Réduire les risques des administrateurs et des dirigeants dans le cadre d’un recours collectif en valeurs mobilières : un rappel

16 décembre 2010

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*Une version précédente du présent document a été présentée à la Conférence de l’Institut canadien sur le litige et l’application de la loi en matière de valeurs mobilières, les 19 et 20 octobre 2010, à Toronto.

Le régime législatif de l’Ontario pour la responsabilité sur le marché secondaire est entré en vigueur en 2006 à la suite de modifications apportées à la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) (la « LMO »), créant une cause d’action légale pour une divulgation insuffisante sur le marché. D’autres provinces ont suivi. À ce jour, il y a eu peu de jurisprudence sur le nouveau régime. Ce qui suit représente diverses questions auxquelles les administrateurs et les dirigeants peuvent être confrontés dans le contexte de la responsabilité potentielle sur le marché secondaire, et fournit des conseils pratiques sur la façon dont les administrateurs et les dirigeants peuvent réduire leur risque d’être personnellement responsables dans un recours collectif en valeurs mobilières. Le document se termine par plusieurs autres développements dans les recours collectifs découlant de violations d’autres lois qui mettent en lumière d’autres domaines de responsabilité potentielle des dirigeants et des administrateurs.

Question : Le critère de congé – Normes différentes pour les administrateurs, les dirigeants et les personnes influentes

En créant une cause d’action légale pour les fausses déclarations sur le marché secondaire, l’OSA (et des lois comparables dans l’ensemble du Canada) libère les actionnaires du fardeau de prouver qu’ils se fient à la fausse déclaration d’un émetteur public pour réussir dans une cause d’action pour les fausses déclarations sur le marché secondaire. Afin d’offrir une certaine protection aux défendeurs potentiels contre la possibilité de poursuites non justifiées, l’article 138.8 de la LMO attribue aux tribunaux une fonction de « gardien » : aucune action ne peut être intentée en vertu de l’article 138.3 sans l’autorisation du tribunal. L’article 138.8 exige que, pour qu’un tribunal accorde à un demandeur proposé l’autorisation d’intenter une action en vertu de la partie XXIII.1, le tribunal soit convaincu que (1) l’action est intentée de bonne foi; et (2) il existe une possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause au procès.

Le critère des congés est un critère fondé sur des données probantes. Par conséquent, le demandeur proposé doit démontrer qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour qu’un tribunal puisse conclure qu’il existe une possibilité raisonnable que les demandeurs réussissent au procès en ce qui concerne ses réclamations en vertu de l’article 138.3.

L’article 138.3 établit une norme différente pour les administrateurs, les dirigeants et les personnes influentes :

138.3 (1) Lorsqu’un émetteur responsable ou une personne ou une société ayant le pouvoir réel, implicite ou apparent d’agir au nom d’un émetteur responsable libère un document qui contient une fausse déclaration, une personne ou une société qui acquiert ou dispose du titre de l’émetteur au cours de la période entre le moment où le document a été communiqué et le moment où la fausse déclaration contenue dans le le document a été corrigé publiquement a, sans égard à la question de savoir si la personne ou la société s’est fondée sur la fausse déclaration, un droit d’action en dommages-intérêts contre,
a) l’émetteur responsable
b) chaque administrateur de l’émetteur responsable au moment de la publication du document;
c) chaque dirigeant de l’émetteur responsable qui a autorisé, permis ou acquiescé à la communication du document;
d) chaque personne influente, ainsi que chaque administrateur et dirigeant d’une personne influente, qui a sciemment influencé
(i) l’émetteur responsable ou toute personne ou société agissant au nom de l’émetteur responsable pour divulguer le document, ou
(ii) un administrateur ou un dirigeant de l’émetteur responsable d’autoriser, de permettre ou d’acquiescer à la communication du document; ...

En ce qui concerne les administrateurs, et sous réserve des moyens de défense fondés sur la diligence raisonnable dont il est question ci-dessous, un demandeur proposé doit présenter suffisamment d’éléments de preuve pour établir une possibilité raisonnable de prouver au procès (i) qu’il y a eu une fausse déclaration dans un document de base; et (ii) la personne était un administrateur de l’émetteur responsable au moment de la publication du document. Fait intéressant, dans IMAX1, la seule affaire qui a examiné le critère de l’autorisation, la Cour n’a pas accordé l’autorisation d’intenter une action contre deux administrateurs externes. En fait, ces administrateurs n’avaient pas touché aux documents. Ils avaient un rôle limité en ce qui concerne l’information financière et savaient que le comité d’audit et les vérificateurs étaient satisfaits des questions maintenant en litige liées à la constatation des recettes. Cela était suffisant pour établir le moyen de défense raisonnable fondé sur l’enquête, même en l’absence d’une enquête indépendante. En revanche, les administrateurs qui faisaient partie du comité d’audit et qui avaient interrogé les vérificateurs et les dirigeants financiers de la Société ne satisfaisaient pas aux exigences du critère de l’enquête raisonnable.

Dans le cas d’un agent à l’étape de l’autorisation, un demandeur proposé devra disposer d’une preuve suffisante pour démontrer une possibilité raisonnable que le demandeur soit en mesure de réussir à démontrer que l’agent en question a autorisé, permis ou acquiescé à la communication du document. On peut soutenir que cela exige qu’un demandeur démontre que l’agent en question a joué un rôle, ou a eu l’occasion de jouer un rôle et a choisi de ne pas le faire, dans la production ou la divulgation des documents d’information. Par exemple, dans l’affaire IMAX, la Cour a accordé l’autorisation contre le dirigeant principal des finances et le vice-président, Finances, qui avaient tous deux signé le document de base contenant les fausses déclarations alléguées. 2

Le critère est encore plus restrictif dans le cas d’une personne influente (ce qui comprend les initiés qui ne sont pas des administrateurs et des dirigeants). Le demandeur a besoin de la preuve que la personne influente a « sciemment influencé » l’émetteur à divulguer le document contesté ou a sciemment influencé un dirigeant ou un administrateur de l’émetteur à autoriser, permettre ou acquiescer à la divulgation du document.

Dans ce contexte, la question de la prise de notes et des conseils d’experts indépendants sera examinée ci-dessous.

Question : Quels sont les moyens de défense dont disposent les administrateurs et les dirigeants à l’égard de la cause d’action prévue par la loi?

Les mêmes moyens de défense s’offrent aux administrateurs, aux dirigeants et aux personnes influentes. Il existe des moyens de défense précis concernant l’information prospective et la divulgation confidentielle à l’organisme de réglementation. De façon plus générale, le paragraphe 138.4(6) de la LMO prévoit un moyen de défense raisonnable fondé sur l’enquête : une personne ou une société n’est pas responsable relativement à une fausse déclaration si cette personne ou cette société prouve que (i) avant la divulgation du document ou la déclaration orale publique contenant la fausse déclaration, la personne ou l’entreprise a mené ou fait mener une enquête raisonnable, et (ii) au moment de la publication du document ou de la déclaration orale publique, la personne ou l’entreprise n’avait aucun motif raisonnable de croire que le document contenait la fausse déclaration.

Le paragraphe 138.4(7) prévoit que le tribunal devrait tenir compte des facteurs suivants pour déterminer si une enquête était raisonnable :

a) la nature de l’émetteur responsable;

b) les connaissances, l’expérience et la fonction de la personne ou de l’entreprise;

c) la charge occupée, si la personne était un fonctionnaire;

d) la présence ou l’absence d’une autre relation avec l’émetteur responsable, si la personne était un administrateur;

e) l’existence, le cas échéant, et la nature de tout système conçu pour s’assurer que l’émetteur responsable respecte ses obligations d’information continue;

f) le caractère raisonnable de la confiance de la personne ou de la société à l’égard du système de conformité en matière d’information de l’émetteur responsable et des dirigeants, employés et autres personnes de l’émetteur responsable dont les fonctions leur auraient, dans le cours normal des choses, leur auraient donné connaissance des faits pertinents;

g) le délai dans lequel la divulgation devait être faite en vertu de la loi applicable;

h) à l’égard d’un rapport, d’une déclaration ou d’une opinion d’un expert, les normes professionnelles qui lui sont applicables;

(i) la mesure dans laquelle la personne ou l’entreprise connaissait, ou aurait raisonnablement dû connaître, le contenu et le support de diffusion du document ou de la déclaration orale publique;

j) en cas de fausse déclaration, le rôle et la responsabilité de la personne ou de la société dans la préparation et la communication du document ou dans la déclaration orale publique contenant la fausse déclaration ou la vérification des faits contenus dans ce document ou cette déclaration orale publique; et

k) dans le cas d’un défaut de divulgation en temps voulu, le rôle et la responsabilité de la personne ou de l’entreprise impliquée dans une décision de ne pas divulguer le changement important.

Dans l’affaire IMAX, la Cour a rejeté les arguments des défendeurs selon lesquels la Cour devrait intégrer la règle du jugement commercial dans l’application du moyen de défense fondé sur l’enquête raisonnable. 3 La Cour a statué qu’il incombait aux défendeurs d’établir le moyen de défense et que l’établissement d’une norme de retenue à l’égard de la décision d’un administrateur ou d’un dirigeant serait à la fois inutile et incompatible avec le régime et l’objet de la réparation prévue par la loi.

Question : Pratiques défensives de D&O – Avoir les preuves pour défendre votre rôle dans le processus de divulgation

Il y a longtemps eu un débat entre les personnes impliquées dans la gouvernance d’entreprise sur l’opportunité pour les dirigeants et les administrateurs de tenir des dossiers et des notes de leurs activités et, dans l’affirmative, dans quels détails. La prise de notes est toujours considérée comme une arme à double tranchant : un administrateur ou un dirigeant peut être en mesure de se fier à des notes à une date ultérieure, mais ces mêmes notes sont probablement productibles dans certaines enquêtes réglementaires ou procédures de litige et, si elles ne sont pas préparées avec soin et précision, peuvent finalement nuire plutôt que d’aider sa position.

Dans l’ensemble, dans le contexte actuel de litiges et de réglementation, les dirigeants et les administrateurs sont mieux servis en maintenant des dossiers détaillés et des notes sur leur conduite, leurs rôles et leurs responsabilités sur des questions importantes au sein de la société. En supposant que l’on fasse son travail avec soin et attention, il est préférable pour un dirigeant ou un directeur d’être en mesure de montrer ce qu’elle a fait à l’époque en question et pourquoi elle l’a fait. Cela est particulièrement vrai dans le contexte du moyen de défense fondé sur l’enquête raisonnable prévu au paragraphe 138.4(6) de la LSA. Il incombe aux défendeurs de démontrer qu’ils ont mené une enquête raisonnable sur la question sous-jacente à l’origine de la prétendue fausse déclaration. Des notes et/ou des dossiers exacts peuvent fournir les éléments de preuve nécessaires pour établir un tel moyen de défense.

Cependant, il est important de reconnaître qu’une telle prise de notes ne devrait pas équivaloir à garder plusieurs séries de minutes. Il ne devrait y avoir qu’une seule série de minutes. Chaque directeur devrait examiner ces procès-verbaux pour en assurer l’exactitude. Les notes ont pour but de documenter sa propre conduite et sa propre participation. Je le répète, les notes doivent être factuelles et faites avec soin. Ils doivent être exacts et complets. Commentaires négligents ou « plaisantants » « couler des navires » et des poursuites judiciaires. Il faut également prendre soin de tenir des notes afin de ne pas compromettre les revendications de privilège qui pourraient autrement être revendiquées par une entreprise ou des particuliers.

Voici d’autres pratiques défensives qui peuvent être employées :

Question : Comment le plafond des dommages-intérêts prévu à l’article 138.7 affecte-t-il les dirigeants et les administrateurs?

L’article 138.7 de la LSA prévoit que les dommages-intérêts imposés à une personne ou à une société sont plafonnés à moins que le demandeur ne prouve que la personne ou la société a autorisé, permis ou acquiescé à faire une fausse déclaration (ou à l’omission de faire une divulgation en temps opportun) tout en sachant qu’il s’agissait d’une fausse déclaration ou d’un défaut de divulgation en temps opportun, c.-à-d. fraude. Dans le cas d’un dirigeant ou d’un administrateur, en l’absence de preuve de la connaissance de la fausse déclaration ou de l’omission de faire une divulgation en temps opportun, les dommages-intérêts sont plafonnés au plus élevé de 25 000 $ et de 50 % de la rémunération totale de l’administrateur ou du dirigeant de l’émetteur déclarant ou de ses sociétés affiliées.

Compte tenu de l’existence du plafond des dommages-intérêts et de l’absence de fraude, il y a une question très réelle de savoir si les dirigeants ou les administrateurs devraient toujours choisir de défendre les réclamations intentées en vertu de l’article 138 lorsque le coût de la défense peut dépasser la responsabilité potentielle. Cependant, il peut s’agir de problèmes de réputation pour les individus et l’entreprise qui rendent l’assistance à une défense souhaitable, même si elle n’est pas économique. Dans certains cas, les demandeurs proposés peuvent seulement choisir d’ajouter certains administrateurs et dirigeants en tant que défendeurs proposés pour des raisons de découverte qu’ils espèrent utiliser contre l’émetteur déclarant. Cela peut soulever des questions quant à la bonne foi, qui est une autre exigence pour que l’autorisation soit accordée.

Il convient de noter que la plupart des actions proposées en vertu de la cause d’action de la partie XXIII.1 ont été accompagnées des réclamations de common law pour négligence et fausses déclarations par négligence. L’allégation de common law de déclaration inexacte faite par négligence a été certifiée dans l’affaire IMAX. De toute évidence, il n’y a pas de plafond de dommages-intérêts pour les réclamations en common law. Bien qu’il y ait une différence importante entre le fait qu’une réclamation soit certifiée et le fait que les demandeurs aient finalement gain de cause dans leur réclamation pour déclaration inexacte faite par négligence en common law, la certification de la réclamation de common law dans de telles circonstances semble incompatible avec les rejets antérieurs par les tribunaux de l’Ontario d’une théorie de la « fraude sur le marché ». En fait, une partie de l’impulsion pour la partie XXIII.1 de la LMO était de surmonter l’obstacle de la confiance dans de telles revendications de common law en supprimant cette exigence.

Question : Quand les cabinets d’avocats pourraient-ils être tenus responsables du fait que leurs avocats agissent à titre d’administrateurs?

Dans Allen c. Aspen Group Resources Corporation et al.4, le juge Strathy a autorisé un recours collectif lié à de prétendues fausses déclarations contenues dans une circulaire pour une offre publique d’achat. Les défendeurs les plus pertinents aux fins actuelles sont WeirFoulds LLP et son associé Wayne Egan, conseiller juridique externe d’Aspen et administrateur pendant la période pertinente. La Cour a mis en garde contre les ramifications possibles d’un avocat d’entreprise externe siégeant au conseil d’administration d’une société:

Il me semble qu’il est discutable qu’un avocat qui, par l’intermédiaire de son cabinet d’avocats, agit à titre de conseiller juridique externe d’une société et qui siège également au conseil d’administration de la société, peut bien agir dans le cours normal des affaires du cabinet d’avocats lorsqu’il prend place à la salle de conférence tableau. En effet, une telle relation avec la société peut être encourage par le cabinet d’avocats à renforcer la relation avec le client, à rehausser le profil de l’avocat et du cabinet d’avocats et à accroître les affaires. Dans la mesure où il y a des risques pour l’avocat et le cabinet d’avocats, ils peuvent sans aucun doute être compensés par une assurance responsabilité appropriée. 5

En ce qui concerne WeirFoulds LLP et Wayne Egan, il a été conclu que les actes de procédure révélaient une cause d’action indiquant que le cabinet d’avocats pourrait devenir responsable des actes de M. Egan en sa qualité d’administrateur.

Bien qu’il soit important de se rappeler que le recours collectif n’a été certifié et que le cabinet d’avocats n’a pas été jugé responsable, l’affaire sert d’avertissement pour les cabinets d’avocats. Les associés qui envisagent d’agir à titre d’administrateurs doivent s’assurer qu’il y a des démarcations claires entre leur rôle en tant qu’associé d’un cabinet d’avocats et leur rôle en tant qu’administrateur d’une société à titre personnel. Des mesures doivent être prises dans le cadre du processus d’entreprise pour qu’il soit clair que la personne agit à titre d’administrateur à titre personnel et non à titre d’associé d’un cabinet d’avocats.

Question : Assurance, assurance, assurance

Dans le contexte actuel des litiges et de la réglementation, personne ne devrait être administrateur ou dirigeant d’une société publique sans s’assurer qu’une assurance responsabilité civile appropriée et adéquate des administrateurs et des dirigeants est et demeure en place. Les polices d’assurance responsabilité de D&O se sont avérées problématiques dans le passé en ce qui concerne, par exemple: la portée de la couverture et l’existence d’une couverture des entités de valeurs mobilières; la pertinence de la couverture; exclusions inappropriées; l’existence et la suffisance des dispositions relatives aux coûts de la défense; et l’interaction entre la couverture des procédures civiles et réglementaires. D’autres questions peuvent survenir dans le contexte du règlement qui devraient être, dans la mesure du possible, prévues à l’avance et prévues dans la politique. Faire examiner la politique proposée par un avocat bien informé. Les administrateurs et les dirigeants devraient envisager d’avoir une représentation indépendante de la société dans la négociation de la couverture D&O. Les administrateurs indépendants, en particulier, devraient s’assurer que les limites qui s’appliquent à eux sont adéquates, par le biais d’une exclusion ou autrement.

Les administrateurs et les dirigeants devraient également envisager d’obtenir une indemnité contractuelle, en plus de celle prévue dans les règlements administratifs de la société ou dans les lois applicables. Ces indemnités peuvent être adaptées pour répondre aux préoccupations particulières des administrateurs et des dirigeants, et en particulier aux préoccupations des administrateurs indépendants. Là encore, il faudrait demander un avis juridique indépendant. Il faudrait également tenir compte de l’exposition potentielle à la responsabilité des filiales internationales. la police d’assurance répond-elle à la responsabilité potentielle dans les juridictions concernées? Y a-t-il des lois locales qui peuvent affecter la capacité de faire appel à des indemnités contractuelles ou légales?

Question en litige : Considérations à l’intention des dirigeants et des administrateurs dans le cadre de procédures criminelles, civiles et réglementaires parallèles

Il existe diverses considérations dont les dirigeants et les administrateurs doivent tenir compte dans le cadre de procédures criminelles, civiles et réglementaires parallèles. L’une des considérations dont il faut tenir compte est la façon dont une stratégie dans une administration peut influer sur la divulgation dans une autre. Par exemple, les faits stipulés dans un accord de plaidoyer criminel ou dans un règlement réglementaire, au Canada et dans des pays étrangers, peuvent être des éléments de preuve dans le cadre d’une procédure d’autorisation dans le cadre d’un recours collectif en valeurs mobilières en Ontario. Les dirigeants et les administrateurs devraient s’assurer que tous leurs avocats dans chaque juridiction coopèrent pour s’assurer que toutes les conséquences potentielles sont prises en compte avant de prendre une décision.

De plus, il existe une jurisprudence (voir Fischer c. IG. Investment Management Ltd. et al6) défendant la proposition selon laquelle les procédures de la CVMO et les ententes de règlement donnent accès à la justice aux investisseurs de l’Ontario, de sorte qu’un recours collectif en valeurs mobilières pourrait ne pas être nécessaire. Cela clarifie un aspect important de l’interrelation entre les procédures réglementaires et les recours collectifs. Les répondants peuvent trouver approprié de négocier des règlements avec des organismes de réglementation plutôt que de contester des allégations. Dans certaines circonstances, il peut y avoir une possibilité, dans le cadre d’un tel règlement, d’indemniser directement les personnes qui auraient subi un préjudice en raison de la conduite en cause. Cela pourrait permettre de résoudre les problèmes de façon appropriée dans un contexte réglementaire. Il permet aux répondants d’être proactifs et de choisir de faire « la bonne chose » à un stade précoce. La décision rendue dans l’affaire Fischer confirme qu’il n’est pas nécessaire qu’un tel processus ouvre la voie à de futurs recours collectifs. En effet, cela peut créer une occasion d’éviter de futurs litiges.

Question : Non-disponibilité d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pour d’autres infractions à la loi?

Le 1er octobre 2010, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une décision dans l’affaire Jeffrey et Rudd c. London Life Insurance et al. 7 Dans le présent recours collectif8, les demandeurs allèguent que l’acquisition de London Insurance Group (« LIG ») par la Great-West, compagnie d’assurance-vie (« GWL ») comportait un certain nombre de violations de la Loi sur les sociétés d’assurances du Canada (« LSA »). 9

Le recours collectif découle de l’acquisition de LIG par GWL et sa société mère, Great-West Lifeco Inc. (« GW Lifeco »), pour 2,9 milliards de dollars en 1997. Le différend fondamental entre les parties portait sur le financement partiel du prix d’acquisition par les comptes de polices avec participation de GWL et de LL. En vertu de la LIC, une police avec participation est définie comme une police d’assurance qui permet au titulaire de participer aux bénéfices de la société. Pour cet avantage supplémentaire, les titulaires de polices participantes paient des primes plus élevées. L’ICA réglemente l’application de ces politiques.

Aux fins du présent document, il est particulièrement préoccupant de conclure que les défendeurs avaient contrevenu aux dispositions de la LSA, la Cour a conclu à une violation du paragraphe 166(2) de la LSA, même si les administrateurs et les dirigeants des défendeurs se sont fiés au rapport de l’actuaire indépendant pour approuver l’acquisition. Cette violation dépendait entièrement des violations par les défendeurs des articles 462, 331(4) et 458 de la LSA, car la Cour a conclu que la règle du jugement commercial n’offre aucune protection aux administrateurs et aux dirigeants en cas de violation de la loi.

En l’espèce, cette conclusion n’avait que peu d’importance sur le plan pratique : la Cour avait déjà conclu que les défendeurs avaient contrevenu à trois dispositions de la LSA et, étant donné que les administrateurs et les dirigeants n’avaient pas été désignés comme défendeurs, aucune indemnité n’avait été accordée contre eux personnellement, et la violation du paragraphe 166(2) n’avait donné lieu à aucune autre responsabilité.

Néanmoins, les implications possibles de la décision de la Cour sont dignes de mention. Plus précisément, bien que la Cour ait examiné la validité de la règle du jugement commercial relativement au paragraphe 166(2), elle n’a pas tenu compte de la disposition d'« exonération » prévue à l’article 220 de la LSA. 10Le paragraphe 220(1) prévoit, entre autres choses, qu’un administrateur, un dirigeant ou un employé s’est acquitté de son obligation en vertu du paragraphe 166(2) s’il a fait preuve du soin, de la diligence et des compétences qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercés dans des circonstances comparables, y compris le fait de se fier de bonne foi au rapport d’une personne dont la profession donne de la crédibilité à une déclaration faite.

En omettant d’examiner cette disposition et en concluant que les violations de la LSA par les défendeurs ont inévitablement mené à une violation du paragraphe 166(2) par les administrateurs et les dirigeants, la Cour semble avoir indiqué qu’une violation de la loi l’emporte sur toute défense de diligence raisonnable de la part d’un administrateur ou d’un dirigeant. Une telle interprétation peut aller à l’encontre d’une simple interprétation de la LSA et de dispositions comparables dans les lois sur le droit des sociétés. Plus important encore, s’il était jugé que les administrateurs et les dirigeants contrevenaient au paragraphe 166(2) chaque fois qu’une société contrevenait à une disposition de la LSA, sans moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable, les administrateurs et les dirigeants pourraient être assujettis à une responsabilité indéterminée importante.

Il s’agira d’une question importante que les administrateurs et les dirigeants, et en particulier les dirigeants et les administrateurs des compagnies d’assurance régies par la LIC, voudront suivre dans le cas de l’appel de cette affaire.

Question en litige : Recours en cas d’oppression pouvant faire l’objet de recours collectifs

Dans l’affaire Jellema v. American Bullion Minerals Ltd.11, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué que le recours en cas d’oppression pouvait convenir à un recours collectif. La Cour a suivi la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Stern v. Imasco Ltd.12, qui a statué que les actes d’oppression peuvent ou non être de nature personnelle. La Cour a statué que les actes d’oppression impliquant des entreprises privées sont susceptibles d’être de nature personnelle et, par conséquent, ne conviennent pas à la certification. Dans d’autres cas, toutefois, la loi sur les recours collectifs sera « complémentaire et facilitant l’atteinte des objectifs des dispositions relatives à la réparation en cas d’oppression ». La Cour a également statué que la Loi sur les recours collectifs doit être interprétée d’une manière large et corrective, et que le cas des demandeurs était le type d’affaire dans lequel les avantages et les protections d’un recours collectif sont appropriés: il s’agit d’une société cotée en bourse qui a de nombreux actionnaires; les demandeurs ne détiennent qu’un faible pourcentage des actions en circulation et, sans les avantages de la certification, pourraient bien ne pas être en mesure de se permettre de poursuivre l’action; la conduite oppressive alléguée n’est pas de nature personnelle, mais elle est du genre de celle qui toucherait tous les actionnaires; et s’il était accordé, un recours profiterait à tous les actionnaires sous la forme d’une augmentation de la valeur de leurs actions. Ainsi, les dirigeants et les administrateurs de sociétés cotées en bourse pourraient bien faire l’objet de recours collectifs en vertu des recours en cas d’oppression.

Conclusion

Bien que l’évolution récente du droit canadien ait donné lieu à de nouvelles questions pour les administrateurs et les dirigeants dans le contexte de la responsabilité potentielle sur le marché secondaire et d’autres sources légales de responsabilité dans un contexte de recours collectifs, les pratiques exemplaires demeurent les mêmes. Les dirigeants et les administrateurs doivent se tenir au courant de leurs devoirs et responsabilités personnels ainsi que des obligations de divulgation de la société et doivent se tenir au courant de ces obligations. Les administrateurs et les dirigeants doivent s’assurer que la société met en œuvre un programme officiel de conformité et de surveillance et qu’il existe des dossiers exacts pour documenter la conformité aux obligations légales. Les administrateurs devraient envisager de faire appel efficacement à des consultants externes pour les aider et les conseiller dans l’exercice de leurs fonctions et obligations. Et bien sûr, une couverture d’assurance appropriée est une nécessité.

Remarques :

  1. Silver c. IMAX, [2009] O.J. no 5573 [IMAX].
  2. Ibid., par. 353.
  3. Ibid., par. 376.
  4. Allen c. Aspen Group Resources Corporation et autres, 4 décembre 2009 (Juge surintendant)
  5. Ibid. au par. 71.
  6. Fischer c. IG Investment, 2010 ONSC 296 (C.P. sup.) [Fischer].
  7. 2010 ONSC 4938.
  8. L’action avait été certifiée en vertu de la Class Proceedings Act, 1992, S.O. 1992, ch. 6 [CPA] par un jugement rendu le 29 février 2008 : Jeffrey and Rudd v. London Life Insurance Co. (2008), 89 O.R. (3d) 686 (C.P. sup.), décédé (2008), 59 C.P.C. (6th) 30 (C. div. Ont.).
  9. L.C. 1991, ch. 47 [LIC].
  10. Il convient de noter que la Cour avait déjà examiné les dispositions d’exonération en lien avec le paragraphe 166(1) de la LSA.
  11. Jellema v. American Bullion Minerals Ltd., 2010 BCCA 495
  12. Stern v. Imasco Ltd., [1999] 1 B.L.R. (3d) 198.

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