Le 7 octobre 2020, le gouvernement canadien a publié les prochaines étapes de son plan visant à faire passer le Canada à zéro déchet de plastique d’ici 2030.
Dans son annonce, le ministre d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), Wilkinson, a aludé que le gouvernement canadien publiera un projet de décret visant à ajouter les « articles manufacturés en plastique » à la Liste des substances toxiques figurant à l’annexe 1 de l’environnement canadien Loi de 1999 sur la protection (CEPA) le 10 octobre 2020, et utiliser les pouvoirs de réglementation en vertu de la LCPE pour « interdire » six déchets plastiques d’ici la fin de 2021.
Parallèlement, ECCC a publié un document de travail intitulé « Une approche de gestion intégrée proposée pour les produits en plastique afin de prévenir le gaspillage et la pollution», qui énonce l’orientation stratégique et les objectifs du gouvernement canadien, ainsi que la version finale d’ECCC et de Santé Canada Science Assessment of Plastic Pollution, qui semble avoir pour but de fournir au gouvernement canadien une base scientifique pour la désignation des « articles manufacturés en plastique » comme toxiques.
Cette annonce soulève des questions intéressantes concernant l’utilisation de la LCPE pour contrôler les substances qui ne relèvent pas de l’usage courant du terme « toxique ». Ci-dessous, nous décrivons les objectifs législatifs, scientifiques et politiques qui sont mélangés dans les plans du gouvernement canadien pour le plastique.
Le pouvoir du gouvernement canadien de contrôler les substances toxiques est énoncé à la partie 5 de la LCPE. Une fois qu’une substance est inscrite sur la Liste des substances toxiques à l’annexe 1, la LCPE confère au gouvernement canadien le pouvoir de gérer ces substances au moyen de divers outils, y compris des règlements.
Une substance peut être désignée « toxique » et ajoutée à l’annexe 1 au moyen de diverses voies de collecte de renseignements ou d’évaluation des risques qui nécessitent généralement un examen et une collecte de renseignements par ECCC. Dans ce cas, les ministres d’ECCC et de la Santé semblent avoir pris directement la décision de formuler une recommandation en vertu de l’article 90, qui prévoit que lorsque le gouverneur en conseil est convaincu qu’une substance est toxique, un décret peut être pris pour inscrire la substance à l’annexe 1.
Contrairement aux autres substances particulières de la liste, comme le « plomb » ou les « biphényles polychlorés (BPC) », le gouvernement canadien désignera la vaste catégorie de « produits manufacturés en plastique » comme toxiques. Aucune définition d'« articles manufacturés en plastique » n’a encore été publiée, mais l’utilisation d’une catégorie de produits donnera vraisemblablement au gouvernement canadien un pouvoir discrétionnaire considérable pour classer les substances plastiques comme toxiques. La portée potentielle est illustrée dans l’Évaluation scientifique, qui a classé les plastiques en « microplastiques » ou « macroplastiques », et note que les développements dans l’industrie des plastiques ont « entraîné la production d’une myriade de matières plastiques ayant des propriétés physiques et chimiques variables » (Évaluation scientifique à la 15e).
Une fois ajouté à l’annexe 1, le document de travail donne un aperçu des outils envisagés pour contrôler les produits manufacturés en plastique, notant que les « autorisations habilitantes » en vertu de la LCPE seront utilisées « ... pour adopter des règlements qui ciblent les sources de pollution plastique et changer les comportements à des étapes clés du cycle de vie des produits en plastique, comme la conception; la fabrication, l’utilisation, l’élimination et la récupération afin de réduire la pollution et de créer les conditions propices à une économie circulaire des plastiques » (document de travail, page 3).
Dans son annonce, le ministre Wilkinson a directement abordé les préoccupations concernant l’ajout des plastiques à l’annexe 1, suggérant que le titre de l’annexe 1, « Liste des substances toxiques », reflète une perception désuète de la liste. Le ministre a également laissé entendre que le gouvernement canadien ne considère pas les plastiques comme « toxiques », mais plutôt comme nuisibles à l’environnement, tout comme les gaz à effet de serre, une autre inscription à l’annexe 1. Le ministre Wilkinson a déclaré que l’ajout de plastiques à l’annexe 1 ne fait que garantir que le règlement s’applique aux produits en plastique, mais le gouvernement canadien est ouvert à la conversation sur la nomenclature.
Il convient de noter qu’à une courte majorité, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R c Hydro-Québec [1997] 3 RCS 213, a confirmé les dispositions de la LCPE relatives aux substances toxiques en vertu des pouvoirs du Parlement en matière de droit criminel en vertu du paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle après qu’elles aient été invalidées par trois paliers de tribunaux au Québec. Compte tenu de la portée potentielle des dispositions relatives aux substances toxiques pour contrôler les produits chimiques en général, la Cour a déclaré que l’interdiction des substances de la Liste des substances toxiques de l’annexe 1 de la LCPE « est une interdiction limitée applicable à un nombre restreint de substances » (para 146) lorsque ces substances sont « toxiques au sens ordinaire » (para 146) et « d’un type semblable à celles déjà inscrites à l’annexe I » (para 145). Ces substances déjà inscrites sur la liste comprenaient le plomb, le mercure et l’amiante, que le tribunal a jugés être des substances qui « même pour les non-initiés sont bien connues pour être toxiques » (para 145). À la lumière de ces fonds du tribunal, certains peuvent se demander si les plastiques à usage unique, tels que les sacs d’épicerie en plastique, les pailles et les bâtonnets de remue-ménage, sont correctement caractérisés et réglementés comme des substances toxiques.
A noter ci-dessus, l’annonce du ministre a été accompagnée de la publication de la finale Science Assessment of Plastic Pollution, qui a finalisé le projet publié en janvier 2020. Les commentaires du public soumis à ECCC sur l’ébauche de l’évaluation scientifique ont été acceptés jusqu’en mai 2020.
L’objectif de l’évaluation scientifique est de « résumer l’état actuel de la science sur les impacts potentiels de la pollution plastique sur l’environnement et la santé humaine et d’éclairer les recherches et décisions futures sur la pollution plastique au Canada » (section 1.1). Ce faisant, l’évaluation scientifique établit les recherches disponibles sur les sources, l’occurrence et le devenir de la pollution plastique dans l’environnement, ainsi que les impacts potentiels des plastiques sur la santé humaine et l’environnement. En plus d’examiner des études scientifiques particulières, l’évaluation a tiré plusieurs conclusions concernant les plastiques dans l’environnement canadien, notamment :
Sur la base des études examinées, l’évaluation scientifique conclut que, sur la base du principe de précaution, des mesures sont nécessaires pour réduire les plastiques dans l’environnement. Le principe de précaution, tel qu’il est défini dans le préambule de la LCPE, stipule que « lorsqu’il y a des menaces de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas être utilisée comme motif de report de mesures rentables pour prévenir la dégradation de l’environnement ».
Conformément à l’évaluation scientifique et à l’objectif du gouvernement canadien de zéro déchet de plastique d’ici 2030, le document de travail propose des mesures pour interdire et restreindre certains plastiques à usage unique et faire progresser le Canada vers une économie circulaire des plastiques.
Dans le document de travail, les « déchets de plastique » comprennent tous les plastiques qui pénètrent dans le flux de déchets par les sites d’enfouissement, le recyclage ou l’incinération, tandis que la « pollution plastique » est le plastique rejeté dans l’environnement en dehors d’un système de gestion des déchets. Les « plastiques à usage unique » comprennent les produits en plastique conçus pour être jetés après une utilisation, comme les emballages alimentaires, les sacs à provisions, les pailles et les gobelets à boisson.
Après avoir analysé divers plastiques à usage unique afin de déterminer si la gestion est nécessaire pour atteindre les objectifs de gestion des déchets, le gouvernement canadien propose d’interdire les plastiques à usage unique suivants : sacs à la caisse en plastique, bâtonnets de remue-ménage, bagues à six paquets, couverts, pailles et articles de restauration.
L’interdiction devrait être en place d’ici la fin de 2021 et devrait être imposée en vertu d’un règlement en vertu de la LCPE. D’ici là, le gouvernement du Canada s’est engagé à travailler avec les provinces, les territoires, l’industrie et d’autres intervenants pour mettre en œuvre ce cadre.
Le plan du gouvernement canadien envisage d’adopter des exigences en matière de contenu recyclé pour tous les produits et emballages en plastique afin d’établir une demande du marché pour les plastiques recyclés. Il s’agirait d’établir des pourcentages minimaux de teneur en matières recyclées, des règles de mesure et de déclaration et des lignes directrices techniques, qui pourraient être fondées sur le type de résine, le produit ou le groupe de secteurs, ou une exigence indifférendiée à l’échelle de l’économie. Le gouvernement canadien a proposé une cible minimale de 50 % de matières recyclées dans les produits en plastique d’ici 2030.
Enfin, le gouvernement canadien s’est engagé à travailler avec les provinces, les territoires et l’industrie à l’élaboration de cibles, de normes et de règlements nationaux qui tiendront les entreprises qui fabriquent ou vendent des produits en plastique (y compris la vente d’articles contenant des emballages en plastique) responsables de leur collecte et de leur recyclage. C’est ce qu’on appelle la responsabilité élargie du producteur. Des normes de rendement pour guider les programmes de recyclage, des options pour encourager l’innovation et des normes de surveillance, entre autres, seront envisagées pour aider à prolonger la durée de vie et à améliorer la récupération de la valeur des produits en plastique.
Compte tenu du niveau d’action considérable prévu, un certain nombre de questions percutantes demeurent sans réponse. Des questions telles que la pertinence d’utiliser les dispositions de la LCPE relatives aux substances toxiques pour promulguer de vastes interdictions radicales sur les produits et les déchets de plastique, les processus de consultation qui seront tenus pour déterminer d’autres plastiques interdits et la façon dont le gouvernement canadien ira de l’avant avec sa définition d'« articles manufacturés en plastique » sont toutes des considérations pour l’industrie et le gouvernement. Ce qui est certain cependant, c’est l’impact de ces plans sur le cycle de vie des produits en plastique à travers le pays.
Le gouvernement canadien a invité les intervenants et l’industrie à commenter tout aspect du document de travail et du décret proposé, y compris la catégorisation des plastiques à usage unique et les approches de gestion proposées. Tous les commentaires doivent être soumis à ECCC d’ici le 9 décembre 2020.
Le Bennett Jones Groupe de droit environnemental participe activement à ces développements. Si vous avez des questions, veuillez nous contacter.