Écrit par David Gruber, Roy Lou and Larissa Sakumoto
En Colombie-Britannique, le contre-interrogatoire des affidavits dans le contexte des demandes préalables au procès n’est pas de droit, comme c’est le cas dans de nombreuses autres juridictions canadiennes. En l’absence d’accord, une partie qui cherche à le faire dans le cadre d’un litige en Colombie-Britannique doit s’adresser à la Cour, qui conserve un pouvoir discrétionnaire. Les praticiens de la Colombie-Britannique ont généralement accepté, en tant qu’interprétation conventionnelle, que de telles demandes ne sont accueillies qu’en cas de conflit dans la preuve par affidavit. La récente décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Stephens v Altria Group, Inc., 2021 BCCA 396 s’écarte de ce principe conventionnel, statuant qu’un tel contre-interrogatoire peut être autorisé lorsqu’il existe des faits importants contradictoires, qui peuvent être fondés sur des actes de procédure ainsi que sur une preuve par affidavit.
Faits généraux
Les intimés, Jaycen Stephens et Owen Mann-Campbell (les représentants des demandeurs), ont déposé un recours collectif contre l’appelante, Altria Group, Inc. (Altria) et d’autres fabricants (les défendeurs) de cigarettes électroniques JUUL (le recours collectif). Le recours collectif allègue, entre autres choses, que : (1) les défendeurs ont fait de la publicité trompeuse pour les cigarettes électroniques JUUL comme une solution de rechange plus sûre aux cigarettes traditionnelles, causant une épidémie de consommation de nicotine chez les jeunes; et (2) Altria et d’autres fabricants de cigarettes électroniques JUUL ont comploté pour commercialiser et vendre leurs produits.
Dans le cadre du recours collectif, Altria a présenté une demande pour contester la compétence de la Cour suprême de la Colombie-Britannique sur le différend. Altria a déposé deux affidavits à l’appui niant toute participation à la commercialisation et à la vente de cigarettes électroniques JUUL au Canada, et rejetant l’allégation de complot (les affidavits d’Altria). Les représentants des demandeurs ont demandé le contre-interrogatoire des déposants des affidavits d’Altria.
La décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique
Le juge de gestion de l’instance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accueilli la demande des représentants des demandeurs de contre-interroger les déposants des affidavits d’Altria.
Le juge chargé de la gestion de l’instance a adopté le critère énoncé dans l’arrêt Greenwood v Greenwood, [1999] BCJ no 846 (BCSC), pour contre-interroger un déposant sur sa preuve par affidavit. Le critère de Greenwood énonce trois facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer s’il y a matière à permettre le contre-interrogatoire sur la base d’une preuve par affidavit :
- s’il y a des faits importants en cause;
- si le contre-interrogatoire est pertinent à une question qui peut avoir une incidence sur l’issue de la demande de fond; et
- si le contre-interrogatoire servira un objectif utile pour obtenir des éléments de preuve qui aideraient à trancher la question.
La décision de la Cour d’appel
Altria a interjeté appel et la Cour d’appel a confirmé la décision du juge de gestion de l’instance.
La définition d’un fait important en cause
En appel, Altria a soutenu que le juge de gestion de l’instance n’avait pas appliqué le premier élément du critère de Greenwood et qu’il avait donc commis une erreur en adoptant un seuil plus bas pour ordonner le contre-interrogatoire sur la base de la preuve par affidavit. Altria a avancé le point de vue communément admis selon lequel le contre-interrogatoire des affidavits dans les demandes préalables au procès nécessite un conflit dans la preuve par affidavit, soutenant que le point de vue contraire découle d’une ligne conflictuelle de décisions minoritaires, y compris Greater Vancouver Water District v SSBV Consultants Inc., 2014 BCSC 1148, qui suggèrent qu’un conflit dans la preuve par affidavit n’est pas nécessaire pour ordonner le contre-interrogatoire des affidavits.
La Cour d’appel a rejeté l’argument d’Altria en faveur de la position contraire et a confirmé l’adoption et l’application du critère de Greenwood par le juge de la gestion de l’instance. La Cour d’appel a statué que la question clé, selon Greenwood, est de savoir s’il y a un « fait important en cause » et qu’en fait, une preuve d’affidavit contradictoire n’est pas requise. Ce faisant, la Cour d’appel semble avoir ouvert la porte à l’autorisation du contre-interrogatoire des affidavits lorsqu’un conflit sur une question importante découle d’actes de procédure, plutôt que strictement de la preuve par affidavit.
Altria a également soutenu que le juge de gestion de l’instance avait commis une erreur en concluant que des faits importants étaient en cause dans les affidavits d’Altria, car les représentants des demandeurs n’avaient pas plaidé l’allégation de complot contre Altria dans leur avis de poursuite civile. La Cour d’appel a rejeté cet argument, statuant que les actes de procédure doivent être évalués dans leur ensemble pour déterminer les faits importants en cause, et qu’il y avait une telle question importante en l’espèce: les représentants des demandeurs avaient plaidé qu’Altria était impliquée dans un complot avec les autres défendeurs, ce qui va à l’avis de la preuve par affidavit d’Altria.
Conclusion
La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Stephens v Altria Group, Inc. s’écarte du principe communément admis par de nombreux praticiens de la Colombie-Britannique selon lequel une partie qui cherche à contre-interroger des affidavits dans le cas d’une demande préalable au procès ne peut le faire que lorsqu’il y a un conflit dans la preuve par affidavit. La Cour d’appel s’est plutôt prononcée en faveur d’un critère plus large et plus indulgent : le contre-interrogatoire est permis lorsqu’il y a des faits importants contradictoires, et ces faits peuvent être fondés à la fois sur des actes de procédure et sur des affidavits. Il n’est pas nécessaire d’avoir un conflit direct dans la preuve par affidavit.
Traduction alimentée par l’IA.
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