Le 16 avril 2024, le projet de loi C-282 a franchi l’étape de la deuxième lecture au Sénat du Canada. Cette loi, si elle est adoptée, empêcherait les négociateurs commerciaux du Canada de concéder un meilleur accès au marché dans les futures négociations de libre-échange pour les produits des industries laitières, de la volaille et des œufs, lesquelles sont soumises à la gestion de l’offre. Le parcours du projet de loi C-282 est pertinent pour les négociations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni (R.-U.) qui ont été temporairement suspendues en janvier 2024 (article en anglais), mais qui demeurent techniquement en cours. Des négociations sont en cours depuis plus de deux ans en vue d’établir des modalités commerciales bilatérales pour remplacer celles dont le Canada et le R.-U. jouissaient auparavant en vertu de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne avant le « Brexit ». Les rapports indiquent que les préoccupations concernant le bœuf et le porc produits au Canada et l’accès au marché canadien du fromage, entre autres, ont amené le R.-U. à se retirer de la table de négociation.
Au Canada, l’industrie des produits laitiers est soumise à la gestion de l’offre, en vertu de laquelle les volumes de production et les importations nationales sont contrôlés par des quotas et un mécanisme de prix visant à stabiliser les prix sur le marché.
Lorsque le R.-U. a quitté l’Union européenne (UE), il a conclu avec le Canada l’Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni (ACCCRU) qui permettait aux importations de fromage britannique au Canada de continuer à bénéficier des quotas de fromage applicables aux membres de l’UE, maintenant ainsi le contingent tarifaire (CT) existant pendant que les pays négociaient un nouvel accord. Conformément à la lettre complémentaire de l’entente provisoire qui traitait du CT relatif au fromage, l’accès du R.-U. à la réserve de l’Union européenne au titre du CT a expiré le 31 décembre 2023. Il s’en est suivi une diminution du quota de fromage pour le R.-U. au seul quota de réserve hors UE de l’OMC, et les importations de fromage britannique excédant ce quota étaient assujetties à des droits de douane de jusqu’à 245,5 %.
Tout au long des négociations, le R.-U. a demandé une augmentation du CT afin qu’un plus grand nombre de fromages britanniques bénéficient du taux tarifaire préférentiel. En particulier, le R.-U. aimerait récupérer la part du marché canadien qu’il a cédée lorsqu’il a quitté l’UE.
Les exportateurs canadiens de bœuf et de porc expriment depuis longtemps leur frustration face à l’interdiction imposée par le R.-U. d’importer du bœuf et du porc traités aux hormones en vertu de ses normes de salubrité des aliments. L’UE maintient une interdiction similaire, qui s’est révélée être une violation des règles applicables de l’OMC. Les États-Unis et le Canada ont réglé ce différend par un accord visant à accepter un quota accru pour le « bœuf Hilton » de haute qualité afin de compenser. Le R.-U. a également soulevé des préoccupations concernant les lavages de carcasses effectués dans les installations de transformation canadiennes.
Étant donné que le R.-U. n’est plus lié par l’interdiction de l’UE ni par la décision de l’OMC stipulant qu’elle n’est pas conforme aux règles commerciales, le Canada a demandé un assouplissement de l’interdiction, mais le R.-U. a déclaré qu’il ne changerait pas d’avis (article en anglais) sur cette interdiction d’importation.
En vertu de l’AECG, les règles d’origine octroient aux pièces automobiles et aux produits manufacturés au Canada et dans l’UE un accès préférentiel aux marchés mutuels des parties. Puisque le R.-U. n’est plus membre de l’UE, les composantes d’origine européenne des automobiles du R.-U. les empêcheront d’être admissibles à un traitement préférentiel dans le cadre d’un accord bilatéral en l’absence d’un nouvel accord. Les voitures sont les principales exportations du R.-U. vers le Canada. Bien que ces exportations de voitures soient moins importantes que les exportations vers l’UE, le Canada demeure un marché important pour l’industrie automobile du R.-U.
Plusieurs considérations ont considérablement limité la marge de manœuvre des négociateurs pour parvenir à un compromis dans la conclusion d’un accord commercial bilatéral permanent entre le Canada et le R.-U.
L’une de ces considérations est le projet de loi C-282 qui a été approuvé par la Chambre des communes et qui en est actuellement à l’étape de l’étude en comité au Sénat (dernière étape avant son adoption définitive). Cette loi vise à empêcher le gouvernement canadien de négocier : (1) des augmentations des CT applicables aux produits laitiers, à la volaille ou aux œufs; ou (2) des réductions des droits de douane applicables à ces marchandises lorsque leur importation dépasse le CT applicable. L’adoption du projet de loi C-282 pourrait avoir des répercussions durables sur le pouvoir de négociation du Canada, en particulier relativement à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (aussi connu sous le nom d’ACEUM) qui sera revu en 2026.
L’industrie laitière canadienne soutient que le R.-U. devrait négocier avec l’UE pour récupérer la part qu’elle a laissée derrière elle en raison du Brexit, plutôt qu’avec le Canada.
Au R.-U., les éleveurs de bœufs et de porcs font déjà face à une concurrence accrue de la part de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, dont les exportations bénéficient d’accords de libre-échange avec le R.-U. Cela s’est traduit par une pression accrue (article en anglais) sur le gouvernement pour protéger ses agriculteurs.
Quant aux automobiles, le Canada a conclu de nombreux accords commerciaux dont on doit tenir compte dans les négociations relatives aux règles d’origine des automobiles en provenance du R.-U. Il s’agit notamment de l’ACEUM, de l’AECG, d’un accord bilatéral avec la Corée du Sud et d’un accord avec le Japon dans le cadre de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).
De façon plus générale, le Canada et le R.-U. sont aux prises avec les mêmes points litigieux en vertu du PTPGP auquel le R.-U. a adhéré en 2023. Les modalités du PTPGP ne s’appliquent pas entre le R.-U. et le Canada à moins que le Canada ratifie l’adhésion du R.-U. ou jusqu’à ce qu’il le fasse, et les différences énoncées ci-dessus pourraient en retarder la ratification par le Canada.
L’impasse dans laquelle se trouve l’accord entre le Canada et le R.-U. après le Brexit a des répercussions sur divers secteurs d’activité au Canada.
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