Le ministre canadien du Commerce, Stockwell Day, a confirmé le 24 août 2009 qu’il avait écrit au représentant américain au Commerce, Ron Kirk, pour offrir un accès garanti aux marchés publics provinciaux pour les biens américains en échange d’une résolution rapide des exigences protectionnistes de « Buy American » introduites dans l’American Recovery and Reinvestment Act de 20091 ainsi que d’une ouverture à plus long terme des marchés publics de l’État, à l’échelle provinciale et municipale.
L’offre du ministre Day fait suite au Sommet annuel des dirigeants nord-américains où, dans une déclaration conjointe, le premier ministre Harper et les présidents Obama et Calderón se sont engagés « à respecter nos responsabilités internationales et à éviter les mesures protectionnistes ». Cette déclaration reflète les préoccupations constantes concernant l’impact de restriction commerciale des dispositions « Buy American » de la Recovery Act, telle que promulguée le 17 février 2009 par le président Obama. Il vise à stimuler l’économie américaine en injectant environ 787 milliards de dollars en dépenses et en réductions d’impôts. Ces dispositions accordent une large préférence aux produits américains dans les projets financés par le gouvernement fédéral aux niveaux fédéral, étatique et municipal et excluent les produits canadiens.
La Recovery Act contient deux dispositions distinctes relatives à l’achat américain. La disposition la plus importante concerne la construction d’infrastructures publiques (§1605)2, qui limite l’utilisation des fonds pour les produits manufacturés à ceux produits aux États-Unis.
L’article prévoit des exceptions (ou des renonciations) sur une base discrétionnaire, selon les critères suivants :
L’article 1605 stipule également que les dispositions relatives à l’achat américain doivent être appliquées d’une manière compatible avec les obligations internationales. En vertu de l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC, le Canada et les États-Unis ont accepté des obligations fondamentales relatives à l’achat de biens et de services par des entités du gouvernement fédéral. Les Membres de l’OMC ne sont pas autorisés à établir une discrimination à l’égard des marchandises ou des fournisseurs les uns des autres pour les activités de passation des marchés visées. Le Canada et les États-Unis ont pris des engagements fédéraux semblables en vertu de l’ALENA. En outre, les États-Unis ont pris des engagements concernant les marchés publics infrafédaux de 37 États, sous réserve de la réciprocité des autres parties à l’AMP. De nombreuses parties commerciales clés des États-Unis ont conclu des accords de réciprocité, mais pas le Canada. Comme le Canada n’a pris aucun engagement provincial au titre de l’AMP, les fournisseurs canadiens ne bénéficient pas de l’accès plus large aux marchés publics offert par les 37 États visés par l’AMP.
L’incidence de « Buy American » sur les fournisseurs canadiens dépend de la question de savoir si les fonds alloués en vertu de la Recovery Act sont dépensés pour l’approvisionnement fédéral, l’approvisionnement infrafédérial spécifié (pour les routes, le transport en commun et certains projets d’aéroport) ou d’autres projets d’approvisionnement infrafédaux.
Les fournisseurs ou sous-traitants canadiens qui soumissionnent pour des contrats d’approvisionnement en construction du gouvernement fédéral américain qui sont supérieurs aux seuils de l’AMP3 ne devraient pas être touchés par les dispositions « Buy American ». Cependant, comme le démontrent les récentes politiques d’approvisionnement du département de la Défense des États-Unis et du Service des douanes et de la protection des frontières, même cela peut être ténu. Si elles sont inférieures aux seuils de teneur en GPA, les dispositions « Buy American » s’appliqueront à moins que des dérogations puissent être obtenues. La portée étroite du pouvoir de dérogation donne toutefois à penser que les dérogations auront une applicabilité limitée aux exportations canadiennes. 4
Les dispositions « Buy American » n’auront aucune incidence sur l’approvisionnement infrafédérial pour les routes, le transport en commun et certains projets aéroportuaires. Ceux-ci sont déjà couverts par les préférences nationales imposées sur les transferts fédéraux en vertu de la Loi sur l’aide au transport de surface (STAA). En raison de la nature restrictive de la STAA, la participation des fournisseurs étrangers devrait demeurer faible, bien que les entreprises canadiennes qui ont réussi à obtenir ces types de contrats dans le passé ne devraient pas être touchées par la Loi sur la reconstitution.
marchés publics et municipaux autres que les marchés routiers, les transports en commun et certains projets d’aéroport couverts par la STAA, les entités infrafédaires sont tenues par la Recovery Act d’exercer une discrimination en faveur des fournisseurs américains par rapport aux fournisseurs canadiens. Cela signifie que les entités infraféd fédérales qui étaient auparavant libres d’acheter des produits canadiens si leur prix était concurrentiel ne sont plus autorisées à le faire pour les projets financés par des fonds de stimulation fédéraux.
Les dispositions « Buy American » de la Recovery Act ont eu pour effet de restreindre considérablement la capacité des fournisseurs canadiens d’accéder aux marchés publics pendant le ralentissement économique actuel. L’ampleur des dépenses de relance du gouvernement américain par l’entremise de la Recovery Act signifie que les entreprises canadiennes ont été exclues des marchés publics critiques à un moment où la demande privée est faible.
Ce qui est encore plus important, c’est que certains distributeurs américains ont choisi de ne pas stocker de produits canadiens pour éviter toute confusion dans les arrangements d’approvisionnement pour les projets des États et des municipalités. De plus, la complexité de l’application de règles d’approvisionnement disparates dans différents marchés publics étatiques et fédéraux conduit à des pratiques d’achat restrictives même lorsque les biens canadiens sont pleinement admissibles à des contrats non financés par les dépenses de stimulation fédérales. Par conséquent, on craint que les dispositions relatives à l’achat d’américains n’aient un impact plus large que ce que leur application légale stricte entraînerait.
La proposition du ministre du Commerce Day comporte une approche en deux étapes. À court terme, l’objectif semble être d’obtenir une dispense ou une autre forme d’exemption pour les marchandises canadiennes des dispositions « Buy American » de la Loi sur la récupération. L’objectif est d’atténuer l’impact de la mesure protectionniste des États-Unis avant que les fonds de stimulation fédéraux ne soient épuisés et de permettre aux fournisseurs canadiens de commencer à soumissionner pour les approvisionnements des États et des municipalités financés par le gouvernement fédéral américain. Compte tenu des menaces récentes de certaines municipalités canadiennes de fermer leurs propres achats de produits américains, l’offre du Canada d’éviter les mesures protectionnistes pourrait avoir un certain attrait pour les fournisseurs américains confrontés à la demande intérieure la plus faible depuis plusieurs décennies.
Bien que l’initiative canadienne puisse avoir un soutien commercial aux États-Unis, elle fera face à une opposition politique sévère. L’administration américaine pourrait bien être réticente à accorder une dérogation unique au Canada au risque de provoquer des membres du Congrès dont le soutien sera nécessaire pour d’autres priorités. Si l’administration accordait une dérogation au Canada, elle ferait également face à des initiatives d’approvisionnement similaires de la part d’autres partenaires commerciaux clés. L’objectif à long terme du Canada est de négocier des engagements bilatéraux (et non fondés sur l’ALENA) pour maintenir les marchés publics ouverts à tous les niveaux de façon permanente afin que les futurs ralentissements économiques n’entraînent pas de lois protectionnistes semblables. Il pourrait aussi y avoir plus de possibilités de poursuivre la libéralisation des marchés publics dans le contexte des négociations en cours pour réviser l’AMP.
Il est ironique que le Canada, qui a bénéficié de la relation de libre-échange la plus longue et la plus profonde entre les partenaires commerciaux des États-Unis, ait été exclu de l’approvisionnement des États et des municipalités par les dispositions relatives à l’achat américain, tandis que d’autres partenaires commerciaux des États-Unis qui ont pris des engagements réciproques au niveau infrafédable en vertu de l’AMP sont exemptés et maintiennent l’accès aux marchés publics américains. L’impact de « Buy American » semble avoir provoqué une plus grande ouverture parmi les gouvernements provinciaux qui ont toujours été réticents à ouvrir leurs marchés d’approvisionnement aux fournisseurs d’autres provinces, sans parler des fournisseurs américains et d’autres fournisseurs non canadiens.