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Annonce de modifications à la Loi sur l’évaluation d’impact : de nombreuses questions n’ont toujours pas été résolues

06 mai 2024

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Écrit par Martin Ignasiak, David Bursey and Lisa Rodriguez

Le 30 avril 2024, le gouvernement du Canada a annoncé des modifications très attendues à la Loi sur l’évaluation d’impact (IAA ou Loi) dans le cadre d’un projet de loi budgétaire de 663 pages omnibus. Le Canada a annoncé le budget de 2024 avec le slogan « Équité pour chaque génération », affirmant que les modifications apportées à l’AAI sont à la fois « constitutionally sound» et permettre un processus d’évaluation plus efficace.

Cependant, les modifications proposées offrent des changements minimes et pourraient laisser la LEI une fois de plus mûre pour des contestations constitutionnelles.

Le changement le plus significatif vient de la décision de supprimer toute référence aux effets interprovinciaux, semblant renoncer à l’affirmation du gouvernement fédéral selon laquelle il pourrait réglementer les projets en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Autrement, les modifications n’ont pas fait grand-chose pour s’éloigner de la réglementation par le gouvernement fédéral de projets entiers relevant de la compétence provinciale, ce qui était une critique majeure de la Cour suprême du Canada (CSC) dans la décision IAA Reference decision. 1

Vous pouvez en savoir plus sur les décisions du renvoi de la LAI à la CSC et à la Cour d’appel de l’Alberta here and ici.

Dans le renvoi relatif à la LEI, la majorité de la CSC était d’avis que « [l]a législation ederal qui n’est pas suffisamment adaptée — c’est-à-dire dont le caractère véritable est de réglementer l’activité en tant qu’activité , plutôt que seulement ses aspects fédéraux — est ultra vires ». 2 Malgré cette préoccupation, l’article 9 modifié permet toujours au ministre d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour désigner une activité concrète qui n’est pas prescrite dans le règlement, ce qui a pour effet de faire passer un projet sous réglementation fédérale.

Le Canada semble en outre avoir ajouté des termes tels que « changement défavorable non négligeable » pour restreindre la définition problématique des « effets relevant de la compétence fédérale » dans la Loi contestée. Le terme « non négligeable » n’a pas été clairement défini ou interprété par les tribunaux canadiens, mais il est généralement compris comme signifiant non négligeable, ce qui est un seuil bas qui peut être interprété et susceptible d’être utilisé à mauvais escient. D’un point de vue pratique, ce changement ne fait pas grand-chose pour s’assurer que la Loi ne sera pas appliquée d’une manière qui donne lieu à une évaluation fédérale de projets qui relèvent par ailleurs entièrement de la compétence provinciale.

Les nouvelles modifications visent également à modifier ce que la CSC a appelé des « interdictions inacceptablement larges »3 à l’article 7. Cet article a effectivement mis fin à toutes les activités d’un projet après avoir été désigné. Les nouvelles modifications précisent que seule une activité susceptible de créer un effet « négatif » « de compétence fédérale » serait visée par l’interdiction. Plus inquiétant encore, le « peut » problématique est toujours dans la section. 4

La plainte de la CSC selon laquelle « la décision d’examen préalable en vertu du paragraphe 16(2) n’est pas motivée par des effets fédéraux possibles et ne met donc pas l’accent sur les aspects fédéraux des projets désignés5 » a été traitée superficiellement en ajoutant le paragraphe suivant :

16 (2.1) L’Agence peut décider qu’une évaluation d’impact est requise only if it is satisfied that the carrying of the designated project may cause adverse effects within federal jurisdiction or direct or incidental adverse effects.

Cette modification pourrait faire en sorte que le gouvernement fédéral évalue et, par conséquent, réglemente l’ensemble d’un projet, même si le projet est entièrement situé dans une province, en raison d’une préoccupation quant à la simple possibilité d’effets négatifs de compétence fédérale.

Il n’est pas certain que le Canada ait fait quoi que ce soit pour répondre de façon substantielle aux préoccupations importantes de la CSC au sujet de la décision « d’intérêt public » qui doit être prise à la fin du processus d’évaluation d’impact (articles 60 à 63). 6Les modifications imposent maintenant une sorte de seuil d’importance relative, où une condition préalable à l’exigence d’une décision d’intérêt public est la conclusion que les effets préjudiciables de compétence fédérale ou les effets négatifs directs ou accessoires susceptibles d’être causés par le projet désigné sont « dans une certaine mesure, importants ».  

Malgré certaines modifications apportées aux critères d’intérêt public énoncés à l’article 63, les modifications laissent ouverte la possibilité que le décideur puisse encore tenir compte des effets non fédéraux négatifs du projet désigné (par exemple, au moyen du facteur de « durabilité ») lorsqu’il détermine si les effets préjudiciables de compétence fédérale sont justifiés dans l’intérêt public. Les juges majoritaires de la CSC ont explicitement indiqué que cet aspect de la LEI posait problème sur le plan constitutionnel. 7 Comme c’était le cas avant les modifications, une décision négative d’intérêt public signifie que l’interdiction prévue à l’article 7 demeure en vigueur indéfiniment pour le projet désigné, ce qui a pour effet d’arrêter l’ensemble du projet, peu importe si le Parlement a la compétence sous-jacente pour réglementer l’activité physique elle-même.    

Nonobstant l’allégation du Canada selon laquelle les modifications improve l’efficacité des processus d’évaluation, les modifications permettent à l’Agence d’exiger que le promoteur d’un projet désigné présente de nouveau un avis modifié en vertu de l’article 15 si l’Office estime que la description initiale est insuffisante pour décider si une évaluation d’impact est requise. Cette étape procédurale aurait lieu avant même que le Canada ne décide si une évaluation d’impact est nécessaire. Dans l’ensemble, il est difficile de voir comment l’une ou l’autre des modifications proposées améliorerait l’efficacité du processus d’évaluation fédéral.

Le Canada a semblé répondre à la préoccupation8 de la CSC concernant l’objet déclaré de la Loi. Maintenant, au lieu d’englober 15 clauses sur des thèmes généraux tels que la « durabilité », l’objectif de l’AAI est réduit à simplement :

L’objet de la présente loi est de prévenir ou d’atténuer les effets négatifs importants de compétence fédérale – et les effets négatifs directs ou accessoires importants – qui peuvent être causés par la réalisation de projets désignés, ainsi que les effets environnementaux négatifs importants ... qui peuvent être causés par la réalisation de projets ... en établissant des processus pour anticiper, déterminer et évaluer les effets potentiels de ces projets afin d’éclairer la prise de décisions en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale à l’égard de ces effets.

Pour la commodité de nos clients et des abonnés des billets de blogue de Bennett Jones, nous avons créé une version de l’AAI existante montrant les amendements proposés dans le projet de loi omnibus d’exécution du budget, disponible ici.


1 Renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact, 2023 CSC 23.

2 Référence de l’AAI au para 131, voir aussi para 178.

3 Ibid au para 190.

4 Ibid au para 95.

5 Ibid au para 150.

6 Ibid aux paras 101-102, 166-167.

7 Ibid aux para 166-167.

8 Ibid au para 80.

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