Les recours collectifs sont régulièrement qualifiés de « de nature procédurale ». Toutefois, ce cadrage occulte le fait que les recours collectifs – et les procédures provisoires dans le cadre des recours collectifs – ont des conséquences très réelles sur les droits juridiques fondamentaux des membres du groupe.
Dans l’affaire Johnson c Ontario, la Cour d’appel de l’Ontario a statué que la décision du juge saisi de la requête de ne pas prolonger le délai accordé à un membre du groupe pour se retirer des recours collectifs était une ordonnance finale, plutôt qu’une ordonnance interlocutoire, et qu’elle peut donc faire l’objet d’un appel à juste titre devant la Cour d’appel. Au cœur du raisonnement de la Cour d’appel se trouvait l’observation selon laquelle les droits de fond et les droits procéduraux sont symbiotiques et que, en fin de compte, la décision de ne pas prolonger la période de retrait a eu une incidence sur les droits substantiels du membre du groupe.
Le demandeur était détenu au Centre de détention d’Elgin-Middlesex. En décembre 2016, à la suite d’une surdose de drogue, il a développé un problème de santé qui l’a finalement laissé handicapé de façon permanente. À la fin de 2018, il a intenté une action pour négligence contre l’Ontario et plusieurs autres défendeurs au motif que le retard qu’il avait connu dans la réception d’un traitement avait contribué à son invalidité.
À l’insu de l’appelant, au moment où il a présenté sa demande, deux recours collectifs avaient déjà été autorisés au nom de détenus du Centre de détention d’Elgin-Middlesex. La définition de la catégorie ciblait les détenus qui avaient été incarcérés entre le 1er janvier 2010 et mai 2017, ce qui faisait du demandeur un membre du groupe. Tout membre du groupe qui souhaitait se retirer des recours collectifs pour poursuivre sa réclamation individuellement devait le faire avant juin 2018.
La preuve incontestée était que le demandeur n’était pas au courant des recours collectifs — ou de la date limite de retrait — lorsqu’il a présenté sa demande. Bien que les recours collectifs aient suivi un processus d’avis standard pour alerter les membres du groupe de leurs droits, ce processus n’a pas porté les recours collectifs, et la date limite de retrait, à l’attention du demandeur.
Le demandeur a demandé une prorogation du délai pour se retirer du recours collectif, afin qu’il puisse poursuivre sa réclamation individuellement. Le juge saisi de la requête a refusé d’accorder la prolongation, mettant ainsi fin à la demande du demandeur. Il a interjeté appel.
L’Ontario a demandé l’annulation de l’appel au motif que la décision du juge saisi de la requête était une ordonnance interlocutoire, plutôt qu’une ordonnance définitive, et que l’appel était à proprement parler à la Cour divisionnaire, et non à la Cour d’appel.
La distinction entre une ordonnance définitive et une ordonnance interlocutoire est complexe, mais le concept de base est qu’une ordonnance définitive doit porter sur le « fond plutôt que sur de simples droits procéduraux » de sorte que l’ordonnance « dispose définitivement des droits des parties ». L’argument de l’Ontario fondé sur ce principe de base était simple : la Loi sur les recours collectifs est une « loi entièrement procédurale », de sorte que tout droit créé en vertu de ce principe est également de nature procédurale. Cet argument favorisait le fait de qualifier la décision du juge saisi de la requête d’ordonnance interlocutoire plutôt que d’ordonnance finale.
La Cour d’appel a rejeté cet argument et a rejeté la requête de l’Ontario visant à annuler l’appel. Elle a noté que, bien que les droits de fond et les droits procéduraux soient souvent distingués en termes de litige, ils sont en fait symbiotiques. En conséquence, n’est pas toujours possible ou conseillé de distinguer une forme de droit d’une autre.
En l’espèce, le demandeur avait perdu un droit substantiel d’une grande importance (c.-à-d. la capacité de poursuivre son action civile) lorsque le juge saisi de la requête a rejeté sa requête en prorogation du délai pour se retirer de l’instance. La Cour d’appel a lié son analyse à l’objectif global des recours collectifs d’améliorer l’accès à la justice et de promouvoir la modification du comportement. La Cour a reconnu l’importance du droit des plaideurs potentiels de poursuivre une réclamation à l’extérieur d’une catégorie agréée. Dans le cas du demandeur, le recours collectif empêcherait sa capacité de diriger son propre litige et, en fin de compte, d’obtenir un recouvrement valable.
La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Johnson c. Ontario ne traite pas du bien-fondé de l’appel du demandeur, qui sera tranché à une date ultérieure. Cela dit, plusieurs observations découlent de la décision de la Cour.