La dernière fois que nous avons écrit dans July 2013 au sujet de Choc v Hudbay Minerals Inc., 2013 ONSC 1414, une décision qui semblait indiquer une volonté accrue d’un tribunal de l’Ontario d’assumer la compétence dans un cas d’actes répréhensibles présumés par une filiale étrangère d’une société canadienne dans un pays étranger.
Maintenant, une nouvelle décision de la Cour d’appel de l’Ontario, Yaiguaje c Chevron Corporation, 2013 ONCA 758, semble renforcer la volonté des tribunaux de l’Ontario d’assumer leur compétence sur des questions qui ne sont pas clairement liées à l’Ontario.
Dans l’affaire Yaiguaje, les Demandeurs équatoriens ont obtenu en Équateur un jugement de 18 milliards de dollars EU contre Chevron Corporation, une société américaine constituée dans le Delaware. Dans l’affaire Yaiguaje, les Équatoriens ont intenté une poursuite en Ontario au sujet du jugement équatorien, dans le but de l’exécuter en Ontario contre Chevron et sa filiale canadienne, Chevron Canada Limited. Chevron Canada, dont le siège social est situé à Calgary, en Alberta, est une filiale indirecte de septième niveau de Chevron, qui compte 700 employés au Canada. Chevron elle-même n’avait aucun actif au Canada.
Chevron et Chevron Canada ont toutes deux contesté la compétence du tribunal de l’Ontario pour entendre l’action.
Dans sa décision, la Cour d’appel de l’Ontario a placé la barre très bas pour l’exécution d’un jugement étranger en Ontario. La Cour a statué qu’avant d’assumer sa compétence, un tribunal ne doit conclure qu’à l’un des liens réels et substantiels entre l’objet du litige et le tribunal étranger qui a rendu le jugement étranger. Il n’est pas nécessaire que la Cour trouve un lien entre l’objet du litige et le fait qu’on demande au tribunal de reconnaître et d’exécuter le jugement étranger. Il s’agit d’une barre beaucoup plus basse à l’étape de l’exécution que lorsque la Cour est appelée à examiner si elle devrait assumer sa compétence à l’égard d’un différend étranger réel. La Cour a conclu que le critère avait été respecté et a assumé la compétence.
Fait intéressant, les Équatoriens cherchent à faire exécuter leur jugement en Ontario contre Chevron et Chevron Canada, malgré le fait que leur jugement est seulement contre Chevron, pas Chevron Canada. Comme Chevron Canada était physiquement présente en Ontario, les tribunaux de l’Ontario n’ont pas tardé à en assumer la compétence. Toutefois, la Cour d’appel a fait tout son temps pour discuter de la relation importante de Chevron Canada avec ses sociétés mères, y compris le fait qu’elle appartenait indirectement à Chevron par l’entremise d’un certain nombre de filiales intermédiaires en propriété exclusive, que Chevron garantissait la dette de ses filiales indirectes qui fournissent des capitaux à Chevron Canada et que Chevron avait directement garanti certaines obligations d’exécution de Chevron Canada. La Cour a également noté que le revenu de Chevron provient entièrement de dividendes provenant de filiales indirectes qui exercent ses activités réelles, y compris Chevron Canada.
La Cour d’appel a indiqué que la structure des relations d’entreprise, en plus de l’emplacement de Chevron Canada en Ontario, donnait aux tribunaux de l’Ontario compétence pour statuer sur la mesure d’exécution contre Chevron Canada elle-même.
La Cour d’appel a noté que Chevron Canada a le droit de contester que ses actifs sont disponibles pour satisfaire au jugement contre Chevron (et cette question reste à déterminer dans le litige), mais, encore une fois, la Cour a fait tout son possible pour discuter des facteurs qui seront sans aucun doute en cause lorsque cette question finale sera tranchée. Il est difficile de considérer cette discussion comme autre chose qu’un signal de la Cour indiquant que les tribunaux de l’Ontario tiendront compte de ces facteurs lorsqu’ils décideront d’exécuter ou non des jugements étrangers contre une filiale canadienne qui n’est pas directement liée au jugement étranger en cause.
Cette décision devrait donner aux sociétés multinationales une pause lorsqu’elles examinent la façon de structurer leurs affaires de manière à mettre à l’abri des filiales ou des sociétés mères canadiennes de toute responsabilité. Cela indique également aux entreprises canadiennes qui cherchent à s’opposer à l’exécution de jugements étrangers au Canada que leur temps et leur argent pourraient être mieux dépensés pour traiter de telles contestations sur le fond, plutôt que de se concentrer sur des arguments juridictionnels qui semblent maintenant très susceptibles d’échouer.