Le 25 janvier 2010, le Bureau de la concurrence du Canada a annoncé que le commissaire à la concurrence avait conclu une entente avec Ticketmaster Entertainment, Inc. et Live Nation, Inc. qui résorbait les craintes que leur fusion empêche considérablement la concurrence sur le marché des services de billetterie au Canada. Ticketmaster et Live Nation ont convenu d’un recours en trois parties pour répondre aux préoccupations du commissaire et du département de la Justice des États-Unis en matière de concurrence, ce qui a abouti à une solution nord-américaine.
Ticketmaster est le plus grand fournisseur de services de billetterie au monde et Live Nation est le plus grand promoteur d’événements de divertissement en direct dans le monde. Chacun occupe la même position forte que le ticketer et le promoteur respectivement pour les spectacles dans des lieux situés au Canada. À la fin de 2007, Live Nation a annoncé qu’elle avait conclu un accord à long terme avec une société de billetterie européenne de premier plan pour obtenir une licence pour sa plate-forme de billetterie en Amérique du Nord, permettant à Live Nation de lancer sa propre entreprise de billetterie. Live Nation a par la suite commencé des événements de billetterie aux États-Unis et, avant d’annoncer la fusion proposée avec Ticketmaster, avait l’intention d’entrer sur le marché des services de billetterie au Canada pour concurrencer Ticketmaster.
Les organismes antitrust de plusieurs pays, y compris le Bureau de la concurrence au Canada et le département de la Justice des États-Unis, ont examiné la fusion proposée afin d’évaluer son incidence sur les marchés pertinents. L’examen du Bureau a mené à la conclusion que la fusion proposée empêchait Live Nation d’entrer sur le marché des services de billetterie au Canada et soulèverait des obstacles qui dissuaderaient d’autres entreprises d’entrer sur le marché pour concurrencer l’entité fusionnée.
En l’absence d’un règlement négocié avec les parties à la fusion proposée, le commissaire avait plusieurs options de recours en présentant une demande au Tribunal de la concurrence. En plus des recours provisoires comme une injonction, le commissaire peut demander une ordonnance avant la clôture exigeant que les parties ne procèdent pas à un projet de fusion (ou à une partie de celle-ci). Par ailleurs, jusqu’à un an après la clôture, le commissaire peut demander la dissolution d’une fusion terminée ou la cession d’actifs ou d’actions. Dans les deux scénarios, le commissaire doit prouver que la fusion contestée empêche ou diminue considérablement la concurrence (ou est susceptible de le faire).
Dans son communiqué de presse du 25 janvier 2010, le Bureau de la concurrence a déclaré qu’à la suite d’un examen détaillé, [ait] « conclu que la fusion proposée entre Ticketmaster et Live Nation soulevait de sérieuses préoccupations en matière de concurrence, car elle empêcherait Live Nation d’entrer sur le marché canadien en tant que concurrent direct de Ticketmaster » (non souligné dans l’original).
Il y a très peu de cas tranchés où le Tribunal de la concurrence a conclu qu’une fusion (ou une fusion proposée) empêcherait sensiblement la concurrence en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence. Bien que les annonces de résolutions de fusion négociées antérieures aient fait référence à une diminution ou à une prévention de la concurrence et, à l’occasion, à un entrant sur le marché, un argument fondé sur la prévention de la concurrence n’a abouti que dans deux affaires antérieures tranchées par le Tribunal de la concurrence. 1
Le recours en trois parties convenu entre le commissaire, Ticketmaster et Live Nation est également digne de mention. Le remède combine à la fois des éléments structurels et comportementaux.
Premièrement, Ticketmaster doit céder ses activités de billetterie subsidiaires soit à Comcast-Spectacor, un important propriétaire d’équipe sportive et de site basé à Philadelphie, soit à un autre acheteur acceptable pour le commissaire et le département de la Justice des États-Unis. La convention de consentement avec le commissaire, comme son homologue américain, comprend une disposition distincte qui exige que les parties à la fusion, en attendant le dessaisissement, « préservent, maintiennent et exploitent [la filiale et ses actifs] en tant qu’entreprise concurrentielle indépendante, continue et économiquement viable, la gestion, les ventes et les opérations de ses actifs étant entièrement séparées, distinctes et distinctes » des autres activités de l’entité fusionnée.
La deuxième partie structurelle de la réparation exige que Ticketmaster fournisse à Anschutz Entertainment Group, Inc. (AEG) (i) un service de billetterie de marque privée, pour une période allant jusqu’à cinq ans, à utiliser par AEG pour fournir des services de billetterie, et (ii) une option d’acquisition d’une licence exclusive et perpétuelle de son logiciel de système de billetterie. AEG est le principal concurrent de Live Nation dans le secteur de la promotion d’événements en direct, ainsi qu’un propriétaire et un exploitant de grandes salles aux États-Unis et le plus grand client de Ticketmaster. La licence, lorsqu’elle est exercée, comprend un système de billetterie entièrement fonctionnel et un site Web distinct et personnalisé avec « l’image de marque, l’apparence et la convivialité » déterminées par AEG. Le but apparent de cette partie du recours est de permettre à AEG de fournir ses propres services de billetterie.
La troisième composante du remède est la composante comportementale. L’accord interdit à l’entité fusionnée, pour une période de 10 ans, de prendre des représailles contre un propriétaire de lieu qui utilise, ou envisage, d’utiliser les services de billetterie d’une autre entreprise. L’entité fusionnée est également soumise à des restrictions sur le regroupement anticoncurrentiel de services, à savoir (i) rendre la fourniture de services de billetterie conditionnelle à ce qu’un lieu contracte un contrat exclusif avec l’entité fusionnée pour fournir des événements en direct; et (ii) conditionner la fourniture d’événements en direct sur le lieu concluant un accord de services de billetterie exclusif.
Un remède structurel classique, le dessaisissement d’actifs a été utilisé pour répondre aux préoccupations du Bureau de la concurrence dans quatre autres affaires de fusion depuis le milieu de 2009. Par exemple, dans le cadre de la fusion Suncor/Petro-Canada, les parties ont convenu de se départir de plus de 100 stations-service de détail dans le sud de l’Ontario; vendre plus de 1 milliard de litres de capacité annuelle de stockage et de distribution en terminaux pour des produits pétroliers raffinés sur une période de 10 ans; et de vendre une quantité annuelle précise d’essence sans marque à des spécialistes du marketing indépendants à Toronto pendant 10 ans. En ce qui concerne l’acquisition possible par Agrium, Inc. de CF Industries Holdings Inc., Agrium a accepté de se départir de 50 % d’une installation de production d’engrais en Alberta et de conclure une entente d’approvisionnement de cinq ans avec un nouveau venu sur le marché de l’Ouest canadien, si Agrium réussissait son acquisition. À l’indistance de l’affaire Ticketmaster/Live Nation, dans chacune des quatre autres affaires, l’entente du commissaire avec les parties a été officialisée par un consentement enregistré auprès du Tribunal de la concurrence. 2
Plus tôt en 2009, le Bureau de la concurrence a annoncé le règlement des préoccupations en matière de concurrence dans deux autres affaires sans un tel consentement enregistré. Ces résolutions, dans le cadre de l’acquisition de Rohm and Haas Company par Dow Chemical Company et de l’acquisition proposée de Ciba Holding AG par BASF SE, portaient sur la cession d’actifs incorporels (y compris les droits de propriété intellectuelle) pertinents pour les marchés canadiens. Les dessaisissements ont été commis auprès du commissaire et ont été officiellement convenus avec des organismes antitrust à l’extérieur du Canada dans le cadre d’ententes de dessaisissement des entreprises des sociétés acquises. Ces deux annonces, comme la solution nord-américaine dans Ticketmaster/Live Nation, nous rappellent l’importance croissante de la coopération et de la courtoisie internationales dans les questions de concurrence qui touchent les marchés de plus d’une administration.
Le consentement conclu entre le commissaire, Ticketmaster et Live Nation poursuit la pratique de longue date du Bureau qui consiste à exiger que les dessaisissements d’actifs éliminent une diminution ou une prévention substantielle de la concurrence causée par un projet de fusion. Elle est digne de mention parce qu’elle était fondée sur le fait que le Bureau de la concurrence a identifié l’interdiction d’entrer dans un marché comme une grave préoccupation en matière de concurrence découlant d’un projet de fusion, et sur la combinaison d’éléments structurels et comportementaux dans la réparation convenue. Dans l’ensemble, les cessions d’actifs continuent d’être le prix d’admission pour certaines fusions.