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L’interprétation par le tribunal de première instance d’un contrat beaucoup plus difficile à annuler, confirme la Cour suprême du Canada

09 mai 2016

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Pour infirmer l’interprétation d’un contrat par un tribunal de première instance en appel, il ne suffit pas que le tribunal de première instance ait eu tort, il doit avoir vraiment tort, a récemment affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Heritage Capital Corp c Equitable Trust Co, 2016 CSC 19 [Patrimoine]. La Cour a confirmé que la norme de contrôle en appel applicable à l’interprétation d’un contrat par un tribunal inférieur est une erreur manifeste et dominante, et non seulement la décision correcte, en l’absence d’une erreur de droit extricable.

Dans une importante décision de 2014 découlant de la décision d’un arbitre, la Cour suprême du Canada a statué dans l’affaire Creston Moly Corp c. Sattva Capital Corp, 2014 CSC 53 [Sattva] que l’approche historique de l’interprétation contractuelle, où « les droits et obligations juridiques des parties en vertu d’un contrat écrit étaient considérés comme une question de droit », devrait être abandonnée. Au lieu de cela, l’interprétation contractuelle a été reconnue comme impliquant « des questions mixtes de fait et de droit car il s’agit d’un exercice dans lequel les principes d’interprétation contractuelle sont appliqués aux termes du contrat écrit, examinés à la lumière de la matrice factuelle ». Les questions mixtes de fait et de droit sont à l’origine de la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante plutôt que de la décision correcte. Cela signifie qu’une cour d’appel ne mettra en doute une décision d’un juge des faits que lorsque la décision est déraisonnable ou commet une erreur manifeste et dominante, non seulement parce que la cour d’appel déciderait elle-même de l’affaire différemment. L’arrêt Sattva prévoyait également la possibilité d’identifier « une question de droit extensoirable », attirant la norme de la décision correcte, telle que « l’application d’un principe incorrect, l’omission de tenir compte d’un élément requis d’un critère juridique ou l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ».

Certains commentateurs après Sattva ont remis en question la portée de la décision. Ses commentaires sur l’interprétation contractuelle étaient-ils contraignants ou obiter? Pourrait-elle se limiter à ses faits uniques, qui impliquaient de déterminer « la norme de contrôle appropriée à appliquer aux décisions arbitrales commerciales »? Ou était-ce plus généralement applicable?

Dans l’arrêt Heritage, la Cour suprême du Canada a confirmé pour la première fois que l’arrêt Sattva s’applique de façon plus générale, et plus particulièrement aux décisions des tribunaux inférieurs. Dans l’affaire Heritage, Lougheed Block Inc. et la Ville de Calgary ont passé un contrat avec la Ville pour effectuer certains paiements incitatifs à la suite de la désignation d’un bâtiment appartenant à Lougheed comme « ressource historique municipale » en vertu de la Historical Resources Act (HRA) de l’Alberta. À la Cour d’appel, les juges majoritaires ont conclu que la norme de contrôle applicable à la décision du juge en chambre était celle de la décision correcte, tandis qu’une opinion dissidente a conclu que l’interprétation du contrat était une question mixte de fait et de droit qui susquait la norme de déférence de l’erreur manifeste et dominante. À la Cour suprême du Canada, la Cour s’est unanimement rangée du côté du juge dissident sur la norme de contrôle.

La Cour suprême a affirmé que l’interprétation contractuelle comporte des questions mixtes de fait et de droit et que « la déférence à l’égard des personnes qui constatent les faits favorise l’objectif de limiter le nombre, la durée et le coût des appels, et de promouvoir l’autonomie et l’intégrité des procédures judiciaires ». La Cour a reconnu que l’interprétation de la LRH par le juge siégeant en cabinet était applicable à la norme de la décision correcte puisque l’interprétation des lois est une question de droit. Toutefois, la Cour n’a pas conclu que la même norme s’appliquait à l’interprétation du contrat, même si l’interprétation du contrat dépendait, dans une certaine mesure, de l’interprétation de la loi. La Cour a plutôt conclu que le juge dissident « avait raison de conclure que la norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique à l’interprétation du [contrat] par le juge siégeant en cabinet ».

Heritage confirme donc que, dans le cas ordinaire, l’examen en appel des questions d’interprétation contractuelle est examiné selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Sattva ne se limite pas aux décisions d’arbitrage; elle s’applique également aux décisions des tribunaux de première instance. En effet, Heritage confirme que Sattva a apporté un changement important à la façon dont les cours d’appel traiteront les affaires contractuelles. Il est maintenant plus difficile que jamais d’infirmer une décision d’interprétation contractuelle en appel.

La décision traite aussi en détail des règles d’interprétation des lois, en soulignant en particulier que lorsqu’une législature (ou un parlement) crée expressément une exception légale à un principe de common law, cette exception devrait être interprétée de façon étroite, car on présume que le législateur n’a pas eu l’intention de modifier la common law à moins qu’il ne l’ait fait clairement et sans ambiguïté.

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