le juge de certification l’avait reconnu, Horizons était tenu de préparer et de déposer un prospectus dans le cadre de la distribution des parts de création au courtier ou au courtier et de la première revente de parts de création à des investisseurs particuliers. Bien que le courtier/courtier n’ait pas été tenu de remettre un prospectus relativement à chaque vente d’une unité (en raison de la dispense accordée par les organismes de réglementation des valeurs mobilières), le document d’information sur les FNB fourni par le courtier/courtier incorporé par des renseignements de référence dans les prospectus pertinents. Par conséquent, les investisseurs particuliers qui achètent des unités de création étaient admissibles à titre d’acheteurs d’un titre offert par prospectus pendant une période de placement et pourraient donc maintenir une réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières.
De l’avis de la Cour d’appel, le fait qu’un investisseur n’ait pas été en mesure de dire au moment de l’achat s’il achetait une unité de création ou une unité sur le marché secondaire ne devrait pas empêcher les acheteurs de parts de création de présenter une réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. De toute évidence, les investisseurs n’étaient pas responsables de la façon dont les parts étaient distribuées et, dans les circonstances, il serait injuste de refuser aux acheteurs de Parts de création les avantages de procéder en application de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières. Fait important à cet égard, la Cour d’appel a noté que, d’après la preuve dont elle disposait, il n’était pas clair si Horizons ou le courtier pouvait faire la distinction entre les ventes de parts de création et d’autres unités. Bien qu’il s’agisse d’une question pratique qui devrait être abordée si le litige devait être traité comme un recours collectif, cela ne signifiait pas que la demande du demandeur était « vouée à l’échec ».
La Cour d’appel a reconnu que cela créait une distinction quelque peu artificielle entre les acheteurs de parts de création (qui pouvaient présenter une réclamation en vertu de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières) et les acheteurs de parts revendables (qui ne pouvaient présenter une réclamation qu’en vertu de l’article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières), d’autant plus que les investisseurs ne pouvaient pas savoir s’ils recevaient des unités de création ou revendaient des unités au moment de l’achat. Toutefois, cette conclusion a été jugée conforme à la façon dont les FNB étaient distribués et réglementés, ainsi qu’au texte de l’article 130 de la Loi sur les valeurs mobilières.
La décision de la Cour d’appel pourrait avoir des répercussions importantes sur les gestionnaires de FNB, les investisseurs et les autres participants aux marchés financiers :
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