Le 19 novembre 2018, dans le cadre du nouveau programme de dénonciation de l’Alberta Securities Commission (l'« ASC »), la Securities Amendment Act (les « modifications ») est entrée en vigueur et a modifié la Securities Act (Alberta) (la « Loi »). L’objectif principal des modifications est d’encourager les employés à signaler les infractions potentielles à la loi sur les valeurs mobilières de l’Alberta à l’ASC et de les protéger lorsqu’ils le font. Les modifications renforcent la confidentialité, interdisent les représailles et prévoient un droit civil d’action pour les dénonciateurs en cas de représailles.
Les modifications définissent un « dénonciateur » comme un employé qui divulgue volontairement des renseignements à l’ASC concernant une infraction présumée aux lois sur les valeurs mobilières de l’Alberta par son employeur (ou par un collègue de travail). Un « employé » comprend les employés à temps plein et à temps partiel, les administrateurs et les entrepreneurs indépendants ainsi que les employés à temps plein et à temps partiel et les administrateurs de sociétés affiliées.
Les modifications exigent que l’identité du dénonciateur, ainsi que tout renseignement ou dossier qui pourrait raisonnablement révéler l’identité du dénonciateur, demeure confidentiel à moins que :
a) le directeur exécutif de l’ASC et le dénonciateur consentent à la divulgation;
b) l’ASC détermine que la divulgation est nécessaire pour démontrer qu’une personne ou une société visée par une audience n’a pas contrevenu aux lois sur les valeurs mobilières de l’Alberta;
c) un juge de la cour provinciale présidant un procès portant sur une infraction à la Loi détermine que la divulgation est nécessaire pour démontrer qu’une personne ou une entreprise accusée n’a pas commis l’infraction ou les infractions en question; ou
d) le directeur général a des motifs raisonnables de croire que le dénonciateur a commis une infraction à la Loi ou au Code criminel (Canada) liée aux renseignements divulgués.
Nonobstant ce qui précède, les modifications prévoient qu’un dénonciateur peut être contraint de témoigner lors d’une audience ou d’un procès.
De plus, il est interdit à la personne, à l’entreprise ou au collègue visé par la divulgation du dénonciateur de se livrer à des représailles contre le dénonciateur. Cette protection couvre également les situations où les employés expriment l’intention de dénoncier ou coopèrent avec l’ASC. Les « représailles » sont définies comme étant toute mesure ou conduite (ou menace) qui « a une incidence négative et importante sur l’emploi ou les conditions de travail » du dénonciateur (p. ex., congédiement, rétrogradation, mutation, réduction de salaire, changement d’heures, réprimande). L’interdiction s’étend aux représailles contre un employé dont le parent agit à titre de dénonciateur.
Toutefois, l’interdiction des représailles ne s’appliquera pas lorsque l’employé ou son parent « ne croyait pas raisonnablement les renseignements concernant des actes répréhensibles présumés » au moment de la dénonciation.
L’ASC a le pouvoir d’enquêter sur les représailles prises par un employeur et peut imposer des pénalités administratives allant jusqu’à 1 million de dollars. Dans certains cas, l’ASC peut intenter des poursuites en matière de représailles devant les tribunaux et demander des amendes allant jusqu’à 5 millions de dollars ainsi que des peines d’emprisonnement.
Un employeur ne peut pas interdire, par contrat ou par politique, à un employé de dénoncer à l’ASC. Un employeur ne peut pas non plus empêcher un employé de divulguer des renseignements à l’ASC, de demander conseil à L’ASC au sujet de la divulgation ou de coopérer à une enquête ou à une procédure de LPC en vertu de la Loi. Cette interdiction s’étend à l’application des ententes de confidentialité par les employeurs, ce qui signifie qu’une disposition de confidentialité sera nulle dans la mesure où elle vise à empêcher la divulgation ou la coopération d’un dénonciateur avec l’ASC.
Un employé ne sera pas responsable de la dénonciation à moins que :
a) l’employé n’a pas raisonnablement cru les renseignements concernant l’acte répréhensible allégué au moment de la dénonciation; ou
b) l’employé qui s’est livré à l’acte répréhensible qu’il a signalé.
Un dénonciateur qui fait l’objet de représailles a le droit d’agir contre son employeur et tout autre employé « qui a pris ou dirigé les représailles ». Les modifications exigent que le dénonciateur prouve (i) que les représailles ont effectivement eu lieu et (ii) qu’il était un dénonciateur au moment des représailles. Il est important de noter que le dénonciateur n’a pas à prouver que les représailles ont été causées par l’acte de dénonciation.
Un employeur peut réussir à éviter sa responsabilité de deux façons :
a) en prouvant que les représailles alléguées n’étaient pas liées à l’acte de dénonciation de l’employé; ou
b) en prouvant que l’employé, lorsqu’il agissait à titre de dénonciateur, n’a pas raisonnablement cru les renseignements concernant les actes répréhensibles allégués.
Le montant des dommages-intérêts dépend de la nature des représailles. Si l’employé a été congédié ou suspendu, si son salaire a diminué ou s’est vu refuser un avantage ayant une valeur monétaire, l’entreprise responsable doit payer jusqu’à deux fois le montant qui lui aurait été dû entre les représailles et la détermination des dommages. Les représailles de nature non monétaire seront annulées, dans la mesure du possible, et l’employé a droit à un montant pouvant atteindre sa rémunération totale gagnée entre la date des représailles et la date à laquelle les dommages-intérêts sont déterminés.
Les entreprises devraient être particulièrement conscientes du fardeau relativement faible de la preuve à laquelle sont confrontés les dénonciateurs lorsqu’ils demandent des dommages-intérêts pour des représailles. Il incombe à l’employeur défendeur de démontrer que toute sanction imposée à un employé était indépendante du statut de dénonciateur de cet employé. Pour aider à s’acquitter de ce fardeau, les employeurs devraient établir des procédures claires pour traiter avec les dénonciateurs et documenter la prise de décision ainsi que les problèmes de rendement des employés afin de fournir une base pour la discipline ou le congédiement.
Les entreprises devraient également s’assurer que les superviseurs et les membres de l’équipe des ressources humaines sont au courant des interdictions de représailles. Les politiques en matière de discipline et de dénonciation devraient être mises à jour pour être conformes au nouveau régime de dénonciation et communiquer clairement qu’il n’y aura pas de représailles pour dénonciation.
Enfin, il faut garder à l’esprit que les nouvelles protections des dénonciateurs concernent la divulgation de renseignements à l’ASC. La divulgation de renseignements à d’autres tiers que l’ASC (par exemple, les médias) n’est pas protégée par ces dispositions, et les employés qui se livrent à de telles divulgations peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires en vertu des politiques ou des ententes sur les renseignements confidentiels des employeurs.
Nos avocats ont examiné les implications du nouveau programme de dénonciation sur la relation entre les entreprises et leurs employés. Veuillez nous contacter pour discuter de l’impact des changements sur votre entreprise.