Une affaire récente sur l’estoppel par convention dans le contexte de la résiliation d’un contrat de construction par un propriétaire fournit un rappel précieux aux juristes et au personnel de projet sur les dangers associés à ignorer le contrat, même lorsqu’il peut sembler sûr de le faire.
Dans l’affaire récente de la Cour d’appel de l’Ontario de Grasshopper Solar Corporation v Independent Electricity System Operator, 2020 ONCA 499 [Grasshopper], le tribunal a rejeté l’argument de l’entrepreneur selon lequel une communication antérieure assez expresse du propriétaire selon laquelle le contrat ne serait pas résilié pour retard « a empêché » le propriétaire de résilier ultérieurement l’accord pour retard.
L’entrepreneur avait fait valoir que l’expression « fin de non-recevoir par convention » s’appliquait, ce qui est brièvement défini comme une hypothèse commune de fait ou de droit entre deux parties contractantes qui peut avoir pour effet d’empêcher l’une des parties de faire valoir des droits contractuels d’une manière contraire à l’hypothèse commune. Le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’hypothèse partagée de ce genre dans les circonstances de l’affaire Grasshopper.
En août 2016, l’entrepreneur appelant, Grasshopper Solar Corporation, a conclu un contrat de tarifs de rachat garantis (contrat de TRG) avec la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) de l’Ontario, à titre de propriétaire, pour la construction d’installations solaires. Ces installations devaient fournir de l’énergie au réseau électrique de l’Ontario. L’entente comprenait une clause de temps de l’essence qui exigeait que Grasshopper Corp. réalise l’exploitation commerciale de ces installations avant une date d’échéance du 8 septembre 2019.
Le 17 juin 2013 (notamment avant de conclure le contrat de TRG avec Grasshopper Corp.), le prédécesseur de la SIERE, l’Office de l’électricité de l’Ontario (OEO), a publié un bulletin sur son site Web décrivant l’approche de l’OEO à l’égard des retards de projet en réponse à plusieurs questions de ses entrepreneurs, ou fournisseurs, à ce moment-là. Le bulletin prévoyait que si un fournisseur ne pouvait pas réaliser ses activités commerciales avant la date d’échéance prescrite par contrat, l’OEO n’agirait pas en fonction de ses droits de résiliation. Elle a en outre fourni, toutefois, que « les informations fournies ici sont destinées à des fins d’information uniquement et ne doivent pas être invoquées par les fournisseurs » ainsi que « ces informations ne constituent pas une renonciation à tout défaut réel ou potentiel, ni ne modifient le contrat de TRG ».
Le 29 mars 2019, près de trois ans après le début du contrat de TRG, la SIERE a envoyé une lettre à Grasshopper Corp. (et à d’autres fournisseurs) rappelant à Grasshopper Corp. la nécessité de terminer l’exploitation avant la date d’échéance de son contrat. La SIERE a également indiqué qu’elle avait expressément révoqué le bulletin et toute renonciation antérieure à son droit de résilier le contrat pour retard. La SIERE a également fourni un avis dans la lettre indiquant qu’un défaut d’exploitation à cette date constituerait un manquement qui permettrait à la SIERE d’exercer ses droits de résiliation.
Grasshopper Corp. a demandé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario de déterminer ses droits contractuels en vertu du contrat de TRG, à savoir que la SIERE n’avait pas le droit de résilier le contrat. Dans le cadre de procédures connexes, d’autres entrepreneurs, dans des circonstances similaires, ont également demandé une réparation similaire.
Devant la Cour supérieure de l’Ontario, Grasshopper Corp. s’est fondée sur plusieurs arguments, y compris l’estoppel par convention, et a adopté la position selon laquelle le bulletin équivalait à une hypothèse partagée entre la SIERE et Grasshopper Corp. selon laquelle la SIERE ne résilierait pas le contrat pour défaut d’exploitation avant la date prescrite par contrat. Toutefois, la Cour a conclu que le bulletin était à titre d’information et qu’il servait d’annonce sur la façon dont l’OEO avait l’intention, à ce moment-là, d’aborder les échecs de réalisation de l’exploitation commerciale à la date requise. La Cour a statué que la lettre de mars 2019 avait donné un préavis raisonnable de l’intention de la SIERE de modifier son approche.
Le tribunal a reconnu que Grasshopper Corp. s’était peut-être fiée au bulletin lorsqu’elle avait conclu le contrat de TRG et que la SIERE était peut-être au courant de la confiance de Grasshopper Corp. Cependant, sans que la SIERE ne confirme expressément la conviction de Grasshopper Corp., les deux parties ne partageaient pas un « même esprit ». En l’insumisant « même idée », la Cour a statué que les parties n’avaient pas une hypothèse commune qui invoquerait la doctrine de l’estoppel par convention.
En appel, la Cour d’appel de l’Ontario a souscrit à l’analyse du juge saisi de la demande et a confirmé la décision du tribunal inférieur, soulignant que, comme la doctrine de la fin de non-recevoir peut avoir pour effet d’empêcher une partie de se prévaloir des modalités du contrat, [traduction] « la doctrine peut miner la certitude du contrat et doit être appliquée avec prudence ».
Grasshopper souligne le danger associé à l’hypothèse que l’autre partie ne va pas faire valoir un droit contractuel, même dans des circonstances où l’autre partie peut avoir expressément conseillé en tant que tel. Dans ces circonstances, il peut être prudent pour la partie qui reçoit la déclaration de confirmer l’avis de l’autre partie par écrit en temps opportun, ou peut-être de le commémorer dans une modification au contrat, en particulier si cette hypothèse faisait partie intégrante de la décision de conclure un contrat avec la contrepartie.