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Coûts défavorables dans les litiges pro bono : la CSC intervient

22 juin 2015

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Réjean Hinse a été injustement emprisonné pendant 15 ans pour un crime qu’il n’a pas commis. Bien qu’il ait obtenu une libération conditionnelle, il n’a été acquitté qu’après 30 ans et un appel a été accueilli devant la Cour suprême du Canada. Hinse a poursuivi les gouvernements fédéral et québécois ainsi que la ville de Mont-Laurier pour des dommages découlant de sa condamnation injustifiée. Les avocats de Hinse ont agi pro bono. Il s’est entendu avec les gouvernements municipaux et du Gouvernement du Québec pour 5,5 millions de dollars, mais a continué de réclamer des dommages-intérêts au gouvernement fédéral. En 2011, le juge de première instance lui a accordé 5,8 millions de dollars, dont 440 000 $ pour la valeur des services juridiques fournis par ses avocats bénévoles. Le juge de première instance s’est fondé sur la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire 1465778 Ontario Inc c. 1122077 Ontario Ltd, dans laquelle la Cour a statué qu’il n’y avait aucune interdiction d’adjuger des dépens en faveur d’un avocat bénévole, même dans des actions privées (Bennett Jones' Jeffrey Leon était l’avocat de l’Advocates' Society).

En appel, la Cour d’appel a infirmé le jugement, concluant que l’exercice du pouvoir de clémence du ministre est protégé par une immunité relative et que la décision du ministère public n’a pas été rendue de mauvaise foi ni avec malveillance. La Cour suprême du Canada a confirmé cette décision.

En ce qui concerne les dépens, la Cour d’appel a mis en garde contre le fait que les précédents de common law (en l’espèce, la décision 1465778) ne devraient pas être « importés sans discernement » dans les instances de droit civil, où le concept de droit civil des « frais extrajudiciaires » diffère du concept de common law des dépens. Au Québec, law, ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’une partie peut être tenue de payer les honoraires des avocats retenus par la partie adverse. Il doit y avoir une faute commise par l’autre partie, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage. Dans les provinces de common law, les dépens sont traditionnellement adjugés pour indemniser la partie qui a gain de cause pour les dépenses engagées soit pour défendre une réclamation non fondée (si la partie qui a gain de cause est le défendeur), soit pour obtenir un droit légal valide (si le demandeur a gain de cause). La Cour suprême du Canada a convenu que le fait que le juge de première instance se soit fié à 1465778 et à d’autres précédents de l’Ontario était inapproprié en raison de ces différences.

Hinse a fait valoir, en tout état de cause, qu’il avait droit à des frais extrajudiciaires en vertu de l’article 1608 du Code civil du Québec, qui stipule: « [l]'obligation du débiteur de payer des dommages-intérêts au créancier n’est ni réduite ni modifiée par le fait que le créancier reçoit un avantage d’un tiers, en raison du préjudice qu’il a subi, sauf dans la mesure où le tiers est subrogé aux droits du créancier. Pro Bono Law Ontario (représenté par Ranjan Agarwal et Nathan Shaheen) et Pro Bono Québec ont fait valoir que les avocats de Hinse ont indemnisé Hinse, victime d’un abus de procédure, pour le préjudice qu’il a subi et que cette intervention n’a pas libéré le gouvernement fédéral de son obligation de l’indemniser pour les frais extrajudiciaires. Bien que la Cour suprême du Canada ait rejeté l’appel de Hinse, elle a confirmé cette interprétation de l’article 1608. De plus, l’entente de mandat n’est pas tenue d’indiquer expressément que les honoraires extrajudiciaires qui pourraient être accordés doivent être versés à l’avocat (178). La décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire 1465778 semble suggérer, du moins à titre de pratique exemplaire, que les avocats bénévoles devraient conclure des ententes d’honoraires exprès avec leurs clients qui permettent de payer les frais à l’avocat.

Pour les avocats bénévoles et leurs clients, la décision de la Cour suprême du Canada devrait être lue comme une affirmation des principes adoptés dans 1465778 : rien n’empêche d’adjuger des dépens à une partie à un litige privé, même si son avocat agit bénévolement.

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