La plupart des administrations au Canada exigent le consentement unanime de tous les actionnaires, y compris les actionnaires sans droit de vote, pour qu’une société sans droit de vote puisse se passer d’une vérification. L’exigence est absolue et obligatoire – il n’y a pas d’autres exemptions ou qualifications. La raison d’être de la politique publique qui sous-tend la règle est louable; cependant, la mise en œuvre dans la pratique peut être austère. Il est temps de revoir l’exigence de vérification universelle telle qu’elle s’applique aux sociétés non distributantes.
La
Loi canadienne sur les sociétés par actions et ses homologues provinciaux prévoit généralement que les actionnaires des sociétés non diverses peuvent décider de ne pas nommer de vérificateur à condition que tous les actionnaires, y compris les actionnaires qui n’ont pas autrement le droit de voter, y consentent à cette résolution. Bien que la
Companies Act de l’Île-du-Prince-Édouard soit muette sur ce point, elle stipule toutefois que les administrateurs de chaque société doivent déposer devant les actionnaires un état complet et clair des affaires et de la situation financière de la société à chaque assemblée générale annuelle ou avant. Dans
l’arrêt MacLeod et John L. MacLeod Transport, Consultant and Management Ltd. c. Murray et Murray, il a été jugé que cette exigence ne pouvait être satisfaite qu’en produisant des états financiers vérifiés. Contrairement à toutes les autres administrations au Canada, le Nouveau-Brunswick autorise, mais n’exige pas, la nomination d’un vérificateur; de plus, si un vérificateur est nommé au cours d’une année donnée, cette nomination peut être écartée au cours de l’année suivante par résolution ordinaire (n’exigeant donc pas l’unanimité).
La justification sous-jacente de la politique publique de l’exigence d’audit universel est claire : la protection des investisseurs et, en particulier, la protection des actionnaires minoritaires. Il a été jugé que les actionnaires (avec droit de vote et sans droit de vote) ont le droit d’être informés, et d’avoir une évaluation indépendante, de la situation financière d’une société afin
de permettre, entre autres, aux actionnaires d’évaluer leurs investissements (et leur gestion) sur une base continue et cohérente. La jurisprudence a régulièrement confirmé et confirmé le caractère sacré de ce droit (y compris
Merrill c. Afab Security;
Labatt Brewing Co. c. Trilon Holdings Inc.;
Smith c. ECO Grouting Specialists Ltd.;
Runnalls c. Regent Holdings Ltd.;
Barbour c. Jamestown Lumber Co.). Dans
l’affaire Discovery Enterprises Inc. c. ISE Research Ltd., il a été noté que « le refus d’une société de fournir des états financiers vérifiés peut servir à cacher la véritable situation financière à un actionnaire minoritaire. »
Quoi qu’il en soit, l’application universelle de cette exigence onéreuse peut avoir des conséquences imprévues et graves, en particulier sur les petites sociétés privées. Dans de nombreux cas, un audit est inutile ou le coût prohibitif et disproportionné par rapport aux ressources financières de la société et à la valeur de l’investissement d’un actionnaire. Les audits peuvent coûter des dizaines de milliers de dollars et payer le coût d’un audit peut laisser une entreprise avec des bénéfices réduits ou nuls à distribuer aux actionnaires, ou pire encore, encore plus endettés. Ironiquement, l’application même du principe qui vise à protéger les investissements des actionnaires pourrait en fait compromettre leurs investissements.
Since que se passer d’un auditeur nécessite un consentement unanime, le sort d’une société, et l’investissement de tous les autres actionnaires (et le rendement de celui-ci) dans cette société, pourrait reposer entre les mains d’un seul actionnaire, quel que soit le statut de cet actionnaire en tant qu’actionnaire avec droit de vote ou sans droit de vote et quelle que soit la taille de l’investissement de cet actionnaire. Bien qu’il puisse être injuste pour un actionnaire minoritaire de refuser une évaluation indépendante de l’état financier d’une société, il est tout aussi, peut-être plus, injuste pour les actionnaires majoritaires restants de subir les conséquences d’une telle évaluation si elle est par ailleurs inutile ou non rentable. La jurisprudence a statué que le motif d’un actionnaire et les conséquences financières de l’exigence d’une vérification ne sont pas pertinents. Frappés par la dureté inébranlable de cette règle, certains juges ont (à juste titre) tenté d’atténuer ses ramifications. Dans
l’arrêt Barbour c. Jamestown Lumber Co., le juge Handrigan a écrit : « J’ai tenu compte de cette restriction en limitant la vérification au plus récent exercice de Jamestown Lumber. Dans les circonstances en l’espèce, ce serait une dépense injuste et inutile pour la société et, en fin de compte, pour ses autres actionnaires de supporter d’exiger une vérification pour une période plus longue.
Lorsque par rapport à d’autres juridictions de premier plan en droit des sociétés, le modèle d’universalité du Canada est draconien. Certains États américains (dont New York et le Delaware) n’exigent pas d’états financiers vérifiés des sociétés privées. Au Royaume-Uni et en Australie, des exemptions légales des exigences de vérification (en fonction des revenus, des actifs et du nombre d’employés) sont accordées aux petites entreprises privées. Cependant, même si une société peut autrement être exemptée des exigences d’audit, les membres (votants et non) des sociétés britanniques représentant au moins dix pour cent de la valeur nominale du capital social d’une société, et les actionnaires votants de sociétés australiennes détenant au moins cinq pour cent des voix, peuvent exiger un audit.
L’exigence de vérification à toute épreuve du Canada est mal adaptée, déséquilibrée et disproportionnée pour d’innombrables petites entreprises privées. Un meilleur équilibre entre les droits des actionnaires minoritaires et majoritaires s’appelle.