Plus tôt ce mois-ci, la Cour d’appel de l’Alberta a rejeté la loi nationale sur les valeurs mobilières proposée par le gouvernement fédéral, la jugeant inconstitutionnelle. 1 La décision de la Cour d’appel du Québec sur la même question est attendue sous peu. Bien que la décision de l’Alberta soit formulée avec force, la décision finale appartient à la Cour suprême du Canada, qui entendra les arguments les 13 et 14 avril 2011. Il reste à voir si la décision de l’Alberta préfigure les motifs de la Cour suprême ou s’il devient la voix de la dissidence sur cette question.
En mai 2010, le gouvernement du Canada a publié le projet de Loi sur les valeurs mobilières du Canada (LMMC), qui prévoit l’harmonisation des lois provinciales et territoriales existantes en une seule loi fédérale et crée un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Les ACVM sont semblables aux lois provinciales sur les valeurs mobilières, mais elles contiennent tout de même des changements importants par rapport au régime actuel. En même temps qu’il a libéré le CSA, le gouvernement fédéral a renvoyé la question de sa constitutionnalité à la Cour suprême. Peu de temps après, les gouvernements de l’Alberta et du Québec ont soumis des questions de renvoi similaires à leurs cours d’appel respectives.
La Loi constitutionnelle de 1867 répartit certains pouvoirs entre les gouvernements provincial et fédéral. La question juridique dans tous les renvois est de savoir si les ACVM relèvent d’un chef de compétence provincial ou fédéral. Les provinces ont traditionnellement eu compétence sur la réglementation de l’industrie des valeurs mobilières sous leur chef de compétence « en matière de propriété et de droits civils ». Mais le gouvernement fédéral a fait valoir qu’il avait une compétence concurrente fondée sur le pouvoir général du pouvoir fédéral en matière d'« échanges et de commerce ». S’il y a compétence concurrente, la loi fédérale l’emporte sur la loi provinciale en vertu de la doctrine de la prépondérance.
La Cour d’appel a d’abord examiné le « caractère véritable » des ACVM, que les parties ont finalement convenu d’être « la réglementation des participants aux marchés financiers publics au Canada et les opérations relatives à la mobilisation de capitaux ». Toutefois, le gouvernement fédéral a plaidé en faveur d’une qualification du caractère véritable d’une réglementation nationale complète des valeurs mobilières (et nécessairement au-delà de la compétence des provinces). La Cour a rejeté cet argument : « ce n’est pas parce que quelque chose est d’intérêt général partout au Canada qu’il suffit de créer une compétence fédérale. »
Le gouvernement fédéral a également fait valoir que le secteur des valeurs mobilières a changé au cours de la dernière décennie, devenant plus complexe et de nature internationale, et que les ACVM étaient nécessaires pour faire face au risque systémique. La Cour a également rejeté ces arguments, concluant qu’un marché des valeurs mobilières plus complexe et mondial ne change pas le caractère véritable de la loi et qu’il n’y a rien de concret dans les ACVM au sujet du risque systémique. Bien qu’une petite partie de la LMMC puisse être appuyée en raison du pouvoir criminel du gouvernement fédéral, la Cour a conclu que, dans l’ensemble, la LMMC n’est pas du droit criminel.
Dans une décision antérieure2, la Cour suprême a énoncé cinq facteurs non définitifs qui démontrent quand une loi peut être validement adoptée en vertu du pouvoir général en matière de commerce :
La Cour a conclu que les ACVM ne satisfont pas aux trois derniers de ces critères. Premièrement, le CSA ne concerne pas le commerce dans son ensemble; elle ne concerne qu’une industrie particulière qui n’est qu’un segment de l’économie. Deuxièmement, les provinces ne sont pas incapables de réglementer le secteur des valeurs mobilières, comme elles le font depuis des décennies. Troisièmement, l’exclusion de certaines provinces du régime ne nuirait pas à son application dans d’autres provinces, ce qui a été démontré par la disposition d’adhésion « d’adhésion » des ACVM. Les provinces choisiraient volontairement de s’inscrire à l’organisme national de réglementation des valeurs mobilières, ce qui signifie que le défaut d’inclure une province ne compromettrait pas le régime. La Cour a comparé l’industrie des valeurs mobilières à l’industrie de l’assurance, que le gouvernement fédéral avait tenté sans succès de réglementer pendant des années. De l’avis de la Cour, le gouvernement fédéral tentait essentiellement d’infirmer ces affaires « et de réécrire l’histoire constitutionnelle du Canada d’une manière qui perturberait la prévisibilité requise en droit constitutionnel ».
La Cour d’appel a reconnu que la « doctrine du double aspect » peut s’appliquer. Il prévoit que des lois provinciales et fédérales semblables peuvent toutes deux être constitutionnelles lorsqu’elles relèvent à la fois d’un chef de compétence provincial et fédéral. Dans ce cas, la loi fédérale devient primordiale. Comme la Cour a conclu que les ACVM ne relevaient pas d’un chef de pouvoir fédéral, la doctrine du double aspect ne s’applique pas. De plus, la doctrine n’a pas été appliquée lorsque les lois fédérales et provinciales étaient des dédoublements massifs l’une de l’autre. De l’avis de la Cour, il serait erroné d’appliquer la doctrine lorsque les deux ensembles de lois poursuivent le même objet par des moyens similaires. Dans ses observations finales, la Cour d’appel a rejeté l’approche du gouvernement fédéral, déclarant que « la façon d’y parvenir [le régime national des valeurs mobilières] passe par la négociation avec les provinces, et non par la demande aux tribunaux de réaffecter les pouvoirs en vertu de la Loi constitutionnelle par un élargissement radical du pouvoir des échanges et du commerce ».
Bien que cette décision ne lie pas la Cour suprême, elle fournit un cadre d’analyse. Le gouvernement fédéral devra examiner la meilleure façon de formuler ses observations orales pour répondre aux préoccupations soulevées par la Cour d’appel de l’Alberta et persuader une majorité de la Cour suprême que les ACVM relèvent de la compétence fédérale. Notamment, les gouvernements de l’Alberta et du Québec s’opposent au CSA devant la Cour suprême et s’appuieront sans aucun doute fortement sur ces raisons.