Renseignements confidentiels et l’employé transféré : l’affaire Air Canada c. West Jet

20 octobre 2004

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Écrit par John C. Batzel

Cela arrive tous les jours. Vous embauchez quelqu’un qui travaillait pour l’un de vos principaux concurrents. Peut-être avez-vous cherché la personne et l’avez-vous attirée loin de son poste précédent. Ou, ils sont peut-être venus à vous à la recherche d’un emploi. Il peut s’agir d’un cadre supérieur dont le départ est annoncé dans la presse, ou d’un employé technique dont le déménagement passe largement inaperçu. Quelles obligations avez-vous envers votre concurrent à la suite de la décision d’embaucher l’un de ses anciens employés? À quelle responsabilité pouvez-vous vous exposer si vous ne respectez pas ces obligations?

C’est le genre de questions qui découlent de la poursuite très médiatisée et en cours entre Air Canada et WestJet Airlines Ltd., déposée devant la Cour de justice de l’Ontario en avril de cette année (Bennett Jones LLP ne fait aucun commentaire concernant la véracité ou l’exactitude des déclarations ou des allégations faites dans cette action). Dans sa déclaration, Air Canada allègue que WestJet a illégalement obtenu des renseignements confidentiels et exclusifs d’un ancien employé des Lignes aériennes Canadien (qui a fusionné avec Air Canada en 2000) et qu’elle a utilisé ces renseignements pour tenter de chasser Air Canada de certains marchés. En particulier, la poursuite intentée par Air Canada désigne comme défendeurs WestJet, son ancien vice-président de la planification stratégique (qui est également cofondateur de la compagnie aérienne) et l’ancien employé de la Compagnie aérienne canadienne maintenant à l’emploi de WestJet. L’employé, analyste financier chez WestJet, a reçu une indemnité de départ d’Air Canada dans le cadre de l’entente de fusion entre Air Canada et Les Lignes aériennes Canadien. L’indemnité de départ a permis à l’employé de réserver deux vols gratuits par année sur Air Canada jusqu’en 2005, et lui a permis d’accéder à un site Web grâce auquel il a pu réserver les vols et recevoir de l’information sur le trafic de passagers et les facteurs de charge pour tous les vols d’Air Canada. Selon l’énoncé de la réclamation, Air Canada a donné accès au site Web à d’anciens employés dans le but limité de permettre aux bénéficiaires de privilèges de voyage de réserver des voyages personnels, et de déterminer quand l’espace est disponible et s’il est probable qu’il restera disponible.

Interrogé par les avocats d’Air Canada sur l’enquête préalable, l’employé a déclaré qu’il avait donné son mot de passe sur le site Web d’Air Canada au vice-président de la planification stratégique de WestJet en mars 2003, après que le vice-président se soit rendu à son bureau et ait vu l’information sur son écran d’ordinateur. Peu de temps après, l’employé a demandé et reçu une indemnité légale de WestJet pour toute responsabilité personnelle associée à son utilisation du site Web d’Air Canada. Également lors de la découverte, le vice-président a témoigné qu’il avait commencé à utiliser le mot de passe de l’employé pour accéder au site Web d’Air Canada chaque soir et compter manuellement les facteurs de charge. Peu de temps après, cependant, un autre employé de WestJet s’est vu confier la tâche de créer un logiciel qui calculerait automatiquement les facteurs de charge d’Air Canada. À l’aide de ce logiciel, Air Canada allègue que WestJet a pu accéder à son site Web à 240 000 occasions distinctes entre mai 2003 et mars 2004, et qu’elle a utilisé les renseignements obtenus pour : identifier et cibler les routes les plus rentables d’Air Canada et ajuster ses horaires et ses prix en conséquence; planifier l’expansion dans de nouvelles routes; et d’adopter des stratégies de tarification visant à forcer Air Canada à se retirer de certains marchés. Air Canada allègue qu’en s’appropriant sciemment des renseignements confidentiels, WestJet a obtenu un tremplin précieux en démarrant de nouvelles routes et en terminant d’autres routes, tant au Canada qu’aux États-Unis, évitant ainsi des erreurs coûteuses et chronophages.

La poursuite d’Air Canada réclame 220 millions de dollars en dommages-intérêts contre les défendeurs, ainsi que d’autres réparations relatives à la protection et à la conservation de ses renseignements confidentiels. Depuis le dépôt de la réclamation, l’employé a été mis en congé, tandis que le vice-président de la planification stratégique a démissionné de WestJet en juillet 2003, la compagnie aérienne invoquant leurs intérêts mutuels compte tenu de l’examen continu de ses actions relativement à la poursuite entre Air Canada et WestJet. Air Canada a également fait valoir dans un mémoire écrit déposé auprès de la Cour qu’elle devrait en déduire que l’utilisation abusive et la diffusion de renseignements confidentiels étaient importantes et incluaient toute la haute direction de WestJet, y compris le chef de la direction. Pour leur part, les défendeurs ont nié que les renseignements contenus dans le site Web d’Air Canada étaient confidentiels ou qu’ils ont utilisé des renseignements appartenant à Air Canada, et affirment que tout dommage subi par Air Canada est le résultat de sa propre mauvaise gestion. WestJet nie également que la conduite de son vice-président dont s’est plaint Air Canada ait été exercée dans le cadre de ses fonctions de vice-président et de cadre supérieur de la compagnie. De plus, WestJet et le vice-président ont tous deux demandé en contrepartie à Air Canada d’obtenir des dommages-intérêts punitifs de 5 millions de dollars et d’autres réparations relativement à la saisie illégale présumée par les enquêteurs d’Air Canada de leurs propres renseignements confidentiels trouvés dans les poubelles derrière la maison du vice-président.

Le différend entre Air Canada et WestJet démontre les problèmes qui peuvent survenir lorsque l’ancien employé d’un concurrent possède des renseignements prétendument confidentiels appartenant à ce concurrent. De façon générale, la loi imposera à ces employés une obligation de bonne foi qui leur interdit d’utiliser ou de divulguer des renseignements véritablement confidentiels à des fins concurrentielles. Cela est vrai même lorsque l’employé n’a pas signé d’entente de confidentialité écrite avec l’ancien employeur. Les employés chevronnés qui entreposent une relation fiduciaire avec leur ancien employeur ont l’obligation accrue de ne pas solliciter directement les clients de l’ancien employeur pendant une période de temps raisonnable, ni d’utiliser injustement les renseignements obtenus dans le cadre de leur emploi chez l’ancien employeur. Un employeur qui bénéficie de la violation de la common law d’un employé ou des obligations fiduciaires dues à son ancien employeur peut être tenu responsable du fait d’autrui d’un tel manquement. Un employeur peut également être tenu directement responsable d’avoir induit le manquement à toute obligation due par un employé à son ancien employeur. Compte tenu des risques potentiels, les employeurs devraient faire preuve de prudence avant d’utiliser des renseignements de nature sans doute confidentielle en la possession d’un employé qui a déjà travaillé pour l’un de leurs concurrents. À tout le moins, les employeurs dans ces circonstances devraient communiquer avec un conseiller juridique et demander conseil avant d’exiger d’un employé qu’il divulgue des renseignements potentiellement confidentiels ou qu’il utilise ces renseignements à quelque fin que ce soit. Les employeurs devraient également demander conseil avant d’accorder une indemnité à l’ancien employé d’un concurrent concernant l’utilisation de tout renseignement potentiellement confidentiel. Bien que la capacité d’acquérir des informations sur un concurrent auprès des anciens employés du concurrent puisse sembler être une opportunité attrayante au départ, le risque d’exploiter cette opportunité peut très rapidement dépasser toute récompense.

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